Abdallah Djaballah: «On veut me faire taire»

ABDALLAH DJABALLAH À L’EXPRESSION

«On veut me faire taire»

L’Expression, 14 juin 2006

Dans cet entretien, le leader d’El Islah, revient sur ce qu’il pense avoir motivé la décision de justice le concernant.

L’Expression: Quelle est votre réaction à la décision de justice gelant les activités de votre parti?
Abdallah Djaballah: C’est une décision politique prise par un juge qui ne dispose d’aucune preuve. C’est aussi une agression, caractérisée et sans précédent, contre les principes de la démocratie pluraliste, le code des partis politiques, les libertés individuelles et collectives, l’indépendance des partis et de la justice.
Pareille agression institue la logique monolithique et traduit le caractère hégémonique du régime politique qui gouverne le pays. Et c’est ce qu’on veut renforcer à travers ce qu’ils qualifient d’amendement de la Constitution. L’objectif de ceux qui sont derrière cette décision politique est d’étouffer une voix qui défend les constantes de la personnalité de la nation et les droits des citoyens. Ils espèrent, à travers une telle décision, imposer leur projet d’amendement de la Constitution, au lieu de le faire sur des bases saines et honorables. Je dis à ceux-là que la légitimité de mon combat politique, je la tiens de la volonté du congrès et des militants qui ont confirmé la confiance qu’ils ont placée en moi. Ce n’est pas une décision politique inique qui y changera quelque chose. Je rends responsable le président de la République et le renvoie au serment qu’il a fait au peuple de respecter la Constitution et les lois de la République. Le gel, sans preuves, des activités d’une formation politique relève-t-il des lois de la République?
J’invite les citoyens qui tiennent à la démocratie pluraliste, aux libertés individuelles et collectives, au principe de séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice, à dénoncer ce précédent grave dans l’histoire de la justice et celle des partis politiques. Nous rassurons les militants quant à notre volonté de poursuivre la lutte et les invitons à plus de confiance dans leur programme et dans la ligne politique. Ils doivent continuer le combat pour défendre les droits de la société, ses libertés et les constantes de sa personnalité.

Vous affirmez donc, que l’objectif du pouvoir est de vous «éliminer» politiquement pour que vous ne puissiez pas donner votre avis sur le projet de nouvelle Constitution…
Bien entendu que c’est leur objectif. Ils veulent me faire taire. Ils savent qu’on ne peut pas m’acheter et que je dirai à l’opinion ce que je pense de ce qu’ils trament. Alors ils ont gelé l’activité du mouvement El Islah, pour permettre à une minorité de soutenir sans sourciller leur projet hégémonique.

Qu’allez-vous entreprendre comme action au plan judiciaire?
Il est clair que nous ferons appel de cette décision, dès sa publication. Nous respecterons toutes les procédures en la matière. Mais il faut savoir que si la loi est respectée, il n’existe aucun problème. Et pour cause, l’affaire a été portée devant les tribunaux par un groupe de 11 individus qui, du reste sont exclus du parti. Il est de ce fait inconcevable au yeux de n’importe qui qu’on décide de geler les activités de toute une formation politique où militent des dizaines de milliers de personnes, rien que parce que quelques individus ont décidé de porter plainte.

Et au plan politique?
Ceux qui pensent que Djaballah va cesser toute activité politique se trompent. J’ai participé à l’éveil du courant islamique en Algérie. Je ne suis pas un parvenu de la politique dans ce pays. J’ai une longue expérience de militantisme dans la clandestinité.
Et ce n’est pas une décision de justice qui m’empêchera de lutter pour mes idées. Je ne suis pas né avec l’ouverture démocratique. J’ai existé avant, j’existe pendant et je continuerai à exister après la démocratie.
Quelle que soit l’injustice dont je suis victime, je ne cesserai jamais de militer. Je vous assure que cette pression qu’on exerce sur le mouvement El Islah, loin de l’étouffer va le renforcer auprès de la société.
Ils veulent nous effacer de la scène nationale, mais c’est l’effet contraire qu’ils vont avoir.

Saïd BOUCETTA