Samir Larabi: «Ecoutez-nous, Messieurs d’en haut!»

LES JEUNES ET L’EMPLOI
SAMIR LARABI, PORTE-PAROLE DU COMITÉ DES CHÔMEURS

«Ecoutez-nous, Messieurs d’en haut!»

L’Expression, 05 Mars 2011

Les dispositifs Ansej, Cnac et Angem ne peuvent pas résorber le chômage

Dans cet entretien, Samir Larabi, porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs algériens, récemment créé, nous parle des conditions de la création de ce comité, les solutions qu’il propose pour endiguer le chômage et le bilan de l’action de son organisation qui est aussi membre de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd).

L’Expression: Les chômeurs algériens viennent enfin de se doter d’un Comité national qui les représente. Pouvez-vous nous en parler?
Samir Larabi: Pour être honnête, nous ne représentons pas tous les chômeurs algériens, même si objectivement nous représentons fidèlement leurs intérêts. Pour revenir à sa naissance, le mérite revient au Comité des chômeurs du Sud. Ces derniers n’ont pas cessé depuis 2006 de dénoncer la ségrégation dans l’accès à l’emploi et la précarité de la relation de travail, notamment dans les entreprises de sous-traîtance et des multinationales. Le hasard a fait qu’on s’est rencontré dans une réunion syndicale, on a parlé de notre condition de chômeurs, de l’expérience des chômeurs du Sud et la nécessité de créer un comité national de défense de nos droits. Le 4 février 2011, nous avons organisé une rencontre nationale, adopté une plate-forme de revendications, élu les instances dirigeantes et nous avons fait appel à un sit-in devant le siège du ministère du Travail pour le 6 février dernier. Nos principales revendications: un travail décent, une allocation chômage à hauteur de 50% du Snmg pour tout demandeur d’emploi, mettre un terme à la ségrégation dans la distribution des postes d’emploi et la dissolution des entreprises de sous-traitance. Après le sit-in, nous avons été reçus par trois directeurs centraux. Ils nous ont promis de transmettre nos revendications à qui de droit.

Le Conseil des ministres a adopté ce 22 février 2011 une série de mesures. Quel est votre commentaire?
Ecoutez, les décisions du Conseil des ministres ne s’inscrivent pas dans la démarche de la question du chômage. Elles prolongent la précarité de l’emploi. Au lieu de permaniser les travailleurs précaires (pré-emploi et filet social), le gouvernement prolonge leurs souffrances et leur détresse.
Et pourtant, il y a des besoins sociaux qui s’expriment et l’argent nécessaire pour les permaniser. Même cas pour ceux qui travaillent dans les secteurs économiques, le patronat fait des milliards de bénéfices mais refuse la permanisation. Le Conseil des ministres veut aussi nous transformer tous en commerçants ou en petits patrons. Les dispositifs Ansej, Cnac et Angem ne peuvent pas résorber le chômage pour plusieurs raisons: nous n’avons pas un tissu industriel dense, le marché est saturé et les jeunes n’arrivent pas à trouver de marché pour faire fonctionner leurs petites entreprises, sauf pour ceux qui bénéficient d’un coup de pouce solide. Nous considérons que cette option ne sert qu’à jeter notre argent par la fenêtre. Le gouvernement continue à se taper la tête contre le mur. Même topo pour les exploitations agricoles, ils vont distribuer des centaines de milliers d’hectares dans les Hauts-Plateaux pour des spéculateurs, leur donner notre argent et sans contrôle. Le Conseil des ministres n’a pas apparemment retenu les leçons des scandales du Pndra. Sur cette question, il faut, à notre sens, relancer les coopératives agricoles, c’est le seul moyen de préserver nos terres, créer de l’emploi et de la richesse.
Sur la question du logement, le Conseil des ministres a promis 50.000 logements promotionnels pour les jeunes, c’est une bonne chose, pour peu que cela soit distribué dans la transparence et enlever toutes les entraves juridiques et financières, comme le CDI et l’apport financier initial.

Karim AIMEUR