Zeidan appelle les Libyens à se rebeller contre les milices

Il avertit la population contre une intervention étrangère

Zeidan appelle les Libyens à se rebeller contre les milices

El Watan. 11 novembre 2013

Le Premier ministre libyen a rappelé que son pays était toujours sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui autorise la communauté internationale à prendre «les mesures nécessaires» pour la protection des civils.

Ali Zeidan, le Premier ministre libyen, est dans le désarroi le plus total. Ayant échoué à imposer son autorité, il a averti hier ses compatriotes contre une éventuelle intervention de forces d’occupation étrangères si l’anarchie persiste dans le pays. A travers ce discours désespéré, Ali Zeidan espère notamment rallier la population à sa cause face aux toutes puissantes milices armées créées en 2011, lors de la révolte contre Mouammar El Gueddafi et qui imposent aujourd’hui leur diktat à toute la société libyenne.

Ces milices surarmées, qui ont connu une dérive maffieuse au fil des mois et s’adonnent aux trafics de drogue et d’armes, sapent tous les efforts déployés jusqu’ici par le gouvernement libyen pour bâtir un Etat. «La communauté internationale ne peut pas tolérer un Etat, en pleine Méditerranée, qui est source de violences, de terrorisme et d’assassinats», a ainsi soutenu Ali Zeidan. Citant l’exemple irakien, il a mis en garde contre une «intervention de forces étrangères d’occupation» dans son pays en proie au chaos et où pullulent les armes. «L’Etat n’est pas encore construit, nous avons besoin de temps», a-t-il martelé afin de bien faire prendre conscience aux Libyens sur le caractère gravissime de la situation.

Le Premier ministre libyen a rappelé en outre que son pays était toujours sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui autorise la communauté internationale à prendre «les mesures nécessaires» pour la protection des civils. Cette résolution avait été adoptée en mars 2011, après le déclenchement de l’insurrection contre le régime de Mouammar El Gueddafi, et visait à protéger les civils contre les velléités de répression de la révolte par les forces loyales au dictateur déchu. Dénonçant les heurts qui ont éclaté jeudi soir en plein centre de Tripoli entre deux groupes lourdement armés, faisant deux morts et une trentaine de blessés, il a affirmé que cela avait donné «une mauvaise image du pays» à l’étranger.

Sachant qu’il n’a aucun moyen d’affronter seul les milices qui refusent toujours de déposer leurs armes, M. Zeidan a appelé par ailleurs la population à se rebeller contre elles, cela au risque de mener la Libye vers une guerre civile : «La population doit descendre dans la rue et soutenir la construction d’une armée et d’une police.»

Le Premier ministre libyen a exhorté les Libyens à manifester contre «des gens qui prennent en otage leur pain», allusion faite aux groupes armés qui bloquent des sites pétroliers depuis juillet dernier. Zeidan sera-t-il entendu ? Difficile à dire… Si la population est réellement lasse des exactions commises par les milices, il reste que tout le monde les redoute en raison de leur importante puissance de feu et de leur extrême cruauté. Mais dans le cas où son appel est suivi, l’affrontement entre la population et les milices risquera très certainement de tourner au bain de sang et de durer longtemps.

Explosion de violence et panne politique

L’appel à la mobilisation lancé par Ali Zeidan aux Libyens a aussi pour toile de fond une crise politique. Dans le cas libyen, il serait même plus adéquat de parler de panne politique. Une panne due essentiellement à l’incapacité du Congrès général national (CGN, parlement), élu en juillet 2012, de doter la Libye d’institutions et surtout de mener à terme la transition vers la démocratie tant réclamée par les Libyens. Justement, les Libyens n’en veulent apparemment plus.

A ce propos, des centaines de personnes se sont rassemblés samedi à Tripoli et dans d’autres villes du pays pour manifester contre une éventuelle prolongation du mandat du CGN qui doit s’achever dans près de deux mois. Ils ont répondu à l’appel du Mouvement du 9 Novembre lancé à l’initiative de jeunes à Benghazi, bastion de la révolte contre le régime de Mouammar El Gueddafi.

Après plus de 40 ans de dictature, les premières élections libres ont été organisées, rappelle-t-on, le 7 juillet 2012 pour choisir les 200 membres du CGN, la plus haute autorité politique de Libye. Ce Congrès avait pour mission initiale de conduire le pays, en 18 mois, à des élections générales qui devaient intervenir après la rédaction d’une Constitution. Selon ce calendrier fixé par une «déclaration constitutionnelle», sorte de Constitution provisoire rédigée par la rébellion, le mandat du CGN doit s’achever le 7 février prochain. Mais le CGN a laissé entendre récemment qu’il pourrait prolonger son mandat. Les autorités n’ont pas fixé encore de date pour l’élection des 60 membres d’une Assemblée constituante qui doit rédiger la Constitution libyenne.

A signaler que les initiateurs du Mouvement ont annulé une manifestation prévue à Benghazi pour éviter, selon eux, d’envenimer la situation dans cette ville en proie à une recrudescence de violences meurtrières. Le Mouvement propose notamment l’organisation d’un scrutin pour l’élection à la fois d’une Assemblée constituante et d’un nouveau Congrès qui serait composé d’indépendants. Il estime ainsi que le tiraillement politique et les luttes d’influence entre les courants politiques au sein du Congrès actuel l’empêchent de proposer une issue démocratique et pacifique à la crise. Selon eux, la démocratie est menacée aussi par le chaos qui règne toujours, deux ans après la chute du colonel El Gueddafi… qu’un certain nombre de Libyens commencent à regretter de plus en plus ouvertement.
Zine Cherfaoui