Les syndicats autonomes optent pour le durcissement

Face à ce qu’ils qualifient de mépris des pouvoirs publics

Les syndicats autonomes optent pour le durcissement

El Watan, 12 novembre 2008

Satisfaits de la réussite de leur mouvement de protestation, les syndicats envisagent de durcir leurs actions en observant un autre débrayage. La grève de trois jours initiée par la Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique a été ponctuée hier par des sit-in et des assemblées générales à travers tout le territoire national.

Les animateurs de ce mouvement de protestation ont exprimé leur satisfaction quant à la réussite de leur action qui a paralysé le monde de la santé à plus de 90% et une grande partie des établissements scolaires (entre 60 et 70%). Hier, l’amphithéâtre du centre Pierre et Marie Curie du CHU Mustapha Bacha avait du mal à contenir la foule venue assister à l’assemblée générale animée par les syndicats de ce secteur et à laquelle ont pris part tous les représentants de la coordination. Toutes les personnes qui se sont exprimées ont réclamé le durcissement du mouvement en proposant un autre débrayage dont les modalités et la date seront discutées au sein de la coordination.

« Nous n’avons pas d’autre alternative que de continuer à manifester. Après trois jours de grève, aucun responsable ne nous a contactés pour nous écouter. C’est le mépris. Une indifférence totale des pouvoirs publics », a lancé un praticien. La base de ces syndicats revendique sans aucune exception une grève illimitée. Une proposition qui n’a pas été votée à l’unanimité, car il est préférable, de l’avis de la majorité, d’aller crescendo. « Certes, il faut maintenir la pression, mais il ne faut pas brûler les étapes. Nous proposons pour l’heure une autre grève d’une semaine tout en assurant le service minimum », a soutenu docteur Djidjik, secrétaire général du SNMASM.

Une suggestion adoptée par l’ensemble des présents à ce regroupement. Ces derniers menacent de radicaliser davantage la protestation dans le cas où le pouvoir ne change pas de politique à leur égard. « La grève de ces trois jours a touché les soins et l’enseignement. Nous avons épargné le service des urgences pour ne pas pénaliser les citoyens. Si le pouvoir veut le pourrissement, il assumera pleinement cette responsabilité », a répliqué un praticien.

« On veut des négociations »

Pour le docteur Djidjik, les syndicats ne cherchent pas la confrontation, mais souhaitent seulement des solutions concrètes aux problèmes exposés depuis de longues années par les travailleurs de la santé, de l’éducation et de l’administration publique. Docteur Sobeihi, médecin spécialiste en réanimation a rappelé que les médecins du secteur public ne sont pas bien rémunérés, ce qui les empêche d’avancer dans leur recherche, de s’abonner aux revues scientifiques et de pouvoir éventuellement prendre part aux différents congrès… Par ailleurs, cette assemblée a été suivie par un sit-in dans l’enceinte de l’hôpital.

Les praticiens spécialistes, les maîtres assistants en sciences médicales, les psychologues, les professeurs et docents, les généralistes ont tous brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Nous voulons l’amélioration de notre situation socioprofessionnelle » ; « Nous exigeons la révision de la nouvelle grille des salaires » ; « Les syndicats autonomes sont partenaires sociaux à part entière ». Les grévistes demandent l’ouverture des négociations sur le régime indemnitaire pour pouvoir combler le « déficit » occasionné, selon eux, par la nouvelle grille de la Fonction publique. Ils insistent aussi sur la reconnaissance, par les pouvoirs publics, des syndicats autonomes de la Fonction publique comme partenaires sociaux incontournables.

Les représentants des différents syndicats ont, à l’unanimité, soutenu que leur mouvement et leurs revendications ne sont pas d’ordre politique, comme veut le faire croire le pouvoir. « Nous sommes une organisation apolitique. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas la révision de la Constitution ni un troisième mandat pour le Président, mais une oreille attentive pour le règlement de nos problèmes afin d’améliorer le rendement à tous les niveaux : santé, éducation et administration », a soutenu M. Mériane, porte-parole de la coordination. Pour ce qui est du taux de suivi de la grève pour la troisième journée, M. Mériane s’est dit satisfait tout en précisant qu’aujourd’hui les représentants de la coordination animeront une conférence de presse pour évaluer le mouvement et faire le ménage au sein de la coordination.

