L’exécution des deux diplomates algériens provoque une onde de choc

L’exécution des deux diplomates algériens provoque une onde de choc

Al-Qaïda s’en prend à Bouteflika

Le Quotidien d’Oran, 30 juillet 2005

L’onde de choc de l’exécution des deux diplomates algériens a été immédiate. Aussi bien au plan national, qu’international, l’affaire Belaroussi-Belkadi risque de nuancer les priorités politiques algériennes et les engagements antiterroristes au niveau mondial.

Alors que les corps des deux diplomates algériens n’ont pas été retrouvés, la réaction de l’Algérie à leur assassinat a provoqué le courroux de la section Al-Qaïda en Mésopotamie d’Abou Mossab Al-Zarkaoui qui semblait croire à une flexion algérienne. Fait rare, Al-Qaïda a justifié une nouvelle fois l’exécution de Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi, en réitérant les menaces contre les ambassades étrangères accréditées à Bagdad. Mais le plus surprenant est que Al-Zarkaoui s’est violemment attaqué au Président Bouteflika après la condamnation énergique de ce dernier de l’assassinat des deux diplomates: «Tais-toi porte-parole du diable, toi qui a du sang sur les mains, du sang pur (…) Des milliers de bombes interdites par l’organisation infidèle de l’ONU s’abattent sur les musulmans en Irak et en Afghanistan et jamais nous n’avons entendu les condamnations de l’Algérie, des tyrans arabes et des Nations unies athées», écrit le porte-parole du terroriste jordanien en s’en prenant de manière à peine voilée au président algérien.

Al-Qaïda semble avoir peu goûté à l’inflexibilité algérienne suite à la prise d’otages notamment sur ses engagements antiterroristes réitérés par le président algérien, une première fois à la Grande-Bretagne en pleine crise des otages, et la seconde fois, après l’exécution des deux diplomates. Nombre d’analystes avaient critiqué le timing du communiqué de la présidence adressé à Londres afin de proposer l’aide algérienne dans la résolution des attentats londoniens. Une attitude jugée suicidaire dans le cas où on pensait que Al-Zarkaoui pouvait également prendre prétexte sur cette offre d’assistance pour justifier la liquidation des deux diplomates. «Une hypothèse a circulé dans les milieux officiels. Les deux diplomates étaient condamnés d’avance et tout porte à croire qu’ils ont été exécutés deux jours après leur enlèvement. D’où la réaction en forme de message de Bouteflika à l’égard des terroristes», explique un analyste en matière sécuritaire.

Il faut admettre que les diplomates et services algériens ont tenté plusieurs approches afin de trouver des canaux de communication avec les ravisseurs même à travers d’anciens terroristes connaissant les réseaux irakiens ou des islamistes algériens à Bagdad évoluant dans le triangle sunnite. «On a même dit que Abderezzak Al-Para a été transporté à Bagdad pour tenter de négocier», avancent certaines voix. Ce qui indique le degré d’investissement des autorités algériennes sur ce dossier tout en gardant à l’esprit l’équation fatale qui fait qu’aucun otage n’échappera à Al-Zarkaoui: «même si le Jordanien aurait bien voulu nous les rendre pour ne pas se mettre à dos les Algériens réputés pour leur capacité à frapper ses réseaux en Europe et au Moyen-Orient, rien n’indique que Al-Zarkaoui aurait transigé car il fallait qu’il explique les motifs de leur libération éventuelle. Or, il contrôle son groupe de main de fer et cela aurait été perçu, au sein d’Al-Qaïda en Irak, comme un recul ou une faiblesse de sa part», analyse un ancien officier qui maîtrise les questions antiterroristes.

Reste que l’onde de choc a été également vécue à Bagdad puisque le gouvernement Djafferi, très critiqué sur sa gestion de l’affaire des diplomates algériens, a décidé de s’aider des Américains qui proposent leur aide pour la protection militaire des ambassades étrangères en Irak. Un plan qui ne risque pas de plaire aux chancelleries installées en Irak qui y voient déjà la main mise et un contrôle supplémentaire des forces américaines sur les autres Etats, du moins sur leurs représentants.

Sur le plan intérieur algérien, les critiques fusent sur l’attitude du GSPC et sa responsabilité dans l’exécution des deux diplomates avec des projections sur l’amnistie générale et le référendum qui se tiendra au-delà des débats qui secouent la classe politique et médiatique sur la nécessité de l’organiser. Sur ce plan, rien ne dit que le Président Bouteflika modifiera un dispositif qui se peaufine même si cette polémique risque d’enfler, les prochaines semaines.

Mounir B.