La main de fer sioniste dans le gant de velours de la démocratie française

La main de fer sioniste dans le gant de velours de la démocratie française

Saïd Mekki, Algérie News, 19 juillet 2008

Le célèbre dessinateur Siné collaborateur de l’hebdomadaire satirique « Charlie-Hebdo » vient d’être licencié avec pertes et fracas par Philippe Val, directeur de journal et grand-prêtre de la croisade islamophobe, pour antisémitisme caractérisé. En effet, le dessinateur et chroniqueur avait eu l’audace de commenter les déclarations de Jean Sarkozy, fils du président de la République française, à la veille de son mariage avec l’héritière de confession juive des fondateurs de Darty, chaine hexagonale de distribution de produits électroménagers.

Dans la tonalité propre à un genre journalistique très installé, Siné avait écrit « Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »

Voici donc ce qui vaut au vieux dessinateur, il aura 80 ans à la fin de l’année, d’être trainé sans ménagements devant la cour pénale du journalisme encadré. Ce n’est pas tant la mise en cause du fils du chef de l’Etat français mais bien l’évocation, sur le ton de la dérision, de sa conversion supposée qui constitue le chef d’inculpation. Siné a franchi une dangereuse ligne rouge du consensus médiatique et ainsi sauvagement violé la loi fondamentale mais non-écrite qui régit la profession.

Siné, est un personnage haut en couleur que les algériens connaissent bien, il a été un militant engagé de l’indépendance de notre pays ou il a vécu quelques années après l’indépendance. Il avait été notamment le concepteur de certaines campagnes publicitaires de Sonatrach et avait collaboré avec divers journaux algériens. Ceux qui l’ont connu se souviennent de l’artiste iconoclaste, dont l’athéisme radical s’exprimait le plus souvent dans le registre de la détestation de toutes les religions et de toutes les formes de religiosité, quelles qu’elles soient, qu’il continue d’assimiler à de l’obscurantisme pur et simple. On se souvient avec un sourire amusé de ses diatribes enflammées contre nos barbus et leurs accoutrements parfois farfelus. Siné fait partie de cette tradition bien française de « bouffeurs de curés » et d’anti-calotins qui remonte à la révolution de 1789.

Mais, voila, Siné qui détonait quelque peu dans le « Charlie-Hebdo » de la guerre des civilisations chère à Philippe Val et à sa frénétique égérie Caroline Fourest, a le grand tort d’être également un militant de la cause palestinienne et d’exprimer des positions publiquement antisionistes. Il faut dire que beaucoup ne comprenaient pas ce qu’il pouvait bien faire dans cette galère-amirale de la flotte islamophobe qui constitue, hélas, l’essentiel de l’univers médiatique français. Claude Askolovitch du Nouvel Observateur, une des éminences de la puissante société des hebdomadaires de la bienpensance anti-arabe, a déclenché le hallali. Siné voit son nom ajouté à la liste que l’on voudrait infamante des intellectuels antisémites. En effet, dans sa fatwa, le journaliste Askolovitch décrète que Siné « est un antisémite dans un journal qui ne l’est pas ».

L’accusation vaut mise à l’index suprême et signifie l’excommunication « laïque » de la communauté des intellectuels fréquentables. D’autres personnalités parfaitement honorables, de Pierre Bourdieu à Edgar Morin, ont fait les frais de campagnes du même type. Le philosophe Alain Badiou a échappé de peu, il y a quelques semaines, aux mêmes foudres grâce à l’intervention décidée d’intellectuels juifs outrés par le recours à des arguments indignes ou la confusion entre antisémitisme et antisionisme est systématique.

Malgré la torpeur estivale qui gagne la capitale française, cette nouvelle affaire fait grand bruit. Elle illustre on ne peut mieux la très grande cohérence des médias français dès qu’il s’agit de critiquer la religion juive voire même seulement d’utiliser le mot « juif ». Tous ceux, notoirement antifascistes et antiracistes, qui se sont risqués à l’exercice ont vite compris que s’ils voulaient continuer à avoir une existence publique, ils avaient intérêt à n’utiliser ce mot qu’avec la seule connotation historique de « victime sans défense ». Les faits les plus divers, réels –bagarres entre bandes de voyous – ou imaginaires – agression du RER D – rapportés par la presse illustrent ad nauseum cette impérative compulsion. L’évocation itérative du génocide des juifs d’Europe nourrit une culpabilisation automatique de ceux qui se risqueraient à parler du judaïsme comme ils parlent aujourd’hui sans inhibitions et sans nuances de l’Islam. La sacralisation du terme et la culpabilisation qu’elle induit, sert bien évidemment des intérêts parfaitement actuels. Personne ne s’y trompe mais très peu osent le dire, l’équation antisionisme/antisémitisme est l’axe de propagande majeur du mouvement sioniste dont les représentants dominent sans partage la presse hexagonale. De très nombreux citoyens d’origine ou de confession juive qui ne se reconnaissent nullement dans le sionisme subissent avec la même virulence haineuse, les assauts de ce lobby qui ainsi revendique très abusivement une qualité d’unique dépositaire de la mémoire du génocide et se proclame seul exécuteur testamentaire des victimes des chambres à gaz.

On se souvient de la polémique autour de la liberté de la presse quand il s’est agit pour Charlie-Hebdo de publier les caricatures d’inspiration nazie du prophète de l’Islam. Les milieux qui aujourd’hui clouent Siné au pilori avaient fait assaut de libéralisme et avaient surenchérit passionnément dans la défense de la liberté d’expression. « Nous sommes un pays de liberté d’expression !» répondaient-on avec morgue à ceux qui osaient établir un parallèle entre ces caricatures danoises et celles antijuives qui fleurissaient dans la presse collaborationniste. Notons le au passage, personne parmi tous les spécialistes de l’indignation à géométrie variable n’avait observé une seule seconde d’indignation publique lorsque le même Siné avait publié des chroniques parfaitement insultantes contre les musulmans dans le même journal. A juste titre d’ailleurs tant le caractère outrancier du propos relevait davantage de la polémique provocatrice chère aux satiristes libres-penseurs que de l’expression d’un quelconque racisme supplétif de l’Axe du Bien.

Il est intéressant d’observer le silence gêné qui entoure ce nouveau procès en sorcellerie fait à Siné. Très occupée à boycotter les jeux olympiques de Pékin, l’organisation Reporters sans Frontières n’a pas encore réagit. En attendant on pourra continuer à donner des leçons au monde entier sur la défense des libertés et gloser sur les incomparables vertus d’une presse tenue financièrement et encadrée idéologiquement d’une main de fer…