Soutien à Ghaza : Marches et affrontements

Soutien à Ghaza : Marches et affrontements à Alger

par Z. Mehdaoui, Le Quotidien d’Oran, 10 janvier 2009

Des « incidents » ont éclaté hier au niveau de l’avenue Zighout Youcef à Alger lorsque des dizaines de jeunes ont tenté de se rendre à proximité de l’Assemblée populaire nationale (APN) dans une procession organisée pour dénoncer le massacre perpétré par l’Etat hébreu à Ghaza en Palestine. Les « manifestants » étaient venus des mosquées Ketchaoua, Bab El-Oued, la Casbah ou encore la mosquée de Sahat Echouhada (place des Martyrs). Plusieurs jeunes ont été interpellés par la police puis relâchés.

Au même moment, des dizaines de milliers de personnes, en majorité des fidèles qui venaient d’effectuer la prière du vendredi, sont bloquées à proximité du ministère de la Jeunesse et des Sports à la place du 1er Mai (Champ de manoeuvres). Il était 14h30 environ et la foule devenait de plus en plus imposante devant le ministère de la Jeunesse et des Sports. Il faut savoir que les fidèles venant des mosquées de Belcourt, Salembier, la cité Mahieddine, le Champ de manoeuvres, Hussein Dey, Ruisseau, Kouba, El-Harrach et d’autres encore se sont donné rendez-vous, semble-t-il, à cet endroit.

La police a tenté de dissuader les manifestants de marcher mais en vain. La foule était devenue tellement importante que le cordon de sécurité mis en travers de la route n’a pas pu empêcher les manifestants de marcher vers la place des Martyrs où des milliers d’autres fidèles étaient déjà présents en train de scander des slogans hostiles à Israël et à certains dirigeants de pays arabes.

Jamais depuis la fameuse marche des «ârchs» en 2001 la capitale algérienne n’a vu autant de monde défiler. Ils étaient plus de 100.000 personnes, attestent certaines sources alors que d’autres parlent de plusieurs centaines de milliers de manifestants qui ont battu le pavé hier à Alger pour la première fois depuis huit années. Hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes et moins jeunes ont participé hier à plusieurs marches qui ont toutes atterri au niveau du centre d’Alger. Mais la plus importante est celle qui a démarré depuis la place du Premier Mai. Aux cris de « Allah Akbar » la procession est passée par la rue Hassiba Ben Bouali vers la place des Martyrs, scandant des slogans tels que « ils ont vendu Ghaza avec des dollars », « Mahmoud Abbas agent d’Israël » ou encore « Hosni Moubarak traître ».

En fait, les marches se sont déroulées dans le calme et aucun incident majeur n’a été enregistré jusqu’au moment où certains ou voulu atteindre l’ambassade des Etats-Unis en passant par la rue Didouche Mourad en plein centre d’Alger. Trois processions ont défilé par cette rue en l’espace d’une heure. Plusieurs cordons de sécurité ont été mis en place à partir de la rue Asla Hocine à côté du Palais du peuple. La situation a dégénéré vers 16h35 quand la troisième procession n’a pas voulu prendre la déviation indiquée par la police. La foule qui voulait absolument prendre le chemin du Golfe (El-Mouradia) pour arriver à l’ambassade américaine a été confrontée à l’intransigeance des policiers qui ont chargé les manifestants qui étaient, faut-il le signaler, en majorité des adolescents. C’est l’affrontement. La rue Didouche Mourad est devenue en l’espace de quelques minutes seulement un véritable champ de bataille.

Abribus, plaques de signalisation et même des arbres ont été arrachés par des manifestants en furie qui ont arrosé le cordon de sécurité de pierres et de divers objets. Le camion équipé de lance à eau des forces anti-émeutes dépêché sur les lieux et qui n’avait de cesse d’arroser la foule n’était pas arrivé à bout des manifestants qui revenaient à chaque fois à la charge et narguaient même les policiers. Une heure après, les affrontements continuaient toujours et les choses prenaient de plus en plus d’ampleur car quelques manifestants ont commencé à s’attaquer aux commerces, aux bureaux appartenant à des privés, à des agences telles la CNAS ainsi que le ministère de l’Habitat qui a essuyé une pluie de projectiles. Plusieurs bureaux ont été saccagés et le mobilier jeté dans la rue, jonchée de détritus, poubelles, plaques de signalisation et d’autres objets. Même le Palais du peuple n’a pas été épargné. Des dizaines de jeunes se sont introduits à l’intérieur mais ont été vite arrêtés par les éléments de la Garde républicaine.

