Présidentielle : Meeting des partisans du boycott à la salle Harcha

Des milliers de personnes à la salle Harcha (Alger), les boycotteurs réussissent leur sortie

Sana Harb, Maghreb Emergent, 21 mars 2014

Les défenseurs du boycott de l’élection présidentielle du 17 avril prochain ont réussi leur première grande sortie unitaire, vendredi, à la salle Harcha à Alger où des milliers d’Algériens ont répondu à l’appel.

Le rassemblement organisé par une coordination de plusieurs partis avait reçu l’autorisation des autorités dans ce qui semble être un changement dans la gestion des mouvements de contestation autour de l’élection présidentielle et du 4ème mandat. La dernière manifestation du mouvement Barakat, contrairement aux précédentes, a pu avoir lieu au niveau de la faculté d’Alger et n’a pas été empêchée. L’autorisation donnée aux partisans du boycott semble aller dans le même sens, mais il n’est pas certains que les autorités les laissent s’exprimer après le début officiel de la campagne électorale prévu dimanche. Des responsables ont laissé entendre qu’une fois la campagne officielle lancée, les espaces sont réservés uniquement aux candidats. Mais les autorités devront faire avec une contestation, pacifique, qui monte et s’élargit. Parfois avec « l’aide » des partisans de Bouteflika comme ce fut le cas du « gag » de Abdelmalek Sellal qui a fini par mettre dans la rue des milliers de personnes à Batna et dans d’autres villes. La tentation des autorités de réserver l’espace uniquement aux participants aux présidentielles pourrait être dans les prochains jours source de nouvelles tensions.

Ali Benhadj présent

La coordination des partis ( MSP, RCD, Ennahda, Adala et Jil Djadid et des personnalités qui a organisé le meeting ont été rejoint dans la salle par le dirigeant du FIS, dissous, Ali Benhadj. Suivi par une galerie qui chantait « ya Ali Ya Abbas, El Jebha Rahi Labasse ». Maître Ali Yahia Abdenour et Said Sadi étaient également présents. La salle Harcha faisait en quelque sorte une « synthèse » entre des courants qui se sont affrontés durant les années 90 et qui semblent « unis » contre le régime. « La rencontre d’aujourd’hui est le point de départ d’un changement sans précédent » en Algérie, a affirmé Mohsen Bellabas (RCD) tandis que Mohamed Douibi (Nahda) affirmait que le scrutin sera celui de la fraude et le prochain président « sera celui d’un clan ». Les boycotteurs ont marqué leur présence à la veille du début d’une campagne électorale officielle où il n’est pas certain qu’ils pourront à nouveau être « autorisés » à se rassembler.


Présidentielle : Meeting des partisans du boycott à la salle Harcha

par M. Aziza, Le Quotidien d’Oran, 22 mars 2014

La coordination des partis et personnalités pour le boycott de l’élection présidentielle du 17 avril prochain a tenu son meeting hier à la salle Harcha en regroupant différents courants politiques d’opposition autour du mot d’ordre «boycott».

La salle a affiché complet vers les coups de 15 heures. Parmi les personnalités politiques, M. Ali Yahia Abdenour, Saïd Sadi et des membres du parti dissous, l’ex-FIS, à leur tête Ali Belhadj. Mais aussi de simples citoyens.

En tentant d’attirer l’attention des médias, pour marquer le retour de l’ex-FIS sur la scène politique, une vingtaine de partisans de Ali Belhadj scandaient «l’armée, le peuple, avec Ali Belhadj», mais leurs voix ont été à chaque fois étouffées par le fameux slogan «l’Algérie, libre et démocratique» répété par la quasi-totalité des participants au meeting. Le premier qui a défilé sur la scène, c’était le candidat qui s’est retiré le premier de la course du scrutin présidentiel, Sofiane Djilali. Il dira devant l’assistance que le système en place «veut offrir l’Algérie aux étrangers et il veut nous imposer un président absent, un fantôme». Pour Sofiane Djilali, le président Bouteflika ne pense qu’à sa personne «sinon comment expliquer qu’après une année de silence, il se prononce durant 14 secondes, pour se contenter de dire, je suis candidat aux élections du 17 avril». Et de poursuivre : «Oubliant complètement ce qui se passe à Ghardaïa !» L’orateur s’est dit convaincu que ce système à trop duré, il est là depuis 1962. «Aujourd’hui, il doit disparaître cédant la place aux jeunes».

