Syrie: Ankara à contre-courant de Moscou et Washington

Syrie: Ankara à contre-courant de Moscou et Washington

par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 11 mai 2013

Sergueï Lavrov et John Kerry ont déclaré la semaine dernière avoir convenu que la Russie et l’Amérique vont inciter leurs protégés syriens respectifs à accepter de s’asseoir à la table des négociations et s’attacher à réunir une conférence internationale consacrée au conflit syrien avant la fin de ce mois de mai courant. Déclarations que Lakhdar Brahimi, l’émissaire international pour la Syrie, a aussitôt saluées et l’ont convaincu de renoncer à la démission à laquelle il songeait. Les autorités légales de Damas ont elles aussi réagi favorablement à l’ouverture de négociations avec l’opposition armée. Laquelle sans émettre un refus sur le principe a néanmoins posé pour condition l’exclusion de ce processus du président Bachar El-Assad.

Internationalement le compromis russo-américain est positivement commenté car susceptible d’enclencher une dynamique favorable au règlement pacifique du conflit qui déchire la Syrie et dont les développements ont démontré qu’il ne peut y avoir de solution militaire pour son issue. Toutes les réactions n’ont pas eu ce caractère d’approbation de l’accord de Moscou. C’est le cas de celle venue d’Ankara dont les autorités ont réagi dans un sens opposé à son esprit, en réclamant à nouveau l’instauration sur le territoire syrien d’une zone d’exclusion aérienne et en affirmant que les services de renseignement turcs « détiennent les preuves » que le régime syrien a bel et bien utilisé l’armement chimique contre sa population.

Il n’y a pas qu’à Ankara que l’accord russo-américain a douché le zèle interventionniste contre Bachar El-Assad et son régime. Doha et Ryad l’ont été tout autant même si ces deux capitales n’ont émis aucune réaction officielle. Il est de ce fait à craindre que ces trois capitales vont tenter de faire capoter l’accord russo-américain qui a pour objectif de créer les conditions favorables à l’arrêt de la confrontation armée en Syrie.

Il ne faudra donc pas s’étonner que d’ici à la fin mai, horizon fixé par Moscou et Washington à la tenue d’une conférence internationale sur la Syrie, l’on assiste à une recrudescence acharnée des combats entre les protagonistes armés du conflit. Ceux-ci vont chacun essayer par ce biais de s’assurer du maximum d’atouts en prévision d’éventuelles négociations et les puissances étrangères opposées à la démarche russo-américaine faire en sorte que celle-ci échoue par la radicalisation de la situation sur le terrain. Parmi celles-ci Israël est l’Etat dont l’ingérence risque d’être l’obstacle décisif à l’ouverture d’un processus en vue de ramener la paix en Syrie. Les bombardements israéliens en territoire syrien visaient ce but car destinés à provoquer le régime de Damas pour que par réaction incontrôlée il se mette dans une situation qui aurait rendu légitime une intervention militaire étrangère contre lui.

Damas, certainement sous pression russe, n’est pas tombée dans le piège en s’abstenant de répondre à la provocation israélienne. Après celle-ci, elles ont même pris la décision d’accepter la présence sur leur territoire de la commission d’enquête onusienne sur l’utilisation d’armes chimiques dont elles sont accusées par les Etats déterminés à faire chuter leur régime. A l’Amérique maintenant d’imposer à ses alliés ultra-bellicistes sa position sur le conflit syrien en refusant d’avaliser leur jusqu’au-boutisme qui coûte si tragiquement cher au peuple syrien. Paris et Londres mêmes ayant été mises devant le fait accompli de l’accord russo-américain semblent vouloir accompagner Washington dans sa démarche. Reste donc la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite qu’il faut contraindre à réviser leurs calculs sanglants pour la Syrie.