Après le carnage des sit-in, sanglant «vendredi de la colère» en Egypte

Après le carnage des sit-in, sanglant «vendredi de la colère» en Egypte

Sana Harb, Maghreb Emergent, 16 août 2013

Deux jours après le carnage des sit-in qui a fait officiellement 638 morts, l’Egypte a connu un « vendredi de la colère » sanglant : entre 70 et 90 morts, selon les sources, la plupart au Caire. Le pouvoir installé par l’armée affirme que l’armée, la police et le gouvernement font face à « complot terroriste malveillant » des Frères musulmans.

Deux jours après le carnage de la dispersion des places Nahda et Rabaa-Al-Adawiya qui ont fait, selon un bilan très partiel du ministère de la santé au moins 638 morts – les frères musulmans parlent de 2200 morts – les pro-Morsi ont manifesté pour le vendredi de la colère. Les forces de sécurité qui étaient fortement déployées depuis le matin ainsi que des blindés de l’armée n’ont pas dissuadés des milliers de manifestants de rallier la place Ramsès après la prière du vendredi. Les manifestants ont été dispersés à coup de gaz lacrymogènes et par des tirs réels, effectués parfois du haut des immeubles par des civils non-identifiés, les baltagueyas selon les pro-Morsi. Les décomptes, non officiels, des victimes vont de 70 à 90 morts et des dizaines de blessés. Des images, terribles, de morgues improvisées dans le centre du Caire, montraient un nombre important de cadavres. L’appel lancé par l’Alliance pour la défense de la légitimité qui avait appelé au « vendredi de la colère » a été entendu par des dizaines de milliers de personnes au Caire et dans de nombreux gouvernorats. Les mises en garde des autorités qui ont donné mandat aux forces de l’ordre de tirer à balles réelles contre les personnes « violentes » ont été sans effet. Les partisans de Mohamed Morsi sont sortis dans la rue malgré les risques encourus. Le carnage de sit-in n’a pas eu un effet paralysant sur les partisans, il semble avoir décuplé leur rage.

Appels politiques inaudibles

Les appels, devenues rares à la solution politique, sont devenus inaudibles. Mohamed El Baradei, qui a démissionné du gouvernement pour ne pas « continuer à assumer la responsabilité de décisions avec lesquelles je ne suis pas d’accord et dont je redoute les conséquences » est traité de tous les noms par les partis qui ont soutenu le coup d’Etat du 3 juillet. Le mouvement Tamarod a appelé à la mise en place de « comités populaires » qui, selon certains témoignages, mènent déjà la « chasse aux barbus ». Les médias égyptiens, totalement hostiles au Frères Musulmans, les traitent de terroristes. Le fossé entre les deux Egypte se fait béant à mesure que le nombre des victimes s’allonge. Place Ramsès où ils ont essuyé des tirs nourris, les manifestants scandaient : « Police, armée, mains sales » ou « Ministère de l’intérieur baltagui » ou « le peuple veut l’exécution du boucher ». Alors que le pouvoir égyptien a reçu l’appui du Roi d’Arabie Saoudite et de la Jordanie, les critiques s’aiguisent à l’extérieur à l’égard de la violence utilisée contre les manifestants. Les dirigeants des principaux pays européens ont entamé vendredi des consultations pour « porter un message européen fort » sur les événements en cours en Egypte. Les Frères Musulmans ont décidé de manifester « tous les jours ». De son côté, le pouvoir affirme faire face à un « complot terroriste » de l’organisation des Frères Musulmans.