Ouargla: Face-à-face wali-chômeurs

Ouargla

Face-à-face wali-chômeurs

El Watan, 27 septembre 2013

Les chômeurs sont en colère et ils comptent le montrer demain à Ouargla et dans plusieurs wilayas du pays, où rendez-vous est pris devant les sièges de mairie ou de wilaya pour crier en chœur : «Nous avons marre du chômage et des promesses non tenues du gouvernement.» El Watan Week-end a invité Ali Bouguerra, wali de Ouargla, nommé en plein marasme social de cette wilaya en février dernier et à la veille du rassemblement historique du 14 mars, à se prononcer à propos de ce cri de détresse et de défi à la fois à la veille de l’organisation de la journée de la colère prévue le 28 septembre. Tahar Belabès, porte-parole de la CNDDC, réagit aussi aux propos du premier responsable de la wilaya.

Tahar Belabès. Coordinateur du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC) : nous avons perdu espoir dans nos responsables

– Le wali de Ouargla propose des formations qualifiantes dans les métiers du pétrole pour les chômeurs sans qualification avec des postes à la clé. Est-ce une réponse suffisante à votre colère ?

Nous avons des universitaires dans nos rangs, et ceux qui n’ont pas de qualification ne demandent pas à être PDG, mais de simples manœuvres. Tout le monde sait qu’un jeune peut être recruté et formé sur le tas. Ils ont pour la plupart de l’expérience acquise avant un long chômage. Le plan du wali est valable pour les nouveaux chômeurs pas pour les vétérans, et si la qualification était vraiment un obstacle, par quoi explique-t-il que des centaines de diplômés soient privés d’emploi dans un bassin pétrolier ?

– M. Bouguerra affirme l’existence de faux chômeurs dans le fichier des demandeurs d’emploi de l’ANEM Ouargla et une enquête récente confirme l’existence d’assurés sociaux sur ces listes…

Nous sommes les premiers à avoir demandé un assainissement des listes de l’ANEM des gens qui travaillent déjà, mais aussi des porteurs d’actes de naissance numéro 13 délivrés à Ouargla pour des natifs d’ailleurs, ce qui leur ouvre le droit à une carte de main-d’œuvre locale, alors que dans les autres wilayas, il faut être natif de la commune pour s’y inscrire. L’opération est pourtant simple et supprimera le gouffre par où s’infiltrent beaucoup de magouilleurs.

– Le wali reste optimiste et vous demande un peu de patience, des postes réels seront créés, des formations qualifiantes vous sont proposées. Qu’en pensez-vous ?

Attendre ? Jusqu’à quand le chômeur doit-il crever de faim, manquer de tout et rester sans perspective ? Nous refusons d’attendre ou d’être tenus responsables de cet état de fait. Les mesures de Sellal sont inapplicables et il faut qu’il le reconnaisse. D’ailleurs, c’est la même chose pour le logement, il n’y aura jamais d’équité. Si le premier magistrat de Ouargla dit qu’il faut attendre, c’est qu’il reconnaît que rien n’a été réellement concrétisé en sept mois. Nous étions nous-mêmes très optimistes à la venue de M. Bouguerra, mais il se trouve que les vraies mesures édictées par l’instruction du Premier ministre n’ont pas encore été concrétisées. Je vous parle de la sous-traitance, qui défie l’administration, de l’embauche en dehors de l’ANEM, des passe-droits… Et même s’il y a des conventions avec l’Entp, l’Enafor et l’Ensp, beaucoup de chômeurs dotés de bulletins ont été refoulés justement parce qu’ils sont de Ouargla. Nous détenons des preuves.

– Concrètement, que demandez-vous ?

Nous avons perdu confiance en nos responsables. La politique du gouvernement n’est pas claire ; notre wali fait des efforts dont l’impact est modeste, parce qu’il s’agit d’une politique économique nationale inadaptée, un marché de l’emploi désorganisé. Notre économie se base sur la rente et le secteur privé cultive l’économie familiale, nous sommes de plus en plus exclus.

Ali Bouguerra. Wali de Ouargla : ma main est tendue et ma porte ouverte pour tous les enfants de la wilaya

– Les chômeurs organiseront un nouveau rassemblement national demain ils estiment que les mesures du Premier ministre n’ont pas été concrétisées, qu’en est-il ?

Je vous le confirme encore une fois, depuis l’avènement du Premier ministre en mars 2013, il ne s’agit plus de placement de la main-d’œuvre au niveau de notre wilaya, mais bien de mécanismes de promotion d’emplois durables. Je m’y attelle et y veille depuis ma nomination à la tête de la wilaya de Ouargla dans les conditions que vous connaissez. De grands axes de désengorgement sont retenus grâce à la promotion de l’emploi durable, la libération des initiatives locales, la priorisation de l’investissement local pour stabiliser les acquis et maintenir les activités économiques génératrices de richesses et d’emplois. Nous œuvrons à concrétiser une série de projets en dynamisant le Calpiref, l’investissement agricole, et nous lançons, à l’occasion, un appel à tous les citoyens de Ouargla pour adhérer à cette nouvelle dynamique.

– Qu’est-ce qui a changé depuis sept mois ?

Vous avez dû remarquer que de grands projets sont lancés et nous sommes confiants en un changement progressif grâce à des actions sur le moyen et le long termes. La cérémonie de remise des actes de concession au profit de 42 investisseurs ce jeudi (hier) apporte un nouveau souffle : 230 projets ont été validés depuis mon installation et nous avons remis 70% des actes de concession à ce jour. Ceci ouvre des perspectives pour 3000 postes d’emploi dans les trois années à venir, et ce, en plus de 1300 nouvelles concessions agricoles. Pour la qualification de notre main-d’œuvre locale, la nomenclature des centres de formation professionnelle de la wilaya a été adaptées aux besoins locaux, une campagne d’information a attiré beaucoup de jeunes, une quarantaine sont formés au centre de Sonatrach et des conventions de formation-embauche ont été signées avec les filiales de celle-ci pour former à la carte et embaucher les enfants de notre wilaya. Voici du concret.

– Est-ce suffisant pour apaiser la colère des chômeurs en détresse qui parlent de promesses non tenues, d’exclusion. Selon eux, rien de concret n’a été réalisé ?

Je rassure les chômeurs sur nos intentions, les enfants de la wilaya sont nos enfants et j’œuvre personnellement à matérialiser une série de mesures de désengorgement de la situation prévalant à Ouargla depuis plusieurs années, grâce à l’instauration de mécanismes et rouages à même d’estomper cette grogne dont vous parlez. Les chômeurs trouveront des réponses concrètes à leurs questions grâce à l’investissement générateur d’emploi, à l’agriculture, à des projets grandioses qui changeront l’image de leur ville et amélioreront leur quotidien. Ma main est tendue et ma porte ouverte, beaucoup de bien est à venir.
Houria Alioua