« Notre organisation est ouverte à tous les syndicats sérieux, il y aura un filtrage pour éviter les surprises de dernière minute », a soutenu docteur Yousfi.Notons au passage que le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière ne s’est pas prononcé sur le contenu des revendications du personnel de son secteur. Il a davantage insisté sur le taux de suivi de la grève qui, de son avis, n’a pas dépassé dans la journée d’hier 2,89%. Ce que le terrain a démenti. Les grévistes ont qualifié ce comportement de scandaleux.

Par Nabila Amir

 


Les hospitalo-universitaires d’Oran mobilisés

Nous profitons de l’occasion pour vider nos sacs », ironise une gréviste parmi un groupe d’hospitalo-universitaires devant la direction du CHUO. Ils sont venus nombreux en ce troisième jour de grève. La mobilisation est maximale et les discussions tournent autour de la revendication salariale, mais aussi des conditions de travail et des aléas de la vie professionnelle.

Oran De notre bureau

« Avec la dégradation du pouvoir d’achat, la retraite ne pourra même pas me faire vivre », anticipe une contestataire qui explique que l’indemnité perçue pour le travail effectué à l’hôpital est insignifiante. Ce sont surtout les conditions de travail qui ont été développées en marge de l’assemblée générale, où la question salariale et les modalités de la protestation ont pris le dessus. « Quel avenir pour la santé lorsqu’on demande au malade de l’hôpital d’acheter lui-même son matelas ou ses médicaments ? », déplore une intervenante, qui atteste par ailleurs qu’il arrive souvent au personnel médical de mettre la main à la poche pour collecter la somme d’argent nécessaire à une IRM qu’un malade nécessiteux doit effectuer.

« 500 DA ce n’est rien, mais quand cela devient fréquent, cela fait un trou dans le budget », nous dit-on. Ceci pour mettre en avant les sacrifices consentis autant dans le domaine des soins que dans ceux de l’enseignement ou de la formation par les plus consciencieux. « Nous pouvons tous aller chez le privé ou même à l’étranger mais, du moins pour certains, transmettre le savoir aux jeunes générations prime sur les avantages », relève une autre hospitalo-universitaire, qui indique également que même les frais de mission en cas de déplacement ne sont perçus qu’ultérieurement et que le bénéficiaire doit d’abord débourser la somme nécessaire.

« Ce sont presque toujours les mêmes qui partent à l’étranger », se plaint-on également en évoquant des expériences personnelles. Elle cite un exemple : « Parce que ma communication a été retenue pour un congrès qui s’est déroulé récemment en France, j’ai dû débourser, faute de mieux (la somme ne sera pas remboursée) 150 000 DA pour couvrir les frais d’inscription (350 euros), le voyage, l’hébergement et le transport pendant mon séjour. Mais je devais le faire car c’est important pour moi pour affiner mon expérience et pouvoir échanger mes connaissances. » « Normalement les personnes qui n’exercent pas dans le privé perçoivent une prime de l’hôpital, mais la situation est tellement difficile que beaucoup de gens ne déclarent pas lorsqu’ils exercent ailleurs qu’à l’hôpital », indique-t-on également.

Le cas de l’établissement hospitalo-universitaire (EHU) a été évoqué pour savoir pourquoi les services prévus au profit du personnel qui exerce déjà ne fonctionnent pas encore. « Dernièrement, une collègue qui devait sortir pour s’acheter un sandwich a été agressée », raconte-t-on à ce sujet. Et de s’interroger sur le retard pris dans ce domaine alors que cet hôpital, une expérience pilote, doit donner l’exemple.

Par Djamel Benachour


Menace de grève illimitée à l’Est

– A Constantine, au 3e jour de grève, l’on a relevé une mobilisation plus importante dans le secteur de la santé. Les structures hospitalières ont été paralysées à plus de 80% durant les 3 jours. Le Syndicat national des professeurs et docents (Snpd), le Syndicat national des maîtres assistants hospitalo-universitaires (Snmasm), le Syndicat des médecins généralistes et celui des médecins spécialistes de la santé publique ont organisé une marche à l’intérieur du CHU Benbadis, se terminant par un sit-in devant la direction de l’hôpital, où 120 maîtres-assistants ainsi qu’un grand nombre de médecins ont tenu à être reçus par le directeur du CHU.

