Sommet arabe: La Jordanie fait la polémique

Réunion préparatoire du sommet arabe

La Jordanie fait la polémique

Par Rédaction Liberté, 19 mars 2005

Les premières réunions préparatoires du Sommet des chefs d’État arabes prévu les 22 et 23 mars, qui ont commencé mercredi dernier, se sont achevées jeudi soir. Celle des délégués permanents auprès de Ligue arabe a clos ses travaux par l’adoption du communiqué final qui sera soumis aujourd’hui aux ministres arabes des Affaires étrangères puis aux chefs d’État mardi et mercredi prochains. Les délégués arabes ont également adopté l’ordre du jour “sans changements ni rajouts”, selon le secrétaire général de l’Organisation panarabe, Amr Moussa. Outre les réformes et le développement dans le monde arabe et de la Ligue arabe, plusieurs questions seront abordées lors de ce sommet, notamment le conflit israélo-arabe, la situation en Palestine, les questions irakienne, soudanaise et somalienne ainsi que les derniers développements survenus au Liban. Même si Amr Moussa a qualifié les discussions des délégués permanents auprès de l’organisation panarabe d’“objectives”, des divergences sont apparues lors des débats sur le dossier du Proche-Orient et l’initiative de paix arabe adoptée lors du sommet de Beyrouth en 2002. Une proposition de la Jordanie, qui souhaite une reformulation de cette initiative a entraîné une levée de boucliers de la part de nombreux délégués. Le sommet de Beyrouth avait adopté une initiative saoudienne offrant à Israël la paix et la sécurité en échange de son retrait des territoires occupés. Or, la proposition jordanienne fait l’impasse sur les détails de cette initiative, selon des sources diplomatiques proches de la réunion. La proposition jordanienne ne conditionne pas une éventuelle offre de paix collective des Arabes avec Israël par son retrait, d’abord, de ces territoires. Le délégué palestinien a rejeté catégoriquement cette proposition. Le secrétaire général de la Ligue arabe a affirmé de son côté à la presse qu’“il n’existe aucune nouvelle initiative mais un projet de résolution proposé par la Jordanie qui souhaite reformuler l’initiative de paix arabe”. Devant la polémique soulevée par cette proposition, la Ligue arabe a présenté, au cours de la réunion des délégués permanents, un projet de résolution largement inspiré de l’initiative de paix arabe.
La proposition de la Ligue et celle de la Jordanie seront soumises aujourd’hui aux ministres des Affaires étrangères. De leur côté, les ministres arabes de l’économie, réunis jeudi dans le cadre du Conseil économique et social (CES) arabe ont adopté les principales propositions formulées la veille par les experts de ce conseil.
Les ministres ont notamment entériné la proposition de “la dynamisation” de la grande zone arabe de libre-échange en vue de favoriser le commerce interarabe de produits agricoles et industriels par la levée des barrières tarifaires et non tarifaires pour mettre sur pied une union douanière arabe. La grande zone arabe de libre-échange, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, regroupe 17 pays membres de la Ligue arabe. Cinq pays membres de l’Organisation panarabe, à savoir l’Algérie, la Mauritanie, la Somalie, Djibouti et les Comores, n’y ont pas encore adhéré.
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Sommet de la Ligue arabe à Alger
Menace de défection libyenne et saoudienne
Par Samia Lokmane Lu (323 fois)

Des sources diplomatiques à Tripoli font état du probable boycott du sommet par le dirigeant libyen. Le prince Abdellah Ibn Abdelaziz Al-Saoud brandit la même menace.

La venue mardi dernier à Alger de Ahmed Kaddaf El-Dem, envoyé spécial du chef de l’État libyen, Mouammar Kadhafi, est intrigante dans la mesure où rien n’a filtré sur les motifs de son déplacement, ni sur le contenu du message qu’il a remis à son hôte, le président Abdelaziz Bouteflika. Intervenant à une semaine du Sommet de la ligue arabe qu’abrite notre pays les 22 et 23 mars, cette visite est de nature à entretenir le doute sur la présence du guide de la révolution verte à la messe des chefs d’État arabes.
Sa conduite imprévisible et ses inénarrables coups d’éclat font qu’il risque à tout moment de faire faux bond à son homologue algérien et de boycotter le Sommet d’Alger. S’il exécute sa décision, Kadhafi n’aura pas de peine à justifier sa défection par le refus de s’asseoir à la même table que Abdallah Ibn Abdelaziz Al-Saoud, demi-frère du roi Fahd et régent du royaume d’Arabie Saoudite.
Entre Riyad et Tripoli, rien ne va plus depuis que les Al-Saoud ont accusé le guide de la révolution libyenne de vouloir les déloger du trône. Offusqué, Kadhafi a vivement répliqué en coupant les relations de son pays avec l’Arabie saoudite. Le seul fait de se trouver en compagnie de ses dirigeants le rebute. Aussi après avoir consenti “un sacrifice” en acceptant l’invitation de Bouteflika, soupèse-t-il sa décision. Les hésitations du chef d’état libyen étaient au cœur du message que son émissaire a remis mardi dernier au président de la République. Voilà ce qui explique le voyage de ce dernier à Alger.
Cependant, en dépit des assurances du locataire d’El-Mouradia, rien ne dit que Kadhafi honorera le sommet. “Avec lui, on peut s’attendre à tout”, confient des sources diplomatiques. En mai dernier, il avait quitté le sommet arabe de Tunis en plein travaux sous prétexte qu’il n’était pas d’accord avec l’ordre du jour. Pis, il trouvait la ligue “inutile” et n’y a participé que “pour faire plaisir au président Zine El-Abidine Ben Ali”. Quelques mois plus tôt, il avait boycotté le sommet des chefs d’État de l’Union du maghreb arabe (UMA) à cause du différend l’opposant à la Mauritanie, qui le soupçonne aussi de vouloir renverser le régime maâouiya. En somme, Kadhafi n’en est pas à ses premières frasques. Il est amateur de feuilletons à rebondissements, comme le montre cette indiscrétion pas tout à fait innocente d’un diplomate anonyme basé à Tripoli. Selon cette source citée hier par l’AFP, le dirigeant libyen “se dirige vers le boycott des travaux du sommet arabe” et “le président Bouteflika espère, à travers ses liens privilégiés avec Kadhafi, pouvoir le convaincre de revenir sur le boycott”. Le chef de l’État a initié la même démarche en direction des Saoudiens. Car à leur tour, ils menacent de renoncer au Sommet d’Alger. Mercredi dernier, Bouteflika a dépêché en urgence Abdelkader Bensalah, président du Sénat, à Riyad porteur d’un message au prince Abdellah Ben Abdelaziz. C’est la seconde fois, en moins d’un mois, que le chef du Conseil de la nation se rend en Arabie Saoudite.
Lors de son premier déplacement, il était porteur de l’invitation au sommet que le régent du royaume a acceptée immédiatement. Kadhafi était également enthousiaste à l’idée de prendre part à la rencontre d’Alger. Depuis, le vent semble avoir tourné, faisant voler en éclats l’ambition de Bouteflika de réconcilier les deux frères ennemis au cours même du sommet.