Mohcine Belabbas, président du RCD, a affirmé que cette pluralité dans l’opposition et ce consensus démocratique que vient démontrer ce meeting est un nouveau jour pour l’Algérie démocratique. Mais, pour Belabbas «le changement ne s’offre pas, il s’arrache», dit-il avec l’applaudissement de l’assistance. Et d’insister que «le changement doit être pacifique et organisé» pour lâcher ensuite une phrase qui a fait secouer la salle «le système va s’effondrer mais l’Algérie survivra».

Mohamed Douibi du mouvement Ennahda a expliqué pour sa part pourquoi la coordination a opté pour le boycott en précisant que le système en place a rejeté toutes les propositions garantissant un scrutin démocratique.

Abderrazak Mokri, du MSP, vivement applaudi par l’assistance, a tiré à boulets rouges sur les dirigeants actuels du pays en précisant que le seul danger qui guette notre pays vient de ceux qui gouvernent aujourd’hui. Il n’a pas cessé de répéter à haute voix «vous avez échoué, vous êtes des corrompus, vous êtes des fraudeurs». Il a également accusé le pouvoir en place d’avoir semé la «fitna» à Ghardaïa et dans les Aurès. Mokri appel les Algériens à suivre le modèle de cohésion tunisien qui sans l’armée et sans les services secrets a pu créer le consensus politique, et ce malgré les différences qui existent entre les acteurs politiques tunisiens. Ce qu’il faut retenir est qu’aujourd’hui l’opposition ne se focalise pas uniquement sur le 17 avril, mais surtout sur l’après-17 Avril. Ils se disent pour un projet politique pour l’avenir et pour une Constitution consensuelle. A noter que tous les membres de la coordination étaient présents : RCD, MSP, Nahda, El Adala, Jil Djadid, et l’ancien chef du gouvernement, Benbitour.

A signaler en outre que les services de sécurité ont investi toutes les ruelles menant vers la salle Harcha en fermant à la circulation carrément certains artères, et ce pour parer à d’éventuels dérapages ou débordements. Mais, aucun incident n’a été enregistré ni à l’intérieur de la salle ni à l’extérieur.


À l’initiative du front pour le boycott

Meeting grandiose à Harcha

Le Soir d’Algérie, 22 mars 2014

Pari réussi. La salle Harcha, au centre d’Alger, était pleine à craquer, hier vendredi, à l’appel de la Coordination nationale pour le boycott. Immense moment d’engagement politique pour la disqualification du scrutin présidentiel, biaisé, ont estimé, tour à tour, les cinq chefs de partis et Ahmed Benbitour qui ont coordonné l’action.

Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir)
L’enchaînement d’avec le sit-in symbolique du 12 mars dernier au niveau du Maqam-Echahid, Ryad-El-Feth, était parfait. Le meeting à la salle Harcha a permis de mesurer le degré d’osmose entre les militants de différentes chapelles politiques que le mot d’ordre de boycott de l’élection présidentielle a réunis. Cinq chefs de partis et un ex-chef de gouvernement — qui s’était porté candidat à la candidature avant de se retirer —, se sont relayés à la tribune pour exécuter, chacun à sa manière et son style, sa harangue. L’exercice devait échoir en premier lieu au président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, tirage au sort oblige. Lui aussi candidat à la candidature avant de se retirer, Soufiane Djilali, dans un discours concis, improvisé, s’est dit heureux de constater que des Algériens de différentes obédiences politiques se sont retrouvés ensemble pour dire non au scrutin présidentiel. «C’est là un démenti cinglant au pouvoir qui dit ou c’est moi ou c’est le désordre.»
Soufiane Djilali fera également remarquer que le pouvoir en place est prêt à tout pour rester. Il en a voulu pour preuve, la présentation de la candidature de Bouteflika, un homme impotent, dont le plus long discours depuis 22 mois a été de 14 secondes chrono. «En 22 mois, Bouteflika n’a parlé que pendant 14 secondes. Notez bien ce qu’il a dit : “je suis venu me présenter à l’élection”. Il n’a pensé qu’à lui, à sa personne.» Pour le président de Jil Jadid, ce que le pouvoir a engagé n’est pas un processus électoral mais un processus de coup d’Etat.
Lui succédant à la tribune, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, dira, en entame de son discours, fort applaudi, que «ici se trouve l’Algérie des exclus de la richesse nationale, des médias de la nation et des institutions de la République», ajoutant «ici se trouve l’Algérie qui souffre et qui se bat contre un système qui a ruiné, humilié et déstabilisé notre nation.
Ce n’est pas la première fois que notre peuple se trouve soumis à un ordre politique au service d’une minorité méprisante, arbitraire, injuste et incapable d’évoluer». Pour le président du RCD, le changement se fera dans l’intelligence ou dans le chaos. Parlant du scrutin présidentiel, il dira que «c’est un piège et une insulte de plus». Selon lui, «c’est un piège , car l’administration est plus prête que jamais, aux bourrages des urnes, la justice est prête à rejeter toutes les contestations , le ministère de l’Intérieur est prêt à annoncer tous les résultats qu’on va lui demander et le Conseil constitutionnel est prêt à valider tous les abus qui sont déjà dénoncés par ceux-là mêmes qui, pour des raisons difficilement compréhensibles, acceptent de se rendre complices de ce piège».
Le président du RCD devait aussi expliqué que la problématique ne se pose pas uniquement en termes de 4e mandat mais elle englobe tout le processus électoral en cours.
Et, selon lui, le boycott n’est pas une finalité. «Oui, le changement doit être pacifique et ordonné. Le boycott massif est un préalable. Plus le système se retrouve seul, plus le scrutin sera illégitime et plus le futur mandat sera fragilisé pour céder devant les propositions des patriotes engagés pour une phase de transition.» Pour sa part, le secrétaire général d’Ennahda, Mohamed Douibi, dira que «le 4e mandat sonne la fin d’un processus qui a échoué.
C’est le signe de l’échec. Le prochain président ne sera pas le président des Algériens mais le président d’un groupe de personnes qui ont volé et dilapider les richesses du pays». Lui succédant, le président du Front pour la justice et le développement (FJD), Abdallah Djaballah, a appelé les Algériens à boycotter l’élection présidentielle. «Il faut dire non aux élections parce qu’elles sont truquées. L’administration et la justice sont entre les mains du pouvoir.»
Pour Djaballah, ce n’est pas un problème de 4e mandat mais c’est la crise du système dont il s’agit. Le président du MSP, Abderrazak Mokri a été, lui, très à l’aise dans sa harangue de la foule. «C’est une belle image de ce que devrait être l’Algérie, si ce n’était le système qui l’a prise en otage», dira-t-il, ajoutant que «le seul danger pour le pays, c’est le maintien du système». Pour Mokri, le meeting du jour se voulait un avertissement de ce que l’Algérie est en danger. «L’Algérie est gouvernée par une bande qui n’a aucune culture de l’Etat, une bande opposée à la volonté populaire et qui sème la fitna entre les enfants du peuple.» Le président du MSP a appelé les candidats alignés dans la course électorale à se retirer.
C’est Ahmed Benbitour qui a clos les interventions en appelant, lui aussi, au boycott du scrutin. Notons que les familles des personnes disparues durant la décennie noire étaient venues au meeting. Des familles pour lesquelles Mokri a eu un mot compatissant.
S. A. I.


