Obama, l’Amérique et le reste du monde

A deux jours des élections US

Obama, l’Amérique et le reste du monde

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 2 novembre 2008

It’s Time!». C’est le moment! La «une» du journal «The Economist», Barack Obama, «le pas alerte, marchant tel un ange black dans l’espace immaculé», selon la formule d’un Algérien passionné de la marche des affaires du monde, participe de l’Obamania mondiale à moins de deux jours du scrutin. S’il avait le droit de vote, écrit «The Economist», il voterait Obama car il offre la meilleure chance aux Etats-Unis de retrouver la confiance en soi. Le monde entier a fait, à sa manière, le bilan de huit ans de désastre absolu de la présidence de George W. Bush. Ce monde se demande si les Américains vont rater la chance de changer d’image que leur offre Barack Obama, en choisissant de donner une sorte de troisième mandat à George W. Bush, à travers John McCain. Tout, en effet, dans le look, la manière et le discours Barack Obama tranche avec l’arrogance de l’actuel locataire de la Maison Blanche et peut servir à améliorer l’image désastreuse d’une Amérique impériale, militariste et arrogante. Mais l’Obamania du monde ne compte pas, ce seront les électeurs américains qui trancheront. Tous les sondages et la mobilisation remarquée dans le vote anticipé donne une longueur d’avance à Barack Obama et laisse croire que les Américains vont saisir une occasion historique de renouveler le rêve américain. Un black à la Maison Blanche, c’est indéniablement une avancée historique. Barack Obama ne pouvant être élu par un vote noir qui ne représente que 12% de l’électorat américain, cela implique qu’une évolution considérable des esprits aura eu lieu aux Etats-Unis.

D’où les questions qui continuent à se poser jusqu’à l’ultime moment: «l’effet Bradley », du nom de l’ancien maire de Los Angeles qui a perdu, en 1982, l’élection au poste de gouverneur de Californie alors que tous les sondages le donnaient gagnant, va-t-il encore jouer dans cette élection? Les électeurs blancs qui déclarent aux sondeurs vouloir voter pour Barack Obama choisiront-ils McCain dans l’isoloir…?

L’Afrique, totalement, absolument obamaniaque

It’s time? En Afrique, plus d’ailleurs que dans le monde arabe déjà refroidi par les surenchères pro-israéliennes du candidat démocrate, l’Obamania a atteint son paroxysme. Un Noir à la Maison Blanche, c’est comme si un Africain prenait en main les destinées de la plus grande puissance du monde et donc du monde tout court.

Un phénomène d’identification plus lié à l’image, il est vrai très photogénique d’Obama, qu’à une analyse de son programme ou de ce qu’il pourrait apporter à l’Afrique. Toute l’Afrique est derrière Obama, totalement, éperdument. On peut imaginer quel atout, sera-t-il pour l’Amérique alors que l’actuelle administration américaine n’est pas parvenue à trouver plus d’un pays pour offrir le gîte à l’Africom. Le monde arabe, sans avoir l’enthousiasme de l’Afrique, préfère largement Barack Obama, le discours de John McCain étant aussi agressif que celui de Bush. Mais justement, Obama, ayant été largement soumis à pression par le lobby juif aux Etats-Unis qui le soupçonnait de tiédeur à l’égard d’Israël, a multiplié les gages de soutien à l’Etat hébreu. C’est sans doute pour cela, que le monde arabe, même s’il préfère Obama, est plus circonspect que l’Afrique. Le discours d’Obama sur le Proche-Orient est venu déjà rappeler que le président américain a beau être l’homme le plus puissant du monde, son action reste dictée par les impératifs du système.

Sa mission ne sera pas une entreprise philanthropique, encore moins celle d’un ange venu apporter la quiétude au monde. Il est question de puissance des Etats-Unis, du rétablissement de son hégémonie largement écornée par les entreprises guerrières des néo-conservateurs et par une crise économique d’une ampleur inédite.

«L’Obamania, maladie infantile du noirisme»

L’écrivain martiniquais, Raphaël Confiant, dans un article intitulé, «l’Obamania, maladie infantile du noirisme», rappelle quelques vérités élémentaires perdues dans l’enthousiasme africain ambiant pour le candidat démocrate. Une victoire d’Obama sera bien une victoire pour les Noirs américains, éventuellement l’ethnie Luo au Kenya et accessoirement pour la ville d’Obama, au Japon. Mais, note-t-il, «on ne voit vraiment pas en quoi l’arrivée d’un «Noir» à la Maison Blanche changera quoi que ce soit au sort des «Noirs» à travers le monde… «Qui peut croire, un seul instant, qu’Obama transformera l’Empire en grand frère amical pour les autres nations du monde? Qui peut croire qu’il réussira à mater le Pentagone, l’US Army, la CIA, Wall Street, etc. Bref, tous les appareils d’Etat permettant à ce pays de dominer les autres? (…) Or, force est de constater que ce qu’Obama a donné à voir de sa future politique étrangère est des plus inquiétants. Son alignement, tous azimuts, sur la politique criminelle de l’entité sioniste, sa volonté de faire bombarder les zones tribales pakistanaises sans l’autorisation préalable des autorités de ce pays, ses piques régulières à l’égard de Fidel Castro et de Hugo Chavez, le fait qu’il n’ait jamais visité aucun pays des Caraïbes et d’Amérique du Sud, etc. Tout cela démontre qu’Obama, en politique étrangère, ne sera guère différent de ses prédécesseurs. Ni mieux, ni pire…»

Il fallait bien une voix vigoureuse pour lancer les alertes et faire des rappels élémentaires. Barack Obama est sans doute un homme sympathique, mais il est dans un système qui dicte ses propres impératifs. L’excellent écrivain qu’est Raphaël Confiant, le rappelle avec justesse.

«Nous qui ne sommes pas étasuniens, n’avons rien à attendre de l’Empire car à aucun moment de l’histoire humaine on n’a vu d’empire généreux envers le reste du monde. La vocation de tout empire est de dominer. Et que ce soit avec le beau sourire d’Obama ou le vilain rictus de MacCain, cela reste une domination. Point barre».