Mouvement de protestation des douaniers hier

Service fret de l’aéroport d’Alger

Mouvement de protestation des douaniers hier

El Watan, 2 mars 2011

Les douaniers du service fret de l’aéroport d’Alger Houari Boumediène ont enclenché, dans la matinée d’hier, un mouvement de protestation «spontané».

La centaine d’agents qui ont suivi l’action entendaient ainsi dénoncer leurs conditions socioprofessionnelles de plus en plus précaires. Et ils en ont gros sur le cœur. «Je suis agent des Douanes depuis 20 ans, et je perçois un salaire de
20 000 DA. Comment voulez-vous que je fasse vivre mes trois enfants avec cette paie ?» s’indigne Nacer. Et il semblerait qu’il ne soit pas le plus à plaindre parmi cette corporation. Certains douaniers sont ainsi rémunérés, au bout de 13 ans de service à 18 000 DA, d’autres 15 000 DA après 4 ans de travail. «Nous demandons donc une revalorisation de la grille des salaires ainsi que la finalisation d’un statut pour les 14 000 douaniers, qu’ils nous rendent nos prérogatives et les mêmes droits que ceux des policiers.

Nous ne comprenons pas qu’un inspecteur général puisse toucher le même salaire, soit 40 000 DA, qu’un agent de l’ordre public, qui est l’échelon le plus bas du corps policier», surenchérit Hamid. Et, en dépit de leurs années d’exercice, les promotions sont pour eux inespérées. «Je suis agent de contrôle depuis 16 ans. Mais je n’ai jamais été promu. Tout simplement à cause du favoritisme et du régionalisme qui a cours dans nos services», affirme, à bout de nerfs, Djamel. Il est interrompu par Ahmed qui lui lance : «Tu sais très bien que les grades ne sont pas accordés méritoirement. Ils sont donnés au plus offrant. Et c’est un douanier avec des années d’expérience qui vous le dit : les postes-clés se monnaient très cher.» Car, bien plus que leur «salaire de misère», les contestataires s’insurgent contre leurs conditions de travail et l’environnement dans lequel ils évoluent.

«Abus de pouvoir, mutations abusives, injustice, sanctions disciplinaires et administratives injustifiées et non réglementaires, etc. La direction n’hésite d’ailleurs pas à suspendre ou à porter plainte contre ceux qui n’abondent pas dans le même sens qu’eux», s’échauffent les douaniers. Ce qui pourrait peut-être expliquer que le secrétariat du divisionnaire général de l’inspection générale des Douanes, joint hier, affirme qu’aucun arrêt de travail ou autre protestation n’a été enregistré. «Nous n’avons même pas le droit d’avoir des tenues neuves ou des conditions d’hébergement dignes. Aujourd’hui, exercer ce métier n’est plus une fonction. C’est une souffrance», s’apitoie, les yeux embués, une jeune douanière de 28 ans. Et elle sait de quoi elle parle : en liberté provisoire, elle a été condamnée à 9 ans de prison ferme dans «l’affaire des colis postaux». Et c’est d’ailleurs l’un des autres motifs de cette journée de protestation : apporter leur soutien indéfectible à leurs collègues, condamnés à de lourdes peines de prison ferme dans cette affaire.
«Solidarité avec les condamnés dans l’affaire des colis postaux»

C’est d’ailleurs la présence de leurs familles qui a mis le feu aux poudres dans le service fret. «Le divisionnaire et le syndicat s’en lavent les mains et n’ont rien fait pour les aider. Il n’y avait pourtant aucune preuve contre eux», accusent les épouses des douaniers condamnés. «Et tout le monde sait très bien, ici, qu’ils étaient tous des modèles de probité et d’honnêteté», jurent les autres douaniers aux femmes éplorées, l’un d’eux ajoutant : «C’était un procès pour l’exemple, un verdict politique.» «D’ailleurs, même la présidente de la cour a déclaré que notre dossier était vide. Pourtant nous avons été condamnés à 9 ans de prison ferme !» s’exclame Ahmed, lui aussi en liberté provisoire. Les condamnés ont fait appel du jugement, mais ils avouent ne plus nourrir grand espoir quant à un dénouement heureux. «Nous n’avons plus aucune confiance en la justice», souffle Ahmed, en haussant les épaules d’impuissance. Tentant de le réconforter, son collègue assure que la contestation paiera. «Nous poursuivrons notre action si la situation ne s’améliore pas. Nous n’avons plus peur des sanctions ou des représailles. Et nous ne voulons plus être des boucs émissaires»,
promet-il.

Ghania Lassal