Six harraga algériens disparus en Tunisie

Ils ont pris le large le 24 mai dernier depuis Annaba

Six harraga algériens disparus en Tunisie

El Watan, 27 juin 2007

Fayçal (25 ans), Seif Eddine (20 ans), Karim (32 ans), Ouahid (26 ans), Ali (23 ans) et Mounir (28 ans). Six harraga, tous originaires d’Annaba, dont les familles sont sans nouvelles depuis le 24 mai dernier.

C’est un père affligé mais ô combien courageux, en l’occurrence le père de Sabouni Fayçal, l’un des harraga, qui est venu nous voir à la rédaction pour réclamer des autorités tunisiennes d’intensifier les recherches et de donner les informations qui seraient à leur disposition au sujet de ces jeunes. « Ils ont pris le large à sept depuis la plage de Sidi Salem, à Annaba », raconte Boubekeur Sabouni. « Le 29 mai, vers 22h, j’ai reçu un coup de fil du jeune Mounir qui était avec eux. Il a lancé un SOS depuis son portable en précisant que la barque était en panne en pleine mer. Le lendemain, à 1h15, la barque a été retrouvée par un pêcheur au large des côtes tunisiennes, près d’El Houaria. Des sept passagers, il n’y avait que le dénommé Hadef Riad. Il était malheureusement sans vie. Quant aux six autres, c’est le mystère total. Ils ont tout bonnement disparu. Il y avait en outre dans l’embarcation quelques effets vestimentaires, trois portables et deux jerrycans vides. Le moteur de la barque était arraché », ajoute le père du jeune Fayçal. Et de poursuivre, le cœur lacéré : « Je me suis déplacé en Tunisie avec d’autres proches des jeunes disparus. Nous avons récupéré le corps du regretté Riad, que Dieu ait son âme. J’ai personnellement été voir les gardes-côtes tunisiens pour avoir des explications. Ils m’ont signifié que les jeunes se seraient jetés à la mer et qu’ils auraient été emportés par les courants marins. Comment cela peut-il arriver ? C’est impossible. Je suis secouriste de métier. Je sais d’expérience que si un corps est noyé, au bout de quatre heures, la vésicule biliaire éclate et le corps enfle comme un chambre à air avant de remonter à la surface. Même à supposer que l’un des corps ait été emporté par la mer, les six ne peuvent pas tous s’être volatilisés, à moins qu’ils ne se soient enchaînés les uns aux autres. Pour autant que je sache, il n’y a pas de requins en Méditerranée. » M.Sabouni affirme qu’il y avait deux autres barques qui s’étaient fourvoyées au large des côtes tunisiennes, et qui avaient été secourues par un navire battant pavillon hollandais. « Il y avait en tout 16 harraga dans les deux barques. Ils ont aussitôt alerté les gardes-côtes tunisiens quant à la 3e barque où se trouvait mon fils, mais les gardes-côtes n’avaient pas pris cette information au sérieux », soutient-il. Pour appuyer sa requête, M. Sabouni a saisi notre consulat à Tunis. De retour en Algérie, il a saisi le ministère des Affaires étrangères ainsi que la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme. « Jusqu’à présent, nous sommes sans nouvelles. Nous demandons instamment aux autorités tunisiennes de nous dire la vérité sur nos enfants. S’ils sont emprisonnés quelque part, qu’on nous le dise », implore-t-il. Fayçal, le fils de M. Sabouni, a tout juste 25 ans. « Il a passé son service militaire, après, il s’est retrouvé au chômage. Tous ces garçons étaient au chômage. Digoutaou. C’est cela qui les a poussés dans cette voie. Ils ont amassé 70 millions en faisant de petites bricoles et ont acheté une barque », confie M. Sabouni, avant de s’écrier : « Moi, j’exige que la mafia qui exploite la détresse de nos enfants soit punie. Il faut mettre un terme à ce drame qui endeuille des centaines de familles. » L’avertissement est à prendre très au sérieux en cette période où les candidats à la harga profitent d’une météo favorable pour multiplier les tentatives d’émigration par mer.

M. B.