Le journaliste Arezki Aït Larbi toujours privé de son passeport

Le journaliste Arezki Aït Larbi toujours privé de son passeport

Cible d’une « procédure d’exception »

El Watan, 13 novembre 2006

Arezki Aït Larbi, journaliste free-lance et également correspondant à Alger des quotidiens français Le Figaro et Ouest France, est toujours privé de son passeport depuis mai 2006 sous motif d’une condamnation par défaut à six mois de prison ferme en 1997, précédée d’un mandat d’arrêt du juge d’instruction.

Arezki Aït Larbi n’avait jamais été informé de ce jugement prononcé dans le cadre d’une affaire en diffamation remontant à 1994. L’article incriminé concernait une enquête alimentée par des témoignages sur des sévices commis sur des détenus politiques dans le pénitencier de Lambèse, près de Batna dans l’est du pays, dans les années 1980. La plainte a été déposée par un directeur central du ministère de la Justice de l’époque. Les requêtes de l’avocat de Aït Larbi, pour faire opposition au jugement et annuler le mandat d’arrêt, sont restées vaines. « Les juristes ont été surpris par cette procédure d’exception : je crois que c’est la première fois qu’un juge d’instruction émet un mandat d’arrêt dans une affaire de délit de presse. Ils savent pourtant parfaitement où je me trouve. Je ne suis ni en exil ni au maquis », s’indigne Arezki Aït Larbi, rencontré hier à la Maison de la presse Tahar Djaout à Alger. « Sur le fond, je respecte le droit de quiconque qui s’estime diffamé et qui recourt à la justice », dit-il, rappelant qu’il a été poursuivi une seule fois pour diffamation au tribunal de Paris en 2002 par un délégué des archs de Tizi Ouzou : le journaliste a gagné ce procès. « J’aurais aimé assister au procès de 1997 afin de mettre sur la place publique la question des conditions dans les prisons », indique le journaliste, précisant qu’il s’agit, moralement, du « procès de tout un système et non pas d’un seul homme ».

Tentative d’intimidation

Il pense que le procès a été mené ainsi à l’époque pour le condamner sans pour autant étaler en public le dossier des conditions d’incarcération. Pour Le Figaro, où Aït Larbi travaille depuis dix ans, il s’agit d’une « tentative d’intimidation contre notre correspondant et on espère que les autorités algériennes vont annuler les mesures qui le menacent », selon les termes de Luc de Barochez, chef de service international du quotidien, interrogé par l’Associated Press en octobre dernier. « Nous constatons qu’il a été condamné pour des faits qui sont normalement prescrits puisque c’était en 1994 qu’il a écrit l’article incriminé pour un magazine qui n’existe d’ailleurs plus aujourd’hui », a ajouté Luc de Barochez. Jusqu’à aujourd’hui, le journaliste n’a pas obtenu son accréditation de la part des autorités algériennes en dépit de plusieurs démarches du Figaro. « C’est une situation à la limite du burlesque. Cette histoire inimaginable n’honore bien évidemment pas l’image de l’Algérie qui, à travers son président, a tenté de redorer son blason en décrétant une grâce spéciale pour les journalistes le 5 juillet 2006 », a déclaré Aïden White, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), en octobre dernier. Dans son éditorial du 2 novembre, El Watan s’est indigné suite à cette affaire, appelant à ce que « les dispositions pénales portant sur la diffamation soient amendées dans le sens d’un plus grand respect de la liberté de la presse dans notre pays ». « Pour ma part, je continue à travailler », dit Aït Larbi, annonçant que la pétition de solidarité lancée en Algérie et en France sera prochainement publiée dans les médias des deux côtés de la Méditerranée.

Adlène Meddi