Silence arabe

Silence arabe

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 31 mai 2009

Les responsables arabes font preuve d’une apathie remarquable, alors que d’Israël des messages sans équivoque sont adressés : pas d’Etat palestinien, pas d’arrêt aux colonies et criminalisation des Arabes qui ne reconnaissent pas son « caractère juif ». Bien sûr, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a été accueilli à Washington où il a reçu l’appui verbal du président américain, Barack Obama. Le Premier ministre israélien, Netanyahu, et son ministre des Affaires étrangères, Lieberman, sont tellement les caricatures d’un sionisme raciste et expansionniste qu’il n’y avait aucun effort à faire pour le président américain pour paraître « distant » de Tel-Aviv.

Mais ceux qui, dans le monde arabe, en tirent la conclusion hâtive qu’un changement est en train de s’opérer dans l’attitude américaine se trompent lourdement. Il suffit d’entendre le nouveau refrain qui monte de Washington. Après avoir monopolisé pendant deux décennies le dossier du Proche-Orient, au détriment de l’ONU ou d’autres pôles comme l’Union européenne, les Américains laissent entendre qu’ils n’ont pas de solution mais qu’elle doit venir des acteurs de la région. Décodé en langage simple, cela veut dire qu’il ne faut guère attendre de voir Washington exercer des pressions sur Israël. C’est au-delà des capacités d’un président américain.

Le système américain est très puissamment travaillé par le lobby israélien et il saura entraver toute initiative en ce sens au cas où une telle idée « saugrenue » viendrait à la Maison-Blanche. Face à la grossièreté d’un Netanyahu, on choisira de diluer le «poison» – c’est le cas de le dire – dans des généralités en rendant tous les acteurs responsables de la situation. Mais ce qui continuera à être mis en avant, ce sera la « sécurité d’Israël ». Ce serait donc aux Etats arabes de « rassurer » un Etat nucléaire et agressif en le reconnaissant de jure, en ouvrant leurs frontières et en établissant des relations diplomatiques.

Plus de 400 élus de la chambre des Représentants et du Sénat américains ont adressé une lettre à Barack Obama l’invitant à « plus d’efforts » pour la paix. Mais ce qu’il faut noter est le « cadrage » strict dans lequel ils souhaitent que soit menée l’action américaine : c’est aux deux camps à négocier la paix, mais les Etats-Unis doivent travailler en « proche collaboration » avec Israël. Du classique en somme. Quant aux Palestiniens, ils doivent renoncer « à la violence » et construire les institutions pour un Etat viable. C’est tellement « équilibré » que l’initiative des parlementaires américains a reçu le soutien du superlobby israélien, l’AIPAC, qui salue le « soutien aux efforts américains pour aider Israël à parvenir à la paix avec ses voisins arabes ».

A ces sollicitations fielleuses qui cherchent à placer l’Iran comme le problème prioritaire au Proche-Orient, les pusillanimes Etats arabes répondent par un long silence. Attendent-ils un « miracle » de la part d’Obama dans son adresse au monde musulman qu’il délivrera du Caire le 4 juin prochain ? Ce serait grotesque. Le silence arabe n’est pas d’or. Il faut espérer au moins, une fois n’est pas coutume, que c’est le silence de celui qui n’est pas dupe…