Les jeunes manifestants paraissaient déterminés à en découdre avec les policiers puisque toutes les charges opérées par la police anti-émeutes ne les ont pas empêchés de revenir à chaque fois. Ce n’est que vers 18 heures que la police réussira à disperser les manifestants en donnant un grand assaut avec l’appui des renforts arrivés sur les lieux. Plusieurs personnes ont été arrêtées et aucun bilan officiel n’a été rendu public ni sur le nombre d’arrestations ni sur le nombre de blessés. A noter qu’une fois le calme revenu, les agents de l’entretien sont intervenus pour nettoyer la rue Didouche Mourad qui paraissait avoir été traversée par une tornade.


Constantine au rendez-vous

par A. Mallem

Immédiatement après la prière du vendredi, les citoyens de Constantine sont descendus dans la rue pour exprimer leur solidarité avec la population martyre de Ghaza et clamer fort leur colère contre le massacre perpétré par la soldatesque sioniste, dénonçant par la même occasion, le silence complice des régimes arabes voisins de la Palestine. L’initiative de cette grande marche de solidarité est née, il y a quelques jours, dans les mosquées de la ville pour répondre à la grande indignation des fidèles et des citoyens qui voient, chaque jour, leurs frères à Ghaza tomber par dizaines sous le feu de l’aviation et des chars israéliens.

Ainsi, venant des différents quartiers de la ville où ils s’étaient d’abord regroupés et immédiatement après avoir accompli la prière du vendredi, plusieurs dizaines de milliers de manifestants, brandissant les drapeaux algérien et palestinien, ont convergé vers la Place des Martyrs, dans le centre-ville, où ils se sont rassemblés.

La foule était, d’ailleurs, tellement nombreuse qu’elle a débordé sur le square Ahmed Bey, vidé pour la circonstance. Là, les manifestants ont brûlé un drapeau israélien. Les organisateurs improvisés, il faut le souligner, ont réussi à canaliser les manifestants composés en grande majorité de jeunes, et éviter tout débordement facilitant ainsi la tâche à l’impressionnant service d’ordre déployé, lequel n’eut à intervenir à aucun moment. La foule criait des slogans de soutien à la cause palestinienne tout en fustigeant l’attitude de certains responsables des pays arabes qu’ils accusent de complicité dans le massacre de la population ghazaouie.

Commencée à 14h, la marche et le rassemblement qui s’en est suivi se sont terminés vers 15h30. La foule s’est ensuite dispersée dans le calme, criant des slogans hostiles au régime sioniste.


Marches dispersées à Tiaret et Sidi-Bel-Abbès

par H. Dilmi / M. D.

Le mot d’ordre appelant à une marche en soutien à la population ghazaouie a circulé sous cape (certains ont reçu des SMS) jusqu’à la prière du vendredi hier, où un prêche était justement consacré au même sujet au niveau de la plus grande mosquée de Tiaret. Comme pris de court, les services de police se sont déployés rapidement aux quatre coins de la ville pour parer à toute éventualité.

Aussitôt après la prière du vendredi, vers quatorze heures trente, la marche, forte de quelques dizaines d’individus, pour la plupart des adolescents, s’ébranla depuis le populeux quartier de Erras Soug, pour arriver rapidement à hauteur du service de wilaya de la police judiciaire. Là, des policiers ont appelé les manifestants à se disperser. Empêchés d’aller plus loin, les manifestants, «encadrés» par quelques adultes, font le tour de l’ex-place Carnot pour rebrousser chemin vers Erras Soug, où les policiers dispersèrent la foule. Deux adultes ont été interpellés et conduits aux locaux de la police. Le pire venait d’être évité de peu puisque d’autres jeunes, par dizaines, rejoignaient d’un pas alerte le centre-ville à partir des quartiers sud. Tout a été fait pour éviter à la marche de gagner en ampleur.

