Pourquoi le gouvernement fait le dos rond

Il se montre indifférent à une fronde sociale qui se radicalise

Pourquoi le gouvernement fait le dos rond

Liberté, 1 février 2018

L’érosion du pouvoir d’achat des ménages est incontestablement un combustible qui risque à tout moment de provoquer un embrasement social généralisé.

Le gouvernement et les syndicats et autres collectifs professionnels grévistes sont engagés dans une guerre d’usure. Plus le temps passe, plus les conflits se corsent et s’enfoncent davantage dans l’impasse. Même s’il s’est ouvert aux négociations, le gouvernement ne fait pas montre, cependant, de volonté à solutionner les problèmes qui lui sont posés. Du moins pas tous. Cette rigidité dans sa position a pour conséquence immédiate, mais surtout inévitable, le durcissement des mouvements de contestation.
Ainsi, le Cnapeste, qui était en débrayage dans seulement certaines wilayas, a radicalisé sa protestation, en optant depuis avant-hier pour une grève nationale illimitée. Un jusqu’au-boutisme qui risque de compromettre sérieusement la scolarité de milliers d’écoliers, les classes d’examen étant assurément fortement perturbées, notamment dans les wilayas de Blida et de Béjaïa où la grève des enseignants dure depuis plusieurs semaines déjà. Les médecins résidents, en grève depuis 80 jours, ne bénéficient pas d’un meilleur traitement de la part de leur tutelle, même si cette dernière n’est pas restée fermée au dialogue. Mais d’aucuns pourraient se demander pourquoi alors la radicalisation de la contestation ? La réponse est toute simple. Le ministère de la Santé se garde de s’engager sur l’une des principales revendications des médecins, à savoir la révision du service civil, aujourd’hui obligatoire. Il est vrai que la demande suppose une révision de la loi, donc devra obéir à tout un mécanisme et un processus qui peut être long, mais cela ne devrait pas empêcher l’expression d’un engagement officiel. S’agissant des doléances du Cnapeste, les solutions sont, de l’avis de nombreux observateurs, moins délicates. D’abord parcequ’elles relèvent plutôt de situations particulières, propres à des vécus professionnels dans les régions qu’à des préoccupations plus globales, c’est-à-dire intéressant l’enseignant ou la pédagogie de manière générale. Pour les cas posés à Blida et à Béjaïa, le ministre de l’Éducation aurait pu désamorcer la crise en se rendant à des solutions qui agréent les contestataires sans, toutefois, léser les fonctionnaires contestés. Et ses solutions existent. Il reste, en effet, toujours possible de proposer une voie médiane, comme, par exemple, procéder à des mutations. Il en coûtera certes au gouvernement en matière de logistique, mais c’est sûrement moins coûteux qu’une année de scolarité perdue. D’ailleurs, le département de Benghabrit n’est pas exempt de reproches dans sa gestion de son conflit avec le Cnapeste de Tizi Ouzou. Le ministère de l’Éducation nationale a laissé la grève durer 7 semaines pour, enfin, décider d’accéder à la revendication des grévistes. Mettra-t-il autant de temps pour satisfaire les revendications du Cnapeste de Blida et celui de Béjaïa ? Qui sait ? Ces revendications, il faut le dire, relèvent pourtant du même registre que celui sur lequel le syndicat s’est appuyé pour son action à Tizi Ouzou. Cela dit, il reste incompréhensible que le gouvernement laisse les situations évoluer dans cette direction, alors que cela lui est plus certainement plus coûteux qu’une concession accordée aux syndicats. La seule explication à l’attitude rigide, à plus d’un égard, observée par le gouvernement, est que ce dernier, confronté, par ailleurs, aux difficultés économiques, du fait de l’amenuisement des recettes générées par la vente des hydrocarbures, a peur que celle-ci n’encourage d’autres réclamations et ne suscite donc d’autres mouvements de protestation. Dit plus clairement, le gouvernement a peur de la généralisation de la contestation sociale dans une conjoncture où il lui est difficile d’acheter la paix sociale par la dépense. Sa crainte est justifiée, car les effets de la crise économique commencent à se faire ressentir par de larges couches de la société. L’érosion du pouvoir d’achat des ménages est incontestablement un combustible qui risque à tout moment de provoquer un embrasement social généralisé. Un embrasement d’autant plus craint qu’il risque de survenir dans une conjoncture politique incertaine.

Sofiane Aït Iflis