Quand Israël espionne l’Algérie

Le nouveau satellite contre l’Iran diffuse les photos de Skikda

Quand Israël espionne l’Algérie

Mounir Boudjema, Liberté, 2 mai 2006

Cet atout technologique israélien devait donner un avantage stratégique sur l’Iran, mais aussi sur d’autres pays arabes. Israël semble vouloir envoyer un message à tous les états arabes considérés comme “hostiles”.

Lancé le 25 avril dernier, le satellite espion israélien Eros B, troisième satellite militaire de l’état hébreu, devait initialement se focaliser sur les installations nucléaires iraniennes. Or, selon le quotidien israélien Maariv, l’agence Imagesat International, filiale des industries aéronautiques militaires israéliennes, a diffusé de nombreuses photos émises cette semaine, plusieurs sites considérés comme sensibles dans les pays arabes, dont l’Algérie, ont été capturés par les caméras à haute résolution.
Que cherche Israël en diffusant des images satellites sur les sites algériens ? à son lancement de la rampe russe en Sibérie, les militaires israéliens, dont le ministre de la défense, Shaoul Mofaz, ont clairement indiqué que ce satellite espion Eros B — troisième satellite après Eros A et Ofek 1, 2 et 3 — devait permettre au gouvernement israélien de surveiller de plus près (le satellite peut prendre des photos d’objets pas plus grands que 70 centimètres), les installations nucléaires iraniennes soumises, déjà, au suivi étroit de la NSA américaine et de l’AIEA.
Cet atout technologique israélien devait donner un avantage stratégique sur l’Iran, mais aussi sur d’autres pays arabes. En diffusant les images, Israël semble vouloir envoyer un message à tous les états arabes considérés comme “hostiles”. Ainsi, le satellite-espion, d’Israël Aircraft Industries, une société d’état israélien, a balancé des images de sites aussi divers que le barrage de Tabka, le plus grand pourvoyeur d’électricité de Syrie, l’aéroport militaire de Kassala, au Soudan, d’où s’envolent les hélicoptères soudanais qui survolent le Darfour ou encore des photos de bases aériennes ou de ports comme celui de Skikda en Algérie !
Ce n’est pas la première fois qu’Israël tente de provoquer les états arabes en diffusant des images satellites démontrant sa supériorité technologique sur les Arabes, mais avec le lancement du satellite Eros, une nouvelle phase a été franchie, puisque le contexte de crise avec l’Iran suppose que ces images ont une utilité opérationnelle et des applications strictement militaires. D’ailleurs, Israël ne cache pas son intention de bombarder les sites nucléaires iraniens.
L’utilisation de ce genre d’images contre l’Algérie a déjà eu lieu à deux reprises. D’abord, suite aux déclarations des services secrets britanniques du MI6 qui ont diffusé dans les médias anglais les images du réacteur civil algérien d’Aïn Ousséra, Essalam, qu’ils ont tenté de faire passer pour un réacteur militaire afin de contrarier la coopération nucléaire entre l’Algérie et la Chine.
Les inspections répétées de l’AIEA sur le site de Djelfa avaient démenti toutes ces allégations qui sont reprises, de temps à autre, par les Marocains pour justifier la relance de leur propre programme nucléaire.
Ensuite, lors de l’affaire de Bentalha, lorsque des sources probablement étatiques ont donné à une chaîne de télévision française des images satellites de la région de Bentalha lors du massacre de 1997, prises par le satellite espion français Spot.
Ces images visaient à faire accréditer la thèse de déplacement de troupes algériennes lors du massacre pour faire croire que l’armée n’a pas assisté les civils et n’a pas mis les moyens pour organiser la défense. Sur ce dossier-là, les témoignages des “émirs” du GIA avaient contredit cette manipulation.
Mais cette fois-ci, ce sont les Israéliens qui s’y mettent. En choisissant le port de Skikda, un des plus grands pôles pétroliers du pays, Tel-Aviv veut probablement insinuer qu’elle est en mesure de suivre de très près l’évolution des ressources énergétiques stratégiques de l’Algérie.
Alors que le satellite devait prendre quelques jours pour être opérationnel, les médias israéliens diffusent, 5 jours après, des images d’une haute qualité comme pour narguer les états arabes hostiles à sa politique.
Cette volonté de superpuissance a été vivement critiquée dans les médias arabes qui exhortent les états de la Ligue arabe à riposter sous la forme d’un projet interarabe visant à prendre également des images d’Israël.
L’idée est judicieuse, mais son application pourrait tourner à la catastrophe comme ce fut le cas d’Arabsat. Il faut dire que les États-Unis veillent au grain dès qu’il s’agit de la sécurité d’Israël et mettraient leur veto à toute entreprise de ce type qui nécessite une technologie de pointe, car seuls 8 pays peuvent envoyer des satellites dans l’espace (les États-Unis, la Russie, l’Angleterre, le Japon, l’Inde, la France et la Chine).

Mounir B.