Brève rencontre à Ramallah

Brève rencontre à Ramallah

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 juillet 2008

Barack Obama a passé trois quarts d’heure à Ramallah, au siège de ce qu’il est poliment convenu d’appeler l’«Autorité» palestinienne. Poliment, car, effectivement, on se demande sur quoi cette structure administrative spécialisée exercerait-elle la moindre parcelle de pouvoir. Il n’empêche, on nous l’a assez répété, dans cette région du monde chargée d’histoire, les symboles auraient plus de force qu’ailleurs. Cette autorité symbolique est ce que les Occidentaux – qui s’auto-désignent lapidairement comme «communauté internationale» – considèrent comme l’émanation représentative du peuple palestinien.

Le candidat métis, soucieux de se forger une image internationale, a donc, courageusement nous dit-on, décidé de rendre visite au président de l’Autorité et il était même prévu qu’à l’issue des entretiens, un déjeuner devait être offert par le président Abbas. Du côté de l’Autorité, on avait mis les petits plats dans les grands, soucieux, sans doute, de nourrir pour une fois autre chose que des illusions et de recevoir dignement le possible futur président des Etats-Unis d’Amérique. Hélas, Barack Obama a décommandé la partie culinaire de la rencontre et s’est empressé de revenir à l’hôtel du Roi David à Jérusalem ou, sans nul doute, la cuisine est électoralement plus nourrissante.

Le sénateur de l’Illinois, soucieux de ne point froisser l’électorat américain pro-sioniste, n’a pas souhaité manifester une trop grande proximité avec les Palestiniens. Il a évité également de saluer la mémoire de Yasser Arafat, dont le tombeau est situé justement dans l’enceinte de l’Autorité. Ainsi, la visite n’aura duré que quarante-cinq minutes, au grand dam des responsables et dans la plus complète indifférence des citoyens palestiniens.

En revanche, Israël a constitué l’escale la plus longue de sa tournée internationale. Comme toutes les personnalités occidentales en visite, le candidat a sacrifié aux usages locaux: coiffé d’une très seyante kippa immaculée, il s’est recueilli face au mur des Lamentations et a même rituellement inséré une feuille de voeu dans les interstices de la muraille. On imagine sans peine l’objet de sa prière. La charge symbolique est éloquente et l’identification complète. Au plan politique, le candidat a profité de son passage à Jérusalem pour réitérer son amour pour Israël et réaffirmer son voeu de voir Jérusalem accéder au statut de capitale éternelle d’un Etat tout aussi éternel.

Mais les Palestiniens n’avaient nul besoin d’éprouver le tact très relatif du sénateur-candidat, ni cette débauche de symboles pour mesurer exactement la nature du complexe américano-sioniste. Démocrate ou républicain, noir, blanc ou métis, femme ou homme, les responsables américains sont les exécutants d’une politique moyen-orientale qui constitue l’un des fondamentaux de leurs relations internationales. Cette politique fondée sur la spoliation des Palestiniens est celle du complexe militaro-industriel au sein duquel le lobby sioniste joue un rôle capital. A cette aune, les gesticulations médiatiques et les stratégies de communication électorales sont de peu de poids.

Lucidement, l’opinion palestinienne n’a pas accordé de signification à la visite de Barack Obama ni à ces symboles. Les Palestiniens savent que la liberté ne sera pas concédée par les Etats-Unis, grand protecteur du dernier Etat colonial, et que le seul réalisme opératoire est celui de la résistance.