Israël veut judaïser El Qods

L’implantation de colonies juives dans la ville sainte s’accélère

Israël veut judaïser El Qods

Ghaza, De notre correspondant, El Watan, 18 novembre 2014

Après sa sauvage agression contre la bande de Ghaza l’été dernier, Israël concentre ses efforts, depuis plusieurs semaines sur la ville sainte d’El Qods, qu’il a annexée en 1967, soit la même année de son occupation. L’Etat hébreu veut à tout prix garder la ville-symbole palestinienne, prétendant qu’elle fait partie de Jérusalem, sa capitale unifiée. Son arme préférée, la judaïsation de la ville par plus de confiscation de terres, de biens, de destruction de maisons de citoyens palestiniens autochtones et d’exils forcés d’individus.

Comme le prouvent les événements de ces derniers jours, Israël agit aussi en multipliant la construction de colonies juives, particulièrement dans les quartiers arabes de la ville. Mais le gouvernement israélien actuel et tous ceux qui l’ont précédé savent pertinemment que les Palestiniens ne voient pas leur futur Etat indépendant amputé de la ville sainte. Mieux, ils considèrent déjà El Qods comme étant leur capitale. Cette question – et malgré tous les différends apparus sur la scène politique palestinienne – bénéficie d’un large consensus entre les Palestiniens. Le dossier d’El Qods fait même l’unanimité.

La déclaration du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, un des chefs de l’extrême droite, faite dimanche à Jérusalem-Ouest, lors de sa rencontre avec son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, dans laquelle il rappelle le refus d’Israël de limiter la construction dans la ville sainte d’El Qods, a représenté une nouvelle gifle donnée à la communauté internationale qui considère la ville sainte comme un territoire palestinien occupé. Cela au même titre d’ailleurs que le reste de la Cisjordanie.

Imposer une nouvelle réalité

La position d’Israël est donc claire : aucune concession ne sera faite sur ce sujet aux Palestiniens, quitte à faire durer le conflit éternellement. D’ailleurs la tension dans la ville sainte ne cesse d’augmenter et l’atmosphère qui y sévit actuellement est comparable à celle qui prévalait lors de l’Intifada d’El Aqsa, la contestation populaire déclenchée en septembre 2000 par une visite provocatrice sur l’esplanade des mosquées où se trouve El Aqsa, troisième lieu saint de l’islam, d’un certain Ariel Sharon. Celui-ci était alors chef de la droite israélienne.

Depuis quelques semaines, les profanations, faites par des extrémistes juifs et des forces armées coloniales israéliennes de ces lieux sacrés pour les musulmans du monde entier, sont régulières. L’arrière-pensée de ces agissements n’est pas difficile à comprendre, le but d’Israël est de créer une nouvelle réalité dans ces lieux-symboles. Comment ? En obtenant le droit de prière à l’instar des musulmans… Une première étape, sans doute, avant l’édification d’un troisième temple juif sur les décombres de la mosquée Al Aqsa. Sur le terrain, la tension de ces derniers jours s’est traduite par des affrontements et des heurts quotidiens entre de jeunes Palestiniens de la ville sainte et les forces de l’armée coloniale israélienne.

Assassinats et répression

Les renforts considérables déployés dans la ville et sa banlieue et l’utilisation de la force excessive contre les manifestants désarmés n’ont toutefois pas réussi à vaincre la détermination des Palestiniens. Ils refusent de se cacher chez eux pendant qu’Israël avale leur ville, morceau après morceau. Les Palestiniens jurent de défendre leur ville par tous les moyens dont ils disposent. Pour El Qods, ils sont mêmes prêts à sacrifier leur vie. Ainsi, pas moins de 17 Palestiniens, tous des jeunes, ont été tués par l’armée israélienne dans la ville sainte depuis le mois de juin.

Des centaines d’autres ont été arrêtés au cours de la même période. La colère palestinienne ne s’est pas limitée à la seule Cisjordanie occupée. Elle a gagné aussi des agglomérations arabo-israéliennes. Là aussi, les manifestations dénonçant les mesures israéliennes visant à judaïser El Qods ont été durement réprimées, bien que les manifestants soient des citoyens porteurs de la nationalité israélienne. D’ailleurs un jeune Israélien de 22 ans d’origine palestinienne a été froidement abattu par un policier israélien la semaine dernière.

Abandonnés par la communauté internationale et n’ayant aucun moyen de se défendre, les Palestiniens ont répondu, de leur côté, par une série d’attaques à la voiture-bélier et au couteau contre des soldats et des colons israéliens, tuant et blessant plus d’une quinzaine d’entre eux, durant les trois dernières semaines. Ces attentats n’ont toutefois pas été revendiqués par les factions palestiniennes. A l’évidence, les auteurs de ces attaques ne sont pas structurés. Il s’agit manifestement d’une réponse de jeunes excédés par les manœuvres et agressions israéliennes.

Cette situation a, en tout cas, convaincu la direction palestinienne de l’urgence de s’adresser à l’ONU pour mettre fin à l’occupation par Israël de ses territoires. Une occupation jugée illégale par la communauté internationale depuis des lustres. Une session du Conseil de sécurité devrait se tenir avant la fin du mois pour prendre une décision sur le sujet. Washington, privilégiant encore des négociations de paix directes entre Israéliens et Palestiniens y a émis son objection. Pourtant, le procédé de la négociation a (dé)montré ses limites ces 20 dernières années pour la bonne et simple raison qu’Israël ne veut pas de la paix.
Fares Chahine