Une diplomatie algérienne «confidentielle» sans impact

Une diplomatie algérienne «confidentielle» sans impact

El Watan, 8 août 2014

1967. Houari Boumediene ironise : «Palestine, victime ou agresseur, l’Algérie est avec elle». Août 2014 : Alger demande à ce que l’Assemblée générale des Nations unies se réunisse de manière urgente. Lundi, à Téhéran, les Affaires étrangères ont envoyé leur secrétaire général, Abdelhamid Senouci Bereski, à la session urgente du Comité du mouvement des pays non-alignés sur la Palestine.

Quelques jours plus tôt, Abdelaziz Bouteflika décidait de donner 25 millions de dollars à Ghaza. Est-ce que cela peut suffire pour peser sur la scène internationale ? «Même si son influence a diminué depuis les années 90 — Mahmoud Abbas n’est pas venu chez nous depuis plus de dix ans et nous n’avons aucune relation avec le Hamas — l’Algérie aurait les moyens de faire pression sur l’Egypte, estime le politologue Ahmed Adimi. Malheureusement, à l’image de ce qui s’est passé avec le Mali et la Libye, Alger n’est pas assez active.»

C’est aussi l’avis de l’ancien diplomate Kamel Bouchama, qui considère que donner de l’argent, comme l’a fait le Président, n’est pas «suffisant». «Dans les années 70, l’Algérie ne ratait pas une occasion de mettre sur la table le dossier palestinien !, se souvient-il. La diplomatie algérienne aurait dû, dès le premier jour des bombardements, envoyer des délégations dans différents pays, en particulier les plus sensibles à la cause, ceux qui ont qualifié Israël de pays terroriste et les rallier à un seul mouvement.»

Face aux critiques, Ramtane Lamamra se défend : «L’Algérie a appelé les pays amis et frères à prendre des positions à même d’amener Israël à cesser son agression barbare contre la bande de Ghaza» et que si cette diplomatie travaille sous le sceau de la confidentialité, «cela ne veut nullement dire qu’elle s’est détachée de la cause palestinienne».

Un cadre proche des Affaires étrangères met en doute cette stratégie : «Nous ne sommes pas en train de libérer des otages ! Nous n’avons aucun intérêt à ce que notre travail soit secret. Alger a toutes les cartes en main (pétrole et gaz, coopération sécuritaire, accords économiques) pour faire pression sur l’Egypte, le Qatar ou encore l’Arabie Saoudite, mais concrètement elle ne fait rien. La preuve : il n’y a aucun résultat de sa soi-disant diplomatie de coulisses.»
Tarik Larbi


25 millions de dollars pour Ghaza : l’action inédite d’Alger

El Watan, 8 août 2014

Le don de l’Algérie pour Ghaza, d’un montant de 25 millions de dollars, est un acte inédit dans les relations historiques avec la Palestine. D’abord, parce que les contributions numéraires d’Alger sont dirigées vers le soutien au fonctionnement de l’administration de l’Autorité palestinienne et la Ligue arabe, pour aider Ramallah à boucler ses fins de mois difficiles en tant qu’Etat, asphyxié par Israël.

Une caisse a été créée en ce sens, donc regroupant les contributions annuelles des pays de la Ligue arabe, d’institutions internationales et de pays occidentaux (UE par exemple). Au sein de la Ligue arabe, l’Algérie aux côtés des Emirats arabes unis et du sultanat d’Oman s’acquitte régulièrement de ses contributions financières au profit du Fonds de soutien du budget de l’Autorité palestinienne, contrairement aux autres membres de cette Ligue.

Ses contributions s’accompagnent également d’autres participations dans le cadre, par exemple, des conférences de donateurs pour l’Autorité palestinienne : 10 millions de dollars déjà à l’occasion de la conférence des donateurs à Paris en 2008, chèque signé par Alger, en plus des 52,8 millions de dollars de contribution au Fonds de soutien palestinien lors du sommet arabe de Damas. On peut également citer d’autres contributions algériennes, comme la participation au financement pour la réalisation d’une usine de dessalement de l’eau de mer à Ghaza annoncée en 2013.

«Ce dernier don de 25 millions de dollars est inédit aussi parce qu’Alger ne traite officiellement qu’avec l’Etat palestinien représenté par l’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas, explique un diplomate. Avant novembre 1988 et l’instauration d’un Etat palestinien à Alger, nous avions des relations avec toutes les factions, mais ensuite le principe de l’Algérie était de traiter avec l’Etat.»

«En fait, il est exceptionnel qu’une aide financière algérienne soit octroyée à une autre partie que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, mais la situation d’urgence est telle qu’Alger ne pouvait pas faire autrement», explique un autre diplomate algérien. La question est de savoir comment ce don arrivera à Ghaza. Le ministère des Affaires étrangères égyptien a, en mai dernier, envoyé une note au MAE algérien pour stipuler que chaque don au profit des Palestiniens passe d’abord par la case Caire. «Sinon, d’autres voies sont possibles par des virements dans des pays tiers, avance le diplomate, comme la Turquie par exemple.»
Adlène Meddi