Que reste-t-il de l’Union maghrébine ?

Vingt-huit ans après l’acte fondateur de l’organisation à Marrakech

Que reste-t-il de l’Union maghrébine ?

Liberté, 18 février 2017

Fondée à la fin des années 80 dans l’euphorie d’un rapprochement historique jamais réalisé entre les cinq pays du Grand Maghreb, ce qui devait être l’Union du Maghreb arabe apparaît aujourd’hui plus comme une éternelle chimère derrière laquelle les États de la région donnent l’impression de courir sans jamais l’atteindre.
Le projet, abandonné dans les faits, continue pourtant d’exister en tant que tel, dans les traditionnelles déclarations des dirigeants à l’occasion, notamment de l’anniversaire de la création de cet ensemble régional, censé donner une assise historique à la construction d’une véritable union maghrébine. En l’absence de toute activité, durant l’année, des instances qui composent l’appareil mis en place par les cinq pays concernés, la date anniversaire, comme c’est le cas aujourd’hui, reste le seul moment où le sujet est évoqué, donnant lieu à des discours et autres déclarations louant le projet et, comble de l’ironie, à un échange de félicitations entre membres. Mais que reste-il réellement de la réunion historique des cinq chefs d’État maghrébins à Zéralda, le 10 juin 1988, ou du sommet de Marrakech qui a signé l’acte fondateur de l’union ? 28 ans après la signature, le 17 février 1989 dans cette ville marocaine, du Traité constitutif de l’UMA, il faut se rendre à l’évidence que la construction maghrébine tant espérée par les populations de la région apparaît aujourd’hui comme un objectif dont la réalisation relève de l’utopie.
En plus de la paralysie qui caractérise les instances de l’Union, aucune initiative n’a été entreprise par ses membres pour tenter de ranimer un corps mort-né qui, en fin de compte, ne semble pas intéresser grand monde. Sinon comment expliquer qu’aucun sommet de l’Union n’ait été organisé depuis 23 ans, c’est-à-dire depuis la rencontre de Tunis début avril 1994 ?
Pourtant, durant ses premières années de rodage, l’UMA, faut-il le rappeler, avait vécu une activité pour le moins intense, avec la tenue de pas moins de six sommets de chefs d’État dans différents pays membres, en l’espace de seulement 5 ans. En effet, le premier sommet organisé après l’acte fondateur de Marrakech a été accueilli par la capitale tunisienne du 21 au 23 janvier 1990, suivi, ensuite par Alger du 21 au 23 juillet 1990, Ras Lanouf (Libye) les 10 et 11 mars 1991, Casablanca (Maroc) les 15 et 16 septembre 1991, Nouakchott les 10 et 11 novembre 1992 et, enfin, et de nouveau Tunis les 2 et 3 avril 1994. Mais, depuis, les ressorts semblent cassés et le projet vire à l’Arlésienne prenant en otage les aspirations des peuples du Grand Maghreb à appréhender l’avenir de façon commune, comme l’a été leur riche et longue histoire.
Aujourd’hui, le problème se pose au niveau de la volonté politique de ses membres de concrétiser un projet dont il est pourtant attendu d’immenses bénéfices pour leurs économies respectives. Dans ce domaine, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les experts évaluent les pertes financières annuelles provoquées par le faible taux d’échanges commerciaux entre les pays de l’Union à quelque 100 milliards d’euros, outre la perte de postes d’emploi et le ralentissement du rythme de croissance pour les uns et les autres. Mais les dirigeants de la région ont visiblement d’autres chats à fouetter que de contribuer à construire un avenir meilleur pour leurs peuples respectifs qui restent, pourtant, à jamais liés par une riche et intense histoire.

Hamid Saïdani