« L’explosion sera plus intense que celle du 5 Octobre 1988 »

L’UNIVERSITAIRE MOHAMED SAÏDI AU FORUM D’EL MOUDJAHID

« L’explosion sera plus intense que celle du 5 Octobre 1988 »

Le Soir d’Algérie, 22 mai 2008

«Les réformes économiques et politiques ont échoué pour la simple raison qu’il n’y a jamais eu de projet de société depuis l’indépendance. Le système en place est pourri et doit se retirer pour laisser place à la nouvelle génération.» Il s’agit d’un constat, d’un cri d’alarme et d’un avertissement à qui veut l’entendre.
Rosa Mansouri – Alger (Le Soir) – Saïdi Mohamed, professeur à la faculté des sciences humaines et sociales de Tlemcen, n’a pas mâché ses mots, hier, devant les étudiants qui l’ont convié à débattre «du rôle de l’étudiant dans les réformes politiques». L’Union générale des étudiants libres (Ugel), qui a initié ce débat au forum d’ El Moudjahid, n’avait certainement pas prévu une communication d’une telle pertinence. Car contre toute attente, M. Saïdi a banni toute couleur partisane de la communauté estudiantine. Il a invité les étudiants à faire de même et à ne pas se faire arnaquer par les partis politiques, tous devenus opportunistes et sans valeurs à défendre. Le conférencier a dressé un tableau noir de la situation politique et économique nationale. Il craint même une explosion sociale qui ne tardera pas à se manifester et dont l’intensité dépassera de loin le mouvement du 5 Octobre 1988. «Ce qui s’est passé en 1988 devait être une leçon pour le système en place, mais les mêmes scénarios se reproduisent avec de nouveaux visages. L’élite a échoué en se divisant en francophones et arabophones. Nous sommes en train de reculer pendant que le monde avance», a-t-il déclaré, convaincu que la véritable réforme sera celle du changement du système et de la compréhension de ce qui se passe dans la société. L’Université est, par ailleurs, celle qui porte le plus les maux de la société, car son rôle est d’être une force de propositions et de changement, mais hélas, cette mission s’est transformée par la volonté du pouvoir en une usine de fabrication de diplômes sans valeur. Telle est la conclusion de M. Saïdi sur la position de l’Université aujourd’hui dans la société. Des propos certes qui ont choqué les étudiants de l’Ugel habitués à des discours lénifiants. «Vous ne devez pas chercher votre rôle, mais imposer le changement. Vous êtes une force et votre devoir est d’apporter des solutions aux problèmes de la société», a affirmé M. Saïdi à l’égard de l’assistance. «Qu’est-ce qui a été fait depuis 1988 ? Il faut vous poser des questions et chercher les réponses. La nouvelle génération doit prendre ses responsabilités», tout en s’interrogeant sur le devenir du pays dans vingt ou quarante ans, si le système est maintenu. Interrogé par ailleurs sur les mouvements de protestation déclenchés çà et là à l’intérieur du pays, M. Saïdi ne se fait aucune illusion s’agissant d’un début d’une révolte populaire qui risque d’enfanter une crise nationale à tous les niveaux, et à ce moment-là, les conséquences seront désastreuses. «Le désespoir est déjà dans les lycées, alors que dire de la société et de l’Université», fait-il remarquer, rappelant que la jeunesse a besoin de vivre et d’espérer.
R. M.