Différents courants politiques à Harcha

Le rejet du quatrième mandat rassemble

El Watan, 22 mars 2014

Les partis et personnalités politiques appelant au boycott de la présidentielle ont réussi, hier, à rassembler des milliers de personnes à la salle Harcha. Les boycotteurs, qui se projettent déjà dans l’après-17 avril, veulent se poser comme un front politique alternatif en s’inscrivant durablement dans le temps.

Début officiel du printemps. Il fait beau. Alger s’anime. Les bambins sont de sortie. Juste après la prière d’El Djoumouâ, les familles envahissent les parcs publics, le Jardin d’essai, les centres commerciaux ou encore la nouvelle promenade qui longe la baie. Dans le lot, il y en a qui ont préféré s’offrir un week-end politique du côté de la salle Harcha. Et pour cause : c’est là que se tient le premier meeting populaire des «5+1», le front fraîchement créé des partisans du boycott et qui comprend : le RCD, le MSP, Jil Jadid, Ennahda, le FJD de Djaballah et l’ex-candidat à la présidentielle Ahmed Benbitour. Le meeting doit commencer à 15h. Une heure avant, des cortèges de militants et de citoyens convergent vers la salle. Un dispositif léger des forces de police quadrille les abords de la salle et les voies qui y mènent.

Devant la grille principale, un groupe d’islamistes s’est formé. Des militants de l’ex-FIS. Ils semblent guetter quelqu’un ou quelque chose. Des policiers en uniforme et en civil les ont à l’œil. 14h25. Ali Benhadj débarque et provoque un petit mouvement de foule. «Ya Ali, ya Abbas, el djabha rahi labess», scandent ses fans. Les policiers les laissent faire. Ils pénètrent à l’intérieur du complexe sportif, en rangs serrés, derrière Ali Belhadj. Ils prennent place sur un flanc de la salle, juste en dessous de tribunes dominées par des drapeaux berbères. Echanges d’amabilités par slogans interposés, mais les choses en resteront là. La salle continue à se remplir. Tous les gradins sont pleins, de même que l’arène centrale où des chaises en plastique ont été disposées. Une tribune a été aménagée au fond. Il fait chaud. Effet de serre. Des slogans fusent en attendant l’entrée sur scène des tribuns : «Y’en a marre de ce pouvoir», «Djazaïr horra, dimocratia» ou encore «Echaâb yourid isqat ennidham».

«Mou-qa-ta-â»

Un chauffeur de salle invite les présents à répéter après lui le mot d’ordre du meeting : «Mou-qa-ta-â» (boycott). Une large affiche répercute le même slogan : «Boycott, boycott pour l’Algérie». 14h55. Saïd Sadi fait une entrée triomphale. Il est accompagné de maître Ali Yahia Abdennour, avec son élégance légendaire, la tête coiffée d’astrakan. Cameramen et photographes se ruent vers eux. Des sympathisants du RCD entonnent : «Assa, azekka, Sadi yella yella». 15h. Les tribuns tant attendus font leur entrée en traversant la salle. Ils se fraient difficilement un chemin au milieu d’un véritable ciment humain. Ils montent sur l’estrade. Photo de famille en levant les bras, la main dans la main. L’image est séduisante. Celle d’une opposition qui aura su transcender ses divergences pour faire front face au «nidham». Le chauffeur de salle scande de nouveau «mou-qa-ta-â», suivi en chœur par un public chauffé à bloc. L’un des organisateurs récite la Fatiha suivie de Qassaman et d’une minute de silence à la gloire des chouhada et des victimes de Ghardaïa.

