Emigration clandestine : Alger surveille ses frontières

Emigration clandestine : Alger surveille ses frontières

par Ali Babès, Le Quotidien d’Oran, 8 juillet 2008

La lutte contre l’émigration clandestine, le trafic de drogue et la criminalité transfrontalière reste une des grandes priorités des services de sécurité algériens.

Au milieu de cette guerre contre le banditisme et le terrorisme, il y a surtout la lutte contre l’immigration clandestine et les réseaux alimentant ce vaste trafic, très lucratif pour les nouveaux barons de la traite humaine. La lutte contre l’émigration clandestine est ainsi au centre des préoccupations des services de sécurité algériens, particulièrement la police des frontières qui vient d’être dotée d’une troisième brigade.

C’est le directeur général de la Sûreté nationale en personne, M. Ali Tounsi, qui a inauguré hier dimanche la brigade régionale de recherches et de lutte contre l’émigration clandestine, implantée dans la ville frontalière de Maghnia. Le choix de cette ville pour abriter la troisième brigade nationale de lutte contre l’émigration clandestine est tout un symbole. D’abord Maghnia, de par sa proximité avec la ville de l’Oriental marocain, Oujda, attire des milliers d’émigrants d’origine subsaharienne, en route depuis leurs pays d’origine vers l’eldorado européen. Le tracé est simple: après Maghnia et sa périphérie, ces Subsahariens atterrissent inévitablement près d’Oujda, d’où ils rallient les forêts surplombant la ville de Nador, très proche de l’enclave espagnole de Melilla.

L’Algérie, qui a fait de la lutte contre l’émigration clandestine une priorité, compte cependant que son approche globale de ce phénomène socio-économique et culturel soit également adoptée et comprise par les autres pays concernés par ce fléau, autant ceux de transit que les pays cibles (Espagne, France, Italie notamment). Car si Alger est disposé à lutter contre l’émigration clandestine, il n’en demeure pas moins que la question est générale et concerne tous les pays cibles et de transit. Or, jusqu’à présent, les pays européens, particulièrement l’Espagne, ont musclé leurs défenses et la fermeture de leurs frontières avec des moyens hyper sophistiqués de surveillance et de lutte par mer, air et terre de ses frontières. Entre ses deux enclaves de Melilla et Ceuta, pas un seul pouce de terrain n’est à l’abri du plus draconien des systèmes de surveillance. Il en va de même pour l’Italie, alors que la France a tout simplement érigé un mur administratif pour se prémunir contre l’émigration clandestine.

Des milliards d’euros ont été ainsi dépensés par les pays du nord de la Méditerranée dans la lutte contre la migration de Subsahariens vers l’Europe, mais n’ont accordé que des miettes à des pays comme le Maroc pour faire le gendarme. Un rôle de gendarme au pied de la forteresse européenne refusé en 2006 par nombre de pays africains, dont l’Algérie, qui a refusé d’être associée à une entreprise hasardeuse visant à boucler les frontières européennes aux Africains, chassés de leurs pays par la misère et la pauvreté.

Le problème est global, et l’Algérie entend bien qu’il le soit, d’autant que le phénomène est le résultat direct du partage inégal et le transfert illégal des richesses de l’Afrique vers l’Europe, autant pour les matières premières que pour les investissements «hirondelles».

Par ailleurs, la lutte contre l’émigration clandestine en Algérie est superposée à celle contre le banditisme, le trafic en tout genre et les réseaux de passeurs qui pullulent dans les régions frontalières. C’est, de ce point de vue, une mesure salutaire prise par les autorités algériennes pour sécuriser de grandes régions, autant au sein du territoire national que pour d’autres parties des pays maghrébins. Une initiative qui met, par ailleurs, un terme à certaines affirmations selon lesquelles Alger «ferme les yeux» sur le phénomène de l’émigration clandestine. Les prérogatives de la brigade de Maghnia sont ainsi importantes: ses activités couvrent le territoire de cinq wilayas (Tlemcen, Aïn Témouchent, Sidi Bel-Abbès, Nâama et Saïda) s’étendant sur 440 km de frontières terrestres et 150 km de frontières maritimes, soit une superficie totale de 47.656 km carrés. Ses missions sont notamment l’investigation, la recherche, la localisation et le démantèlement des filières d’émigration clandestine. Selon un exposé présenté par les services concernés devant le DGSN, cette brigade est chargée de lutter contre «ce fléau qui est derrière les affaires de contrebande et du trafic des stupéfiants». La brigade de Maghnia est la troisième du genre au niveau national, après celles construites en 2007 à Djanet (opérationnelle) et Souk Ahras, dont le personnel se trouve en formation. Le DGSN a également inauguré le nouveau siège de la police des frontières, qui chapeaute notamment les postes frontaliers avec le Maroc de Akid Lotfi et Boukanoun.