Un tournant en Syrie

Un tournant en Syrie

Paris et Londres arment l’opposition

El Watan, 16 mars 2013

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE vont se retrouver à Dublin pour examiner «d’urgence» la situation et arrêter une position «commune». Ce sont là les décisions prises par le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens réunis hier à Bruxelles. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui faisait cette annonce, a confirmé que cette question a été soulevée par «quelques Etats membres».

Il s’agit en fait de la France et du Royaume-Uni, deux poids lourds du Conseil de sécurité, qui ont plaidé jeudi en faveur de la levée de l’embargo sur les armes à destination de l’opposition syrienne. Le président français a même menacé ses partenaires européens de faire cavalier seul si jamais le consensus s’avérait impossible.

«Nous avons comme objectif de convaincre nos partenaires à la fin du mois de mai, et si possible avant. Nous allons employer notre sens de la diplomatie. Si d’aventure, il devait y avoir un blocage d’un ou deux pays, alors la France, elle, prendrait ses responsabilités», a-t-il déclaré.
Son homologue britannique, David Cameron, est lui aussi partisan de la levée de l’embargo. Mais la question est loin de faire consensus au sein de l’UE. Des pays comme l’Autriche et ceux du Nord, comme la Suède et la Finlande, affichent clairement leur opposition à la proposition franco-britannique. L’Allemagne, par la voix de sa chancelière, a fait connaître elle aussi sa réserve en appelant à observer la «prudence».
C’est pourquoi Herman Van Rompuy, qui fait face à un forcing de deux ténors de l’UE (la France et le Royaume-Uni) et au froid des autres pays, moins emballés par l’armement des rebelles syriens, a préféré botter en touche. La question sera donc tranchée par les ministres des Affaires étrangères des 27.

Il a semblé tout de même rallier la position du tandem Hollande-Cameron en relevant une «frustration grandissante par rapport à la situation humanitaire et au manque de progrès vers une solution politique».
Rien ne garantit cependant que ce petit commentaire du président puisse renverser la tendance la semaine prochaine, lors de la réunion des 27 MAE, tant la fracture paraît évidente entre les positions des uns et des autres.

Les voisins «Germains» pas très chauds…

Le chancelier autrichien, Werner Faymann, s’est ainsi déclaré catégoriquement «contre une levée de l’embargo», estimant qu’elle «ne contribuerait pas à mettre fin au conflit».
Sa voisine germaine, Angela Merkel, a également plaidé la prudence : «Nous devons faire attention» à ce que le régime «ne reçoive pas encore plus d’armes de la part de pays» qui le soutiennent, a-t-elle dit jeudi soir.
C’est dire que le consensus paraît difficile, voire impossible à trouver au sein d’une Europe prisonnière de ses règles de fonctionnement. Tout porte croire donc que la France et le Royaume-Uni vont prendre leurs «responsabilités» d’armer l’opposition syrienne sans en référer à l’auguste assemblée de l’UE.

Ceci, d’autant que la situation sur le terrain s’y prête plus que jamais.
Le haut-commissaire de l’ONU aux réfugiés (UNHCR), Antonio Guterres, a lancé hier, dans un communiqué à Genève, un cri d’alarme face aux risques d’embrasement de la région en raison du conflit syrien.
«Si le conflit syrien se poursuit, il y a un réel risque d’explosion au Moyen-Orient et il sera impossible de répondre à ce défi tant sur les plans humanitaire, politique et sécuritaire», a indiqué le communiqué. Un cadeau empoisonné en ce deuxième anniversaire de la révolution syrienne…
Hassan Moali