Investissement et Etat de droit

Investissement et Etat de droit

Saïd Mekki, Algérie News, 12 août 2008

La décision d’imposer une participation majoritaire de l’Etat dans les opérations d’investissement dans le pays par des entités étrangères dans le pays est avant tout l’aveu de l’échec consommé de la politique économique, ou de ce qui en tient lieu. En réalité, comme le citoyen ordinaire peut le constater cette politique a surtout attiré des investisseurs de qualité incertaine motivés par des gains à court terme et peu désireux de s’impliquer réellement dans la construction de l’économie nationale. En fait d’investissements, il a s’agit bien souvent pour des capitaux spéculatifs sans autre expertise que leurs connexions à l’intérieur de cercles de l’administration de profiter de l’immense potentiel du marché algérien pour réaliser à peu de frais de remarquables jackpots. Ainsi la démonopolisation du secteur de la téléphonie mobile et de celui de l’importation de produits pharmaceutiques a été l’occasion pour des investisseurs sans qualification ni réputation dans ces domaines de se brancher sur la rente pétrolière. Les logiques courtermistes de ces opérateurs à la renommée parfois discutable prévaut naturellement sur toutes autres considérations et notamment le souci de participer à la nécessaire diversification de la base productive nationale. L’implantation visible de ces groupes avec le soutien des pouvoirs publics a directement terni l’image du pays en conférant à ce dernier le statut d’un comptoir désadministré, d’un pays de cocagne ouvert à tous les vents de l’opportunisme financier et commercial. Comme l’imposition de la participation majoritaire de l’Etat, l’obligation de réinvestir des bénéfices énormes dans le secteur productif intervient tardivement et donne à ces mesures le caractère peu probant de représailles à l’endroit d’investisseurs peu scrupuleux.

Mouvement de balancier

Le pays envoie des signaux plutôt confus : au laisser-faire d’hier s’oppose aujourd’hui un contrôle qui peut sembler excessivement autoritaire et sans nuances. Ce mouvement pendulaire traduit en réalité deux carences éminemment préjudiciables. En premier lieu, le retour à des mesures de contrainte directe traduit la faiblesse patente de l’administration générale du pays qui apparaît ainsi comme un chantier dévasté incapable d’encadrer et de suivre l’activité des agents économiques et de procéder en permanence à une sélection qualitative et aux corrections qu’impose une réalité économique en mouvement. La seconde faiblesse, amplement décriée, réside indiscutablement dans l’absence d’une politique économique efficace et conduite avec lucidité et détermination par des équipes de qualité. L’environnement des affaires reste essentiellement caractérisé par ces deux failles principales. Dans un tel contexte, l’abondance miraculeuse des ressources financières du pays n’a attiré qu’une population d’opérateurs nationaux ou étrangers uniquement préoccupés par le gain maximal dans la période la plus courte possible en vue de son transfert à l’étranger. Le comportement vertueux inhérent au capitalisme rhénan fondé sur des stratégies de long terme n’est visiblement pas la caractéristique de ces groupes sans réel ancrage dans les secteurs d’activité qu’ils prennent à l’abordage ni, encore moins, dans la préservation des intérêts nationaux.
Mais toutes les mesures de caractère autoritaire qui ne se fondent pas sur un fonctionnement institutionnel global et cohérent ne sont que des palliatifs intérimaires. Pour être effectif, le soutien et l’encadrement de l’investissement nécessite la réunion de conditions qualitatives, de nature politique et juridique, préalables au retour d’une administration efficace et à la mobilisation de l’ensemble des acteurs indispensables à la mise en œuvre d’une stratégie économique lisible et stable. En effet, le laisser-faire et l’économie de souk, préconisés par des conseillers très intéressés par l’affaiblissement du pays, n’ont pas besoin d’un minimum d’Etat de droit. Pour autant, l’autoritarisme n’est pas la réponse appropriée pour remédier valablement à un tel état de fait. Le développement du pays, la diversification de la base productive et la création d’emplois réels durables ne peuvent se concevoir ni se transformer en réalité par la seule magie de l’incantation ou en vertu de l’ukase. Nul besoin d’être grand clerc pour le constater : le libéralisme anarchique sans substance qui sévit en Algérie ne suscite que l’enrichissement d’intermédiaires improductifs, la bonification outrancière des marges commerciales et l’amélioration de la déjà exorbitante rentabilité bancaire. Décidemment, la rupture avec la logique d’enrichissement sans cause de soi-disant investisseurs n’est pas de nature technique ou administrative.