Les réseaux contre la transition

Les réseaux contre la transition

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 13 novembre 2013

Le dialogue national en Tunisie est en suspens faute d’accord sur le nom d’un Premier ministre, les djihadistes, eux, ne suspendent pas leurs activités et tendent à les étendre. Dans la partie saharienne, les responsables tunisiens tentent de se prémunir de l’envahissant chaos libyen. L’état d’urgence, en vigueur depuis la chute de Ben Ali, a été prolongé de huit mois et la circulation au niveau de la zone «militaire tampon» instituée au sud du pays était soumise à une «autorisation préalable».

Les contrôles sécuritaires deviennent plus étendus en riposte à un terrorisme qui n’est plus localisé au mont Chaambi. Il s’est rapproché de la capitale et a même ciblé des sites touristiques avec une intention claire de s’attaquer à l’activité, vitale, du tourisme. Avec un contexte économique délicat, le comportement de la classe politique tunisienne paraît déroutant voire irresponsable. D’autant que la crise politique, elle-même, découle d’actes terroristes qui ont ciblé des hommes politiques et la transition politique. Cette crise semble durer, au-delà de ce qui est nécessaire, uniquement parce que l’une des parties veut obtenir une «victoire» tandis que la troïka au pouvoir soupçonne les opposants de vouloir créer un vide pour éviter de clôturer la transition par des élections donnant des institutions pérennes. Cela est indéniable. Au moins pour une partie de l’opposition qui «sait» qu’aujourd’hui sa présence politico-médiatique n’est pas conforme à son poids électoral réel.

Il faut au patron de l’UGTT, dont certains dirigeants penchent vers cette opposition qui fait de l’obstruction systématique, beaucoup de persévérance pour maintenir à flot ce dialogue national. Il sait que cela est une nécessité vitale pour la Tunisie. Mais il est difficile de ne pas comprendre que les dirigeants en place refusent de créer une situation de vide et de renoncer à tout ce qui a été accompli. La Tunisie ne peut pas se le permettre. Pas question, a déclaré Moncef Marzouki, de retarder les échéances, il faut se préparer à aller aux élections, au plus tard en avril et se doter d’institutions légitimes et pérennes. Le pays a besoin de se remettre en marche et non pas à revenir en arrière. La Tunisie n’a rien à gagner à mettre en place un gouvernement «apolitique» qui durera plus longtemps qu’il faut pour organiser les élections et terminer la transition. La situation présente avec le terrorisme et les velléités des appareils policiers de refaire une intrusion musclée dans la politique commande qu’il y a un gouvernement à la légitimité indubitable. Et cela ne peut venir que des urnes. La stabilité de la Tunisie en dépend. Le président tunisien a d’ailleurs fermé la route à l’aventurisme : «l’Assemblée constituante transmettra ses pouvoirs au nouveau Parlement élu et moi je ne remettrai les clés de Carthage qu’à un président démocratiquement élu. Que cela plaise ou non, ce sont des principes non négociables». Il est difficile de ne pas envisager des interférences extérieures se combinant avec l’action de forces internes pour créer une dangereuse situation de blocage. Pour Moncef Marzouki, ce sont les «réseaux de l’ère Ben Ali derrière lesquels il y a beaucoup d’argent» et aussi des «puissances arabes qui ne veulent pas que la transition démocratique réussisse en Tunisie». Et pour éviter que la presse tunisienne – terrible, cette presse – ne détourne ses propos comme elle l’a souvent fait, Marzouki a précisé : «Nous entretenons d’excellents rapports avec l’Algérie et la Libye, mais je soupçonne fortement des facteurs exogènes à la région».