Le système mis à nu en Algérie

Le système mis à nu en Algérie

Baudouin Loos, Le Soir de Bruxelles, 19 avril 2014

La pathétique apparition, jeudi matin à Alger, d’Abdelaziz Bouteflika poussé sur une chaise roulante dans un bureau de vote pour remplir son devoir électoral donnait le frisson. Avec leur cruauté coutumière, les réseaux sociaux n’ont pas manqué de s’en donner à cœur joie. « L’Algérie à la pointe du progrès : même la présidence est accessible en fauteuil roulant ! », « Des élections réussies, comme sur des roulettes », « Mieux qu’en Corse où les morts votent, en Algérie ils sont élus ! », « Bouteflika, le premier président du monde à être élu par contumace »… « Fantôme », « momie », « zombie »… n’en jetez plus, la coupe est pleine !

Cette élection présidentielle fera date. Le système s’est mis à nu. Ce n’est pas « Boutef » qui dirige l’Algérie. Qui peut croire le contraire ? Même munis d’une forte dose de cynisme, ses plus ardents partisans peinent à justifier la réélection d’un homme malade, au bout du rouleau. La logique et la sagesse lui imposaient d’aller se faire soigner et de se reposer, mais les « décideurs », sans solution alternative pour le moment, ont pris le risque de prolonger ce mort-vivant à la présidence alors que la planète entière – et surtout les Algériens, humiliés par ce spectacle – peut et doit constater son incapacité définitive de travail.

Comme l’écrit notre confrère Abed Charef dans le Quotidien d’Oran, « l’Algérie est gérée par un système politique inadapté. Totalement dépassé. Ce n’est pas une question d’âge, ou d’hommes. Ce n’est pas une question de courage non plus. C’est un système politique désuet, devenu inefficace, puis nuisible, et, pour finir, destructeur. Il constitue une menace, probablement la plus sérieuse qui pèse sur l’Algérie ».

Les Algériens n’osent même plus rêver du jour où leur avis comptera. Où les institutions cesseront d’être factices. Où on ne parlera plus des « décideurs » mais du président et du gouvernement. Où les clans rivaux au sommet de la hiérarchie militaire, des services secrets et de l’oligarchie politico-financière n’auront plus la haute main sur l’Etat. Où les immenses richesses du sous-sol national – qui ne seront pas éternelles – ne serviront que les besoins de la population… Où, donc, la corruption aura fini de pourrir la vie quotidienne de haut en bas.

Ces Algériens n’obtiendront aucun soutien des Européens et ils le savent. Devront-ils un jour prendre eux-mêmes leur destin en main ?