Au rendez-vous des luttes citoyennes

Ouargla, Constantine…

Au rendez-vous des luttes citoyennes

El Watan, 19 mars 2013

Les derniers développements sur la scène nationale montrent que ce sont les mouvements sociaux qui régulent désormais l’action du gouvernement.

Les batteries de mesures gouvernementales sont annoncées pour répondre aux revendications immédiates exprimées par des populations lasses d’attendre les retombées de l’aisance financière du pays. Les pouvoirs publics sont réduits à agir dans l’urgence et semblent découvrir la «réalité» des problèmes du chômage et de la détresse sociale.

Chacune des mesures prises, dans cette véritable course contre la montre, pour tenter d’éloigner le spectre de l’explosion sociale, est un aveu d’échec dans les secteurs de la vie nationale où se focalise la colère des citoyens. Si des facultés de médecine, des centres de formation professionnelle, des CHU sont affectés aux grandes villes du Sud, comme annoncé à l’issue des réunions interministérielles de ces derniers jours, c’est que ces régions n’en disposaient pas jusqu’à présent. «Oui, vous manquez de tout !», semblent dire les gouvernants à l’adresse des protestataires.

Même dans cette conjoncture d’extrême tension où l’Etat avoue son échec et les revendications des jeunes jugées «légitimes», les autorités gouvernementales n’oublient pas leurs vieux réflexes consistant à justifier les errements dans la gestion des affaires du pays. Les projets sont inscrits depuis longtemps mais le problème réside dans les retards de réalisation, explique-t-on dans la foulée des visites effectuées sur le terrain. L’inscription de projets n’a jamais nourri son homme, à plus forte raison dans un pays où l’essentiel de l’énergie, dans la sphère dirigeante, paraît investi dans l’enrichissement personnel. Le refus de dialoguer opposé par des animateurs du mouvement des chômeurs du Sud montre que, plus grave que l’ampleur prise par la misère sociale, le lien de confiance s’est rompu depuis longtemps entre les citoyens et les autorités centrales.

Celles-ci s’enfoncent, par ailleurs, dans les contradictions, semant le doute sur la volonté politique des pouvoirs publics à répondre aux attentes des jeunes. Le gouvernement a loué l’«action pacifique» des chômeurs du Sud et accepté leurs revendications mais il réprime, comme ce fut le cas hier à Alger, la manifestation des jeunes du pré-emploi alors que les requêtes sont les mêmes : le refus de la précarité et l’accès à un emploi digne. Ainsi, le message des chômeurs du Sud est double : le droit au travail mais aussi le droit de manifester. Le gouvernement comprendra aussi que la «sécurisation» à outrance dans la capitale, où la répression policière est la seule réponse aux manifestations de rue, ne préserve pas les bases du système politique des incidences des révoltes populaires qui peuvent naître dans des régions lointaines.

La population de Constantine, à la suite de l’odieux crime dont ont été victimes deux enfants dans cette ville, vient également de rappeler au gouvernement que l’Etat est garant de la sécurité des personnes. Les citoyens de cette région, qui ont manifesté dimanche pour se solidariser avec les familles des deux jeunes victimes, mettent encore une fois les autorités devant leurs responsabilités, dont la première est de garantir la sécurité pour la population.

Devant la multiplication de fléaux aussi dangereux que les kidnappings et les atteintes aux personnes, les autorités devraient comprendre qu’il est temps de débarrasser le pays du «syndrome de l’état d’urgence». Même si celui-ci a été levé depuis deux ans, le dispositif d’exception mis en place depuis deux décennies place toujours la protection des corps et des structures de sécurité, des édifices et des institutions comme une priorité. Reléguée depuis longtemps, la sécurité des personnes doit être réhabilitée, remise à l’ordre du jour en mobilisant les moyens et les effectifs nécessaires.
Djaffar Tamani