C’est Soufiane Djillali qui ouvre le bal. L’ordre de passage a été décidé par tirage au sort. «Et tout le monde a respecté le verdict de notre urne», glisse malicieusement l’un des animateurs du meeting. Le président de Jil Jadid étrenne son discours sur fond de «ulac el vote ulac». «Nous sommes heureux de voir cette salle pleine et, en son sein, des Algériens de différentes sensibilités. C’est une belle image qui dit notre disposition à travailler la main dans la main, car nous sommes tous dans la même tranchée. Nous luttons tous pour l’Algérie de demain», déclare Soufiane Djilali, avant d’ajouter : «Ce meeting est la meilleure réponse au régime qui ne cesse de répéter : c’est moi ou le chaos.» «Ils veulent nous imposer un Président absent, un président fantôme qui ne s’adresse plus au peuple et qui n’a d’autre souci que son intérêt personnel.

Après 22 mois de silence, il a parlé pendant 14 secondes pour dire ‘djit bach netrachah’ (je suis venu pour me présenter). Il n’a eu aucun mot pour les citoyens qui meurent à Ghardaïa et ailleurs. Un clan a fait de cette élection une mascarade. Sellal et Benyounès se permettent même d’insulter le peuple. On a rappelé les ingénieurs de l’échec. Ouyahia, ils l’ont affamé du ‘koursi’ et maintenant, il court après. Belkhadem, dit sa voix (du Président) s’éteint et revient. Il nous parle d’un président disparu. Depuis février, nous sommes sortis du processus électoral pour entrer dans une logique de coup d’Etat», assène l’orateur dans un tonnerre d’applaudissements. Et l’ex-candidat à la présidentielle de plaider, en guise d’alternative, pour un Etat de droit, un système politique consensuel qui soit l’émanation du peuple. A la fin, Soufiane Djilali lance cette boutade : «Je vais vous confier un secret, mais ne le répétez à personne. Avec les chefs de parti réunis ici, nous sommes en train de comploter contre ce système ! Alors aidez-nous dans notre complot…»

«Le boycott n’est pas une fin en soi»

Mohcine Belabbas, président du RCD, prend le relais dans un arabe impeccable, saupoudré de phrases en kabyle : «Dans cette salle, je vois l’Algérie qui aspire à la dignité, à la liberté et à la justice.» Il poursuit : «Ce meeting est un tournant inédit, celui d’une Algérie pluraliste. Nous voulons transmettre un message de paix et de tolérance. C’est la preuve que les Algériens, malgré leurs différends et leurs différences, sont capables de dialoguer, échanger leurs visions.» M. Belabbas dresse au passage un sévère réquisitoire du régime avant de prévenir : «Si le pays demeure otage de ce système, son sort sera la destruction.» Il flingue le régime électoral actuel et la plaie de la fraude qu’il qualifie de «cancer». Toujours dans le même registre, le président du RCD parle de «hold-up électoral».

Pour lui, le pire des voleurs «est celui qui prive le citoyen de sa voix». Mohcine Belabbas est revenu sur la proposition de créer une commission indépendante d’organisation des élections qui a essuyé un refus entêté. Et de pointer du doigt la partialité de l’administration, de la justice, du ministère de l’Intérieur et du Conseil constitutionnel qui sont devenus, selon lui, des instruments au service de la fraude. Pour lui, l’enjeu, aujourd’hui, n’est pas uniquement de faire barrage au quatrième mandat mais de combattre l’ordre établi et le régime qui le soutient. «C’est un régime qui sème la haine et la fitna. Le M’zab est en état de guerre depuis cinq mois, où est la stabilité ?» s’écrie-t-il.

Pour lui, «le changement doit s’opérer d’une façon pacifique et organisée». «Le boycott n’est pas une fin en soi, c’est une manière de fragiliser le système et de vider le prochain mandat de toute sa substance.» «C’est le premier pas pour jeter les assises d’une période de transition afin de redéfinir les règles du jeu politique», appuie-t-il. Cela doit se faire dans le cadre de consultations élargies avec, pour finalité, une Constitution consensuelle, préconise-t-il, avant de conclure : «Ce système va tomber mais l’Algérie vivra !»