A Sidi-Bel-Abbès, la principale mosquée de la ville, située en plein centre de la cité de la Mekerra, a été entourée avant la prière pour un imposant dispositif de sécurité constitué d’éléments de la police en tenue et en civil. C’était en prévision d’une marche pacifique qui se préparait. Juste à la sortie de la mosquée, des drapeaux de la Palestine et de l’Algérie ont été brandis et des slogans hostiles à l’Etat hébreu ont été scandés. L’intervention des éléments de la police a été rapide au point de maintenir les manifestants cloîtrés sur le trottoir de la mosquée Abou Bakr Essedik. En dépit de l’insistance des manifestants pour occuper la rue, les éléments de la police sont restés imperturbables. Après presqu’une heure de regroupement et devant l’intransigeance de la police, les manifestants se dispersèrent dans le calme. A noter qu’aucun incident n’est survenu entre la police et les manifestants déçus.


Les Oranais ont répondu à l’«appel»

par Ziad Salah

Juste après la fin de la prière du vendredi, des groupes de fidèles, sortant de la mosquée de Zine El-Abbidine de Saint Pierre ont investi la rue d’Arzew, à Oran, dans une marche vers la place du Premier Novembre. Ils scandaient des slogans condamnant l’agression contre Ghaza. Un député du MSP était en première ligne d’un premier paquet de manifestants dont la majorité étaient des jeunes. Courant presque, ce premier groupe s’est largement détaché par rapport à un autre mieux encadré.

En passant par la rue d’Arzew, les manifestants ont «recruté» d’autres jeunes qui, apparemment, étaient en attente de l’événement. Les manifestants ont effectué quelques tours autour de la place en attente d’autres ralliements. Un peu surpris par l’enthousiasme des jeunes, des militants du MSP ont tenté de canaliser la foule autour d’eux. Vaine tentative puisque les gorges déployées des jeunes ont fini par étouffer carrément le mégaphone de ceux qui voulaient s’imposer en tant qu’encadreurs de cette marche. Deux groupes compacts se sont formés: ceux des jeunes refusant épidermiquement tout embrigadement et les politiques. Mieux, chaque groupe a étalé ses drapeaux et scandé ses slogans. Quand les militants du MSP parlaient du Cheikh Yacine, les autres traitaient Hosni Moubarak de traître à la solde des USA. Quand les premiers parlaient de Katayeb El-Kassam, les seconds réclamaient le départ vers Gaza en précisant «nous sommes sans travail, ni occupation, envoyez-nous à Ghaza). Ces deux groupes qui, sans se le déclarer se sont retrouvés dans une course pour le contrôle de la manifestation, se sont positionnés différemment: les politiques sur les marches qui mènent à l’esplanade et les jeunes sur le perron de l’hôtel de la ville.

Entre temps d’autres groupes sont arrivés sur la place. On relèvera celui conduit par cheikh Mesbah, qui dirige l’association «El-Hidaya». A la tête d’un groupe, en compagnie de l’ex-Cheb Djelloul (ancienne vedette du raï). Ce groupe a tenu, pour des raisons que nous ignorons, à rester à part. Dès leur arrivée, ils ont occupé les marches du TRO. Avant de prendre la parole, le cheikh a accordé le temps à ses partisans de scander leurs slogans.

Un quatrième groupe, dont une bonne partie étaient des femmes, a tenu, lui aussi, à ne pas se dissoudre dans la foule. Ils ont pris place à une dizaine de mètres de l’entrée de la maison de la presse. Craignant les risques de débordement, les cadres et militants du MSP se sont retirés en douce pour se regrouper devant le siège de leur parti se trouvant tout au début du boulevard Maâta Mohamed Lahbib, à quelques mètres de la place. Quant aux forces de l’ordre, elles ont bouclé les sorties de la place. En effet, les policiers n’interdisaient pas aux gens d’accéder à la place mais dissuadaient avec énormément de souplesse les groupes d’en sortir. Notamment du côté du boulevard Emir Abdelkader. Ils filtraient presque les sorties. Constatant l’éparpillement, les gens, soit en petits groupes soit individuellement, ont préféré partir. Des groupes ont même continué la manifestation tout au long de la rue d’Arzew. Ce qui n’a pas empêché les véhicules, notamment ceux du transport en commun, de circuler normalement.

Pour un test, la manifestation d’hier en a été un. Elle a permis aux jeunes et moins jeunes de se décharger d’une tension cumulée depuis, pratiquement, deux semaines. Nous avons remarqué plusieurs femmes en pleurs qui criaient leur condamnation des massacres d’enfants et de civils à Ghaza. La marche d’hier n’a donné naissance à aucun leader d’opinion. Mais en attendant, on retiendra qu’Oran a fini par joindre sa voix à celles qui condamnent, depuis deux semaines, les atrocités de la machine de guerre israélienne.