Déclaration de Mouloud Hamrouche

DECLARATION DE MOULOUD HAMROUCHE

«L’heure n’est plus à la cooptation»

Le Quotidien d’Oran, 17 décembre 2003

Les convulsions politiques et la fièvre médiatique qui se focalisent, depuis des mois, sur une échéance électorale et une simple question de candidature, cachent mal la consommation de l’échec et la consolidation des impasses. Derrière cette tension artificielle, il y a comme une volonté délibérée de faire croire qu’elles recèlent de graves menaces. Or, elles ne peuvent s’analyser que par la convergence qui les sous-tend, et non par les pseudo-divergences exprimées. Ces agissements ont pour finalité d’empêcher la société de s’interroger sur les véritables enjeux et défis auxquels elle est confrontée, de défaire toutes les garanties légales et sociales et de masquer la perversion politique, la régression culturelle et la destruction de l’économie.

Une mandature s’apprécie par ses achèvements et non par ses genèses.

Ces polémiques exacerbent les facteurs de division et les régionalismes dévastateurs. En plus, elles paralysent les institutions et annihilent l’expression souveraine de tout pouvoir institutionnel. La détresse de nos concitoyens se trouve aggravée par les discours développés, qui servent à couvrir des comportements cyniques et opportunistes. Cela est la conséquence d’un statu quo maintenu au prix de l’érosion de la cohésion nationale, du viol des consciences et de l’incitation aux rancoeurs.

Aucun redressement ne peut, dès lors, s’accomplir, ni aucune rénovation se réaliser. Les citoyens, et notamment les jeunes, désertent les cadres d’expression institués. Le pays encourt le risque des révoltes de tous les printemps et des colères de tous les autonomes.

Il faut changer de démarche. L’heure n’est plus à la cooptation d’hommes. Elle n’est plus aux transitions chimères, ni aux élections inhibitrices. La cooptation a favorisé le reniement et l’irresponsabilité. La transition a généré des agressions liberticides, des renonciations sociales et la rapine économique. L’élection factice a mis l’Etat hors droit et dépossédé les institutions de leur rôle de régulation. Le moment n’est pas non plus à l’attisement des haines ni à la construction d’autres socles pour de futures violences.

Les situations que nous vivons, et que nous devons modifier, nécessitent de satisfaire les vraies exigences, sachant que la modernité ne se résume pas à un emprunt, ni l’authenticité à un prisme. L’enjeu est de changer le rapport de la société à l’Etat. Un tel changement doit s’appuyer sur un examen avisé des démarches à opérer et une analyse juste des rapports à transformer. Cela passe par une volonté émancipatrice, une situation de droit, une marche consensuelle et une discipline légale.

Pour être porteuse d’alternative et annonciatrice d’issue, l’élection présidentielle à venir devra s’organiser en rupture avec les pratiques et mécanismes enracinés de la fraude. Ceci passe nécessairement par l’organisation d’élections servies, non pas par la multiplication de prétendues commissions ad hoc de contrôle, changement de ministre ou de gouvernement, mais par une administration d’Etat, restaurée dans la plénitude de ses missions, forcément libérée des injonctions, interférences et manipulations qui la dénaturent, et dont les agents et commis devront être protégés par la loi pénale contre tout abus hiérarchique ou sanction pour délit d’opinion électorale.

Nos concitoyens, qui récusent la brutalité comme mode de gouvernement et abhorrent les idéologies totalitaires, anciennes et nouvelles, refusent les élections factices. Ils désirent édifier une société libre.

Il est à ce titre vital que l’Armée nationale populaire, en décidant de quitter le champ politique, demeure partie prenante des mécanismes décisionnels déterminants et des choix stratégiques. C’est à ces conditions que les prochaines présidentielles pourront être porteuses d’espoir. C’est à ces conditions aussi que l’émergence d’une société libre cessera d’être évoquée uniquement en connexion avec des conjonctures électoralistes. C’est cette option qui n’isolera pas l’Algérie du monde et n’altérera pas la continuité historique de son identité.

Mouloud Hamrouche