Ali Haddad fait machine arrière

il dément l’intention de créer un parti politique

Ali Haddad fait machine arrière

El Watan, 25 mars 2015

Le clan présidentiel joue-t-il l’apaisement ? Après la guerre déclarée durant le week-end dernier à l’opposition et à la presse, le pouvoir et ses soutiens donnent l’impression de vouloir reculer.

Ayant visiblement constaté l’ampleur de leur maladresse, après le message lu au nom du chef de l’Etat à Ghardaïa jeudi passé, les tenants du pouvoir tentent de rectifier le tir et faire baisser la tension qui caractérise ces jours-ci la scène politique. La nouvelle attitude du pouvoir et ses représentants consiste, selon les signes montrés depuis le début de la semaine en cours, à éviter la confrontation avec l’opposition et la presse.

Et la sortie médiatique du président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad, pourrait s’inscrire dans cette stratégie. Le patron de l’entreprise des travaux publics ETRHB, très proche du clan présidentiel, réagit officiellement aux rumeurs selon lesquelles «il envisagerait de fonder un parti politique qui le porterait à la présidence de la République».

«Laissons la politique aux politiques», affirme-t-il, en marge de sa rencontre, hier, au siège du FCE, avec l’ambassadeur du Qatar en Algérie, Ibrahim Ben Abdelaziz Mohamed Salah Essahlaoui. Ali Haddad veut même mettre un terme à la polémique qui l’oppose au Parti des travailleurs (PT) et sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, en appelant à la cessation «des tirs croisés».

Mais est-il vrai que le principal financier des campagnes électorales du président Bouteflika (2009 et 2014) est étranger à la politique ? L’un des «oligarques» dénoncés par Louisa Hanoune est bien lui. L’entrepreneur est déjà un acteur informel dans le champ politique national. Après avoir intégré le staff de campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika en jouant un rôle important dans la validation du quatrième mandat du chef de l’Etat, il gagne en retour des privilèges.

Porté à la tête du FCE, l’homme impose même d’autres mœurs politiques au gouvernement : il oblige les ministres à venir assister à ses réunions et on convoque pour lui tous les ambassadeurs de l’Algérie à l’étranger. Des faits inédits dans les annales qui s’apparentent à «un retour sur investissement» pour celui qui a dépensé des sommes colossales pour réaliser le projet politique du clan présidentiel.

En niant son intention de fonder un parti, Ali Haddad veut-il limiter sa connexion avec le monde politique pour se consacrer à celui des affaires ? Peut-être. L’autre signe concernant la volonté du pouvoir de calmer le jeu est l’étrange précision du FLN relative aux attaques de son secrétaire général, Amar Saadani, contre les partis de l’opposition. L’ex-parti unique avait publié, lundi matin, sur son site internet une sorte de mise au point dans laquelle il affirme que «le frère Amar Saadani n’a jamais attaqué des partis politiques».

La mise au point a été retirée dans l’après-midi, mais la réaction du FLN intervient dans la foulée de la décision de la présidence de la République de retirer la phrase virulente consacrée à la presse dans le message du président Bouteflika, lu en son nom à Ghardaïa.
Dans le même état d’esprit, le ministre de la Communication, Hamid Grine, qui s’est employé, des mois durant, à imposer «son éthique» à la presse, joue lui aussi l’apaisement.

Il nie «toute volonté» d’étouffer et de réprimer des organes de presse qui ne font pas partie «du cercle vertueux» qu’il a lui-même défini.

 


«Laissons la politique aux politiques»

Le président du Forum des chefs d’entreprises sort de sa réserve et réfute toute implication dans la politique.

C’est en marge de la rencontre, hier au siège du FCE à Alger, avec l’ambassadeur du Qatar, que Ali Haddad a tenu à démentir toute ambition qu’on pourrait lui prêter en politique, ou velléité de s’impliquer dans une formation de ce type. «Notre préoccupation est de hisser l’économie et l’entreprise algériennes au niveau de compétitivité mondiale. Nous nous concentrons uniquement sur les sujets économiques. Laissons la politique aux politiques», a-t-il asséné hier à des journalistes loin de l’avoir interpellé sur une quelconque actualité politique.

Le patron des patrons a d’ailleurs saisi la sortie d’hier afin de faire certaines mises au point concernant les accusations de la classe politique, estimant que le monde de l’entreprise fait aujourd’hui l’objet de «tirs croisés». Moins belliqueux que le ministre de l’Industrie qui réagissait, il y a quelques jours, le président du FCE a estimé que «les tirs croisés doivent cesser. Il faut qu’on (la classe politique, ndlr) nous laisse travailler et qu’on laisse l’entreprise algérienne se développer», a-t-il encore ajouté en précisant que la libération de l’entreprise permettra à l’économie algérienne de multiplier par 10 ou 20 la valeur ajoutée réelle d’ici 4 ou 5 ans et qui n’est estimée actuellement qu’à «3 milliards de dollars».

De même qu’à chacune de ses prises de parole, il revient sur la nécessité de loger toute entreprise publique et privée à la même enseigne. Ceci d’autant que le Forum des chefs d’entreprises, a-t-il encore précisé, est dans une dynamique inédite et souhaite contribuer activement à la relance de l’économie nationale.

C’est ainsi qu’une feuille de route a été préparée et devrait être présentée le 15 avril prochain en Conseil exécutif élargi au Conseil d’orientation stratégique et aux adhérents.

L’occasion aussi, selon Ali Haddad, d’opérer une mue dans l’organisation du Forum, qui devra être représenté dans l’ensemble du territoire national. La réunion du 15 avril permettra, explique-t-il, de désigner un délégué du FCE pour chacune des 48 wilayas du pays. Une organisation qui devra aussi se refléter à l’international.

C’est ainsi que le staff du Forum a convenu d’une douzaine de villes qui accueilleront un bureau du FCE, parmi lesquelles on peut citer Rome, Paris, Dubaï ou encore Istanbul, lesquels seront installés à l’occasion d’une tournée de 10 jours du FCE dans divers pays que le président du Forum a inaugurée hier après-midi dans la capitale italienne. L’objectif étant de promouvoir l’entreprise algérienne à l’étranger et d’imposer le produit algérien, notamment dans les pays avec lesquels l’Algérie entretient des rapports privilégiés, à l’image du Qatar.

A ce sujet, le président du FCE a fait savoir que les entretiens avec l’ambassadeur du Qatar, Son Excellence Ibrahim Ben Abdelaziz Mohamed Saleh Essahlaoui, ont porté sur l’élargissement de la coopération économique en partenariat entre les deux communautés d’affaires. Un partenariat qui permettra aux privés algériens, précise encore Ali Haddad, de tirer profit de l’expérience acquise par la monarchie du Golfe dans certains domaines, notamment la finance. C’est à ce titre qu’un forum d’affaires algéro-qatari se tiendra à Doha du 13 au 15 mai prochain.

Madjid Makedhi