Pourquoi une attaque contre la Syrie ?

Huit civils tués dans un raid américain: Pourquoi une attaque contre la Syrie ?

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 28 octobre 2008

«L’opération a été un succès». C’est par ces termes qu’un responsable américain anonyme a qualifié une attaque de l’armée américaine, en territoire syrien, tuant huit civils assimilés, sans autre forme de procès, à des terroristes.

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem ne faisait pas dans l’abus de langage en qualifiant l’attaque commise contre des civils syriens «d’agression terroriste». A quelques jours des élections présidentielles aux Etats-Unis, pressés d’imposer au gouvernement de «la zone verte» à Bagdad un projet de pacte qui légalise la présence des troupes américaines, les néo-conservateurs de la Maison Blanche ont choisi de faire preuve d’une agressivité meurtrière.

Les «Etats-Unis ont pris les choses en main», a affirmé la même source anonyme pour justifier huit meurtres accomplis de sang-froid. L’attaque a ciblé un bâtiment civil en cours de construction dans le secteur d’Abou Kamal, le principal point de passage entre la Syrie et l’Irak, situé à environ 550 km, au nord-est de la capitale, Damas. Cette «courageuse» opération des services spéciaux américains contre des civils sans armes, des ouvriers, est une atteinte grossière au droit international et au droit humain, tout court. Elle s’est faite au nom d’une prétendue présence d’insurgés irakiens opérant à partir de la Syrie…

Un seul but: tuer

«Quatre hélicoptères sont venus de directions différentes, deux d’entre eux se sont posés, des soldats en sont sortis et ont commencé à tirer», a déclaré Oussama Malla Hamid, propriétaire d’une ferme à 300 mètres du lieu de l’attaque. «Ils sont restés environ quatre minutes et puis sont repartis». «Les hélicoptères ont ouvert le feu contre des ouvriers à l’intérieur du bâtiment, y compris sur la femme du vigile» indique l’agence Sana. Les huit morts sont un père et ses quatre enfants ainsi qu’un couple et un autre homme. Voilà donc ces «terroristes». Il n’y avait pas de combattants au village d’Al-Soukkari, mais les tueurs américains étaient là pour tuer. Et rien d’autre. C’est, à l’évidence, cela le message adressé par une administration américaine finissante, criminelle à tout point de vue. Les serviteurs irakiens de la «zone verte» ont cru pouvoir justifier ces meurtres à travers le porte-parole du gouvernement, Ali Al-Dabbagh, en déclarant que le «secteur attaqué était le théâtre d’activités de groupes terroristes opérant à partir de la Syrie contre l’Irak». C’est le genre d’argument invoqué par Al-Qaeda pour tuer des civils à Bagdad ou ailleurs.

On est bien dans la définition du terrorisme au sens le plus restrictif du terme. Des civils assassinés pour des buts politiques. Car, les militaires américains et à leur tête le général Petraeus ont déclaré, ces dernières semaines, que la Syrie collaborait dans la lutte contre le terrorisme.

Aujourd’hui, les Américains reprennent le mauvais argument pour justifier une agressivité meurtrière à forts relents électoralistes. «C’est un raid monstrueux, qui est contraire au droit international. C’est un crime terrible, dont j’ignore la signification politique. Nous attendons des Américains qu’ils nous fournissent des explications», a dit à l’ambassadeur de Syrie à Londres, Sami al Khiyami. Faut-il vraiment attendre une explication de la part d’une administration qui n’a cessé de mentir à son peuple pour mener des guerres sanglantes et coûteuses?

«Wag the Dog» pour de vrai

Froidement, le coup est une opportunité pour détourner un peu l’attention de la déconfiture économique des Etats-Unis, servir le candidat de la guerre aux présidentielles, McCaïn; et surtout signifier que les Etats-Unis se moquent totalement du droit international. L’Empire surarmé qui sort ses muscles contre un petit village syrien paisible, on est dans le scénario du film «Wag the Dog» où des conseillers d’un président américain éclaboussé par un scandale sexuel, quelques jours avant le début de l’élection présidentielle, inventent une guerre dans un coin d’Europe pour détourner l’attention des Américains. Ici, les conseillers ne se contentent pas d’une fiction, ils attaquent et tuent et proclament que tuer des civils est un grand succès. En Irak, une très forte opposition existe à l’acceptation du Pacte sur le Statut des forces américaines, destiné à donner un cadre juridique à la présence des troupes américaines au-delà de l’expiration du mandat de l’ONU dont elles bénéficient actuellement. Un général américain a même menacé les Irakiens du pire s’ils venaient à le rejeter. L’attaque terroriste et criminelle contre des civils en Syrie leur donne une indication de l’usage qui sera fait de ce pacte.