Trois représentants des syndicats ont pu accéder au bureau du directeur pour lui exposer les revendications socioprofessionnelles des grévistes. Face à l’indifférence et au silence des pouvoirs publics, les syndicats Snpd et Snmasm, qui planchent sur la création d’une coordination et d’un bureau intersyndical à Constantine, se disent acculés par cette situation de rupture de dialogue et se trouvent contraints à aller vers des actions radicales. Ils n’écartent pas le recours à une grève illimitée. Par : Dj. B.

– A Sétif, le personnel médical de la santé a fait preuve d’un engagement parfait et pleinement responsable. Les hospitalo-universitaires, professeurs et docents, les maîtres-assistants et assistants, les résidents et aussi les médecins spécialistes et généralistes ont répondu présent avec un fort taux aux appels des organisations syndicales SNPSP, SNPSSP, SNMA, SNPDSM. Le CHU Saâdna Abdenour a été paralysé à 100%, de même que les secteurs de Sétif et de Aïn El Kébira avec un taux de participation assez élevé dépassant les 95%, selon les responsables des structures syndicales.

Pour marquer cette action, les disciples d’Hippocrate se sont retrouvés hier à l’intérieur de l’enceinte du CHU et ont, pendant plus d’une heure et demie, tenu un sit-in par lequel ils dénonçaient le mépris affiché par les pouvoirs publics à leurs revendications. Une radicalisation de ce mouvement de protestation est même prévue pour les prochaines actions. L’éducation aurait, selon les responsables de l’UNPEF de Sétif, enregistré une augmentation de la participation au débrayage. Le nombre d’établissements est passé hier de 33 à 44 et le taux de participation de 69,69% à 76,27% vers 15h. Par : N. L.

– A Oum El Bouaghi, les spécialistes et généralistes de l’hôpital de Aïn Beïda ont poursuivi hier le mouvement de grève. Si au niveau de l’établissement Zerdani Salah de Aïn Beïda, le suivi dépassait les 80%, selon le coordinateur du syndicat ; les autres hôpitaux ont enregistré des taux inférieurs. Contacté, le directeur de la santé parle de taux très faibles. Selon lui, le suivi de la grève par les spécialistes n’est que de 34,10%, alors que celui des généralistes est de moins de 6%. Le taux des pharmaciens activant dans le secteur public est de l’ordre de 20%. Par : L. B.

– A Mila, le pourcentage de participation pour cette 3e journée de grève nationale décrétée par la Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique (CNSAFP) a été – hormis le secteur sanitaire de Ferdjioua où un taux avoisinant les 50% a été enregistré – de 100% dans l’ensemble des établissements hospitaliers de la wilaya, a-t-on appris de la coordination de wilaya des praticiens de la santé publique. La même mobilisation a été constatée au niveau du secteur de l’éducation, qui a affiché hier, selon le porte-parole de l’Unpef, un taux d’adhésion estimé à plus de 78%. Par : M.B.

– A Skikda, la grève lancée par le syndicat de la Fonction publique a été qualifiée de « réussite » dans les deux secteurs en grève, la santé et l’éducation. Selon le docteur Hamlaoui, président pour la région est du syndicat des praticiens de la santé, « les secteurs hospitaliers de Skikda, de Azzaba et d’ El Harrouch ont été hier paralysés à 100%, alors que celui de Collo a enregistré un taux de 80% ». Il souligne, par ailleurs, que « s’il n’y a aucun répondant de la part des pouvoirs publics, les adhérents du syndicat sont prêts à durcir le mouvement et opter pour une grève illimitée ». Les syndicalistes de l’UNPEF ont exprimé eux aussi leur satisfaction quant au taux d’adhésion, qu’ils estiment à 56% au niveau de la wilaya. Par : D. D.

– A El Kala, les grèves dans le secteur public ont été diversement suivies dans la région. Dans le secteur de l’éducation, on ne compte que le CEM d’Oum Tboul qui a marqué pleinement les trois jours de débrayage. Dans le secteur de la santé, l’hôpital d’El Kala et ses deux structures ont entièrement débrayé pendant les trois jours. Selon le responsable du SNPSP, tous les praticiens des deux structures sans exception ont adhéré au mouvement. La grève a été suivie à 100% depuis dimanche. Des chiffres confirmés par la direction de l’hôpital, qui a ajouté que les services fonctionnent normalement, puisque le service minimum est assuré. Par : S. S.