Terrorisme : quand le département d’Etat américain note l’Algérie

Terrorisme : quand le département d’Etat américain note l’Algérie

Hayet Zitouni, TSA, 31 mai 2013

Le département d’État américain vient de publier son rapport annuel de lutte contre le terrorisme. Ce rapport qui couvre l’année 2012 ne prend pas en compte les évènements d’In Amenas ni les conséquences de la guerre au Nord-Mali.

Mais l’Algérie y est citée plus d’une centaine de fois. Et avant tout pour saluer son action en matière de lutte anti-terroriste même si son manque de coopération internationale est souligné sur ces questions.

Le département d’État recense les différentes actions d’Alger et d’abord son rôle au sein du Comité d’état-major opérationnel conjoint, le Cemoc, basé à Tamanrasset depuis sa création en 2010. Cette structure anti-terroriste accueille « les pays du champ », (Niger, Mali, Algérie et Mauritanie). Washington souligne le « rôle limité » de cette structure pourtant soutenue par une collaboration avec les Américains et notamment le général Carter Ham, lequel a effectué de nombreux déplacements à Tamanrasset depuis sa nomination en 2011 à la tête de l’Africom (les forces américaines en Afrique).

Ramadan le moins violent depuis 10 ans

Dans son chapitre consacré à l’Algérie face à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), le département d’Etat souligne « l’isolement du groupe terroriste à mesure que l’Algérie a augmenté ses efforts pour le combattre ». Washington note que « les efforts policiers, sécuritaires et militaires ont largement limité les opérations d’Aqmi à des zones rurales. Cela contraste avec les bataillons d’Aqmi basés au Sahel qui ont tiré avantage du chaos et des rebellions pour augmenter leur zone d’autonomie », note Washington.

Comme chaque année, rappellent les rapporteurs, « l’Algérie a connu un pic d’actions terroristes durant le Ramadan ». En 2012, « l’offensive a été réduite de manière significative et a été décrite comme la moins violente de la dernière décennie », souligne les rapporteurs

Le département d’Etat, dans sa partie consacrée à l’Algérie recense, selon les chiffres de la Gendarmerie nationale, 175 actions terroristes et en mentionne deux particulièrement significatives : le 3 mars 2012, un véhicule piégé utilisé contre la base militaire de Tamanrasset. Une action qui a causé 23 victimes et a été revendiquée par le groupe islamiste Mujao basé au Mali. Le 27 juin 2012, une autre action terroriste contre le quartier général de la gendarmerie de Ouargla situé à 50 miles au nord-ouest du complexe de Hassi Messaoud. « Une attaque significative, écrit Washington à cause de sa proximité des champs pétroliers et dans une zone d’exclusion militaire.» Deux actes terroristes recensés en 2012, véritables signaux faibles d’attaques de plus grande envergure comme l’Algérie et ses voisins en ont connu en 2013 avec In Amenas et la guerre au Nord-Mali.

300 activistes arrêtés en 2012

Le département d’État mentionne, en outre, que l’Algérie a effectué des arrestations clés en 2012, dont plusieurs dirigeants importants d’Aqmi lors d’opérations menées à Gardaïa et Bouira. Washington reprend le chiffre algérien de 300 activistes arrêtés l’an dernier « sans qu’il soit possible de confirmer la véracité de ce chiffre », notent les rapporteurs.

L’Algérie « travaille activement à combattre la finance terroriste », « sans concession » et « a joué un rôle de leadership dans les efforts du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, afin de sensibiliser les gouvernements à éviter le paiement de rançons aux organisations terroristes », souligne encore le département d’État. L’Algérie a ainsi adopté en 2012 une nouvelle législation anti-blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. « L’Algérie a une économie basée sur la monnaie fiduciaire et un vaste secteur informel qui pose des défis pour contrôler et réguler l’argent et son transfert », soulignent les rapporteurs qui émettent des inquiétudes : « bien que le gouvernement algérien et particulièrement la Banque centrale aient mis en place des mécanismes de contrôles et de collectes de données sur les transferts d’argent, il est difficile de savoir si les exigences légales ont été respectées ».

Des frontières poreuses, « défi permanent »

Concernant la coopération internationale et régionale, Alger se voit nettement moins bien notée : « particulièrement dans le sillage des conflits du Nord-Mali et de la Libye ». « Sa politique ancienne de non-intervention a limité son implication dans le nord du Mali voisin », note Washington qui souligne dans le même temps que « l’Algérie a considérablement augmenté la sécurité de ses frontières et y aurait envoyé des milliers de forces de sécurité supplémentaires ». Le département d’État continue de déplorer néanmoins que « les longues frontières poreuses restent un défi persistant de sécurité ».

En matière de coopération, Washington souligne que « les désaccords politiques entre l’Algérie et le Maroc sur le Sahara occidental demeurent un obstacle pour une coopération en matière de lutte anti-terroriste plus profonde ». Côté tunisien, les choses vont mieux : « À plusieurs reprises, le gouvernement tunisien a fermé les passages frontaliers avec la Libye et appuyé la décision des autorités algériennes de fermer une partie de sa frontière avec la Tunisie, dans un effort pour empêcher les milices, les militants et les bandits armés d’entrer en Tunisie. Les forces de sécurité tunisiennes et algériennes ont lancé des opérations conjointes en décembre pour extirper une cellule d’Aqmi dans l’ouest de la Tunisie.»

En janvier 2012, rappelle enfin le département d’État, « les autorités algériennes ont déjoué un complot d’Aqmi qui prenait pour cible des navires américains ou européens en méditerranée. Certains de ces activistes terroristes seront plus tard impliqués dans l’attaque du consulat américain de Benghazi qui a tué l’ambassadeur américain en Libye ». Aqmi qui est, selon les auteurs de ce rapport, évaluée à moins d’un millier de combattants opérant en Algérie et un plus petit nombre encore dans le Sahel.