Crise libyenne : Le gouvernement El Sarraj cible d’un coup d’Etat

Crise libyenne : Le gouvernement El Sarraj cible d’un coup d’Etat

El Watan, 16 octobre 2016

Le Premier ministre du gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez El Sarraj, n’est pas au bout de ses peines.

Acculé militairement à l’est par le maréchal Khalifa Haftar et engagé dans un long bras de fer avec la Chambre des représentants établie à Tobrouk qui refuse, à ce jour, d’accorder sa confiance à son cabinet, Fayez El Sarraj — sur lequel la communauté internationale fonde beaucoup d’espoirs pour stabiliser la Libye — a fait l’objet vendredi soir d’une tentative de coup d’Etat menée par de Khalifa Ghweil, son récalcitrant prédécesseur qui a toujours refusé de céder son poste.

Soutenus par certaines milices de la capitale, les partisans de Khalifa Ghweil se sont emparés assez rapidement de nombreux édifices publics-clés et d’une station de télévision. Ils n’ont pratiquement pas rencontré de résistance. Après avoir pris le contrôle du siège du Conseil d’Etat et de l’hôtel Rixos situé à proximité de la forêt Ennasr, dans le centre de Tripoli, les putschistes ont rendu publique une déclaration présentant leur coup d’Etat comme une «initiative historique pour sauver la Libye» et parlé de la mise en place d’un «gouvernement de salut national». Dans la foulée, Khalifa Ghweil — qui est visé par des sanctions européennes — a appelé ses anciens ministres à reprendre leurs postes et à considérer «comme suspendus de leurs fonctions» tous les responsables nommés par le GNA.

Grave crise

Le gouvernement d’union nationale, qui affronte pour ainsi dire sa plus grave crise depuis son installation le 12 mars 2016 a, de son côté, publié une contre-déclaration dans laquelle il a condamné la prise de possession du QG du Conseil d’Etat par «un groupe armé», dénonçant de nouvelles «tentatives pour saboter l’accord politique» parrainé par l’ONU. Fayez El Serraj a promis d’arrêter «les politiciens qui (…) tentent de créer des institutions parallèles et de déstabiliser la capitale».

L’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler, a également condamné, dans la matinée d’hier, l’initiative de Khalifa Ghweil. «De telles actions visent à créer des institutions parallèles et à entraver la mise en œuvre de l’accord politique en Libye», a estimé M. Kobler, mettant en garde contre plus de désordre et d’insécurité. Il a renouvelé son soutien au GNA pour gouverner la Libye.
Fayez El Sarraj arrivera-t-il à sortir de cette mauvaise passe ? Son sort paraît dépendre davantage de la fidélité des dizaines de milices qui contrôlent Tripoli. Si ses soutiens le lâchent, il risque de ne pas finir la semaine. Le talon d’Achille du GNA est qu’il bénéficie d’un soutien populaire plutôt tiède, surtout que son gouvernement n’a encore rien fait pour améliorer le quotidien des Libyens qui manquent pratiquement de tout. C’est la raison pour laquelle des diplomates de l’ONU, avec un fort soutien de Washington, de Londres et de l’Union européenne, veulent que le GNA devienne un «gouvernement d’unité».

Hier matin, des miliciens pro-putschistes dans des camionnettes équipées de mitrailleuses étaient postés autour du complexe Rixos. C’était la confusion dans la capitale libyenne. Malgré leur promesse d’appréhender les putschistes, les forces loyales au gouvernement d’union nationale semblaient, quant à elles, inexistantes sur le terrain. Il faut dire que Khalifa Ghweil et ses partisans ont mené leur putsch à un moment où le gouvernement de Fayez El Sarraj et les plus puissantes milices qui le soutiennent sont accaparés par la libération de Syrte, une ville tombée il y a deux ans entre les mains du groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (EI).

Le maréchal Khalifa Haftar avait également mis à profit cette vulnérabilité pour s’emparer, en septembre dernier, du «croissant pétrolier» libyen, coupant ainsi les vivres au GNA. C’est à croire que Haftar et Ghweil ont le même agenda, celui de faire tomber El Sarraj à tout prix.

Zine Cherfaoui