Ghaza,Champs-Elysées, le spectacle continue

Ghaza,Champs-Elysées, le spectacle continue

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 15 juillet 2014

Quel point commun existe-t-il entre le défilé militaire français du 14 Juillet sur les Champs-Elysées et le massacre des Palestiniens à Ghaza ? Aucun à priori si ce n’est que les deux sont devenus des spectacles grandeur nature. Si pour le défilé français le spectacle est un rendez-vous annuel de plus en plus apprécié par Paris pour montrer ses muscles militaires et son arsenal de guerre à exporter en Afrique, la guerre contre les civils palestiniens est devenue une sorte de divertissement, un écran géant de cinéma ou une scène de théâtre avec la mort et la destruction d’une ville en live et comme bonus une entrée gratuite.

Alors que des civils palestiniens meurent chaque jour sous les bombardements, à échelle industrielle, de l’aviation sur la bande de Ghaza, les civils israéliens, eux, s’installent pop-corn et fauteuils en plein air à Sderot pour assister au spectacle pyrotechnique que leur offre Tsahal. L’information a été rapportée par le quotidien danois Kristeligt Dagblad qui raconte, dans sa version du 11 juillet, qu’une cinquantaine d’Israéliens se sont rassemblés dans ce lieu qui offre un point de vue sur la bande de Ghaza et qui se transforme «en une sorte de fête». Le journal rapporte également les propos de certains spectateurs contents d’être sur place. «C’est super d’être ici. Tu peux sentir le tonnerre et voir les roquettes. C’est une quête de sensations fortes», dira cynique l’un d’eux. Ou encore on pouvait entendre des discours triomphalistes comme ceux tenus par un jeune Américain de 22 ans installé en Israël qui ajoutera que «nous sommes ici pour regarder Israël détruire le Hamas».

Cela ne s’invente pas et l’exemple de Sderot est loin d’être un cas particulier. Ce massacre à ciel ouvert, qui perpétue le génocide du peuple palestinien, s’installe dans la durée à l’image de toutes les campagnes militaires israéliennes contre les Arabes, le tout sous le regard bienveillant de l’Occident et du silence complice des régimes arabes, malgré tous les communiqués de dénonciation rédigés entre deux boureks. Pendant ce temps-là, on célèbre en France le centenaire de la Première Guerre mondiale sur fond d’une polémique algérienne. Une participation au défilé quoique symbolique avec la présence de trois uniformes algériens accompagnés d’un ministre de la République.

Si la délégation officielle algérienne à ce rendez-vous a aiguisé le refus de certains qui y voient comme un enterrement définitif de la demande du repentir français, la présence de Youcef Yousfi, le ministre de l’Energie, ne saurait passer inaperçue. Le choix d’un tel portefeuille est en lui-même énigmatique puisqu’on aurait pu envoyer un autre ministre à sa place. N’importe lequel.

D’aucuns feront vite le lien avec le dossier du gaz de schiste et la dernière visite de Fabius en Algérie. Alors discutera-t-on du futur des énergies non conventionnelles entre Alger et Paris en marge des fanfares militaires ? Loin, très loin du faste parisien, des Israéliens zappent entre les Champs-Elysées et la bande de Ghaza.