«L’acte de naissance d’une nouvelle ère»

Pour sa part, Mohamed Douibi, secrétaire général du mouvement Ennahda, s’attelle à expliquer les raisons du boycott : «Nous avons demandé des garanties pour sortir de la crise à travers des élections honnêtes. Nous avons exigé une instance indépendante qui organise les élections. Le régime a refusé. Nous savons pertinemment que le scrutin est truqué d’avance. Nous avons choisi de ne pas cautionner cette élection, notre participation s’apparenterait à un faux témoignage (chahadate zour).» Abondant dans le sens des interventions précédentes, Mohamed Douibi insiste sur le fait que cette sortie commune s’inscrit dans une démarche politique qui va au-delà du boycott. «Ce consensus exprime la profondeur de la classe politique», a-t-il souligné.

«Il s’agit maintenant de travailler autour d’un projet politique national d’avenir qui commence par une Constitution consensuelle.» «Notre projet est un projet politique qui rendra la parole au peuple. Aujourd’hui, vous avez signé l’acte de naissance d’une nouvelle ère», se félicite le leader d’Ennahda. A peine Abdallah Djaballah, président du Front de la justice et du développement, s’apprêtait-il à prendre la parole que le groupe des ex-FIS entourant Ali Benhadj se mit à le chahuter. Ils reviendront plusieurs fois à la charge mais ne parviendront pas à déstabiliser Djaballah.

Ce dernier finit par étrenner son discours en saluant ceux qui osent dénoncer l’injustice. Il salue également dans la foulée la population des Aurès «qui a brisé le mur de la peur». Et de faire remarquer : «L’Algérie n’est pas seulement devenue ‘‘mamlaka’’ (monarchie) mais ‘‘milkiya khassa’’ (propriété privée).» Et de brocarder ceux qui veulent imposer «un homme impotent, incapable de gérer sa propre personne, et qui se présente afin de permettre au régime de poursuivre sa politique de pillage des richesses du peuple». Abdallah Djaballah termine en appelant les autres candidats encore en course à rejoindre le front des boycotteurs.

Benbitour chante Min djibalina

Abderrazak Makri, président du MSP, fera, lui, une allocution très animée, invitant le public à répéter, à intervalles réguliers, des slogans-clés. Il entonnera tour à tour «Antoum fachiloune» (vous avez échoué) que reprendra la salle à l’unisson, suivi de «Antoum fassidoune» (vous êtes des corrompus) en parlant de «mafia intercontinentale». M. Makri dénonce vigoureusement la dernière vague de répression contre les «anti4» et la fermeture abusive de la chaîne Al Atlas TV. Il reprend son anaphore par un tonitruant «Antouma haggarine», avant d’entonner : «Nahnou mouqatioune» (nous vous boycotterons). L’orateur termine en appelant à méditer l’exemple tunisien où «la classe politique a su dépasser ses divergences et élaborer une solution».

Enfin, l’ex-candidat Ahmed Benbitour a souligné, à son tour, la forte portée symbolique de ce meeting qui, dit-il, «montre la bonne voie pour sauver l’Algérie». «C’est un comportement civilisé qui montre que les Algériens sont capables d’agir sans violence.» «Ce 21 mars 2014 fera date», note-t-il. Et d’appeler à une conférence nationale pour le changement. L’ancien chef de gouvernement plaide pour «un Etat fort par sa justice au lieu d’un Etat faible et uniquement fort par sa police». Clou de son intervention : Benbitour chante Min djibalina. Et toute la salle de le suivre. Moment fort en émotion. «Min djibalina talaâ sawtou el ahrar younadina lil istiqlal»…

Mustapha Benfodil