Toujours pas de nouvelles des deux diplomates algériens enlevés en Irak

Toujours pas de nouvelles des deux diplomates algériens enlevés en Irak

Un haut responsable irakien n’écarte pas la piste du Mossad

par Mouloud Zouaoui, Le Jeune Indépendant, 23 juillet 2005

On est toujours sans nouvelles des deux diplomates algériens enlevés jeudi à Bagdad par un commando armé en plein quartier El-Mansour, un événement qui provoque la stupeur en Algérie et plonge dans l’effroi le corps diplomatique arabe dans un pays où le chaos profite aux groupes incontrôlés.
Aux environs de midi jeudi dernier, le chargé d’affaires algérien, Ali Belaroussi, 62 ans, marié et père de quatre enfants, ainsi que l’attaché diplomatique Azzedine Belkadi, 47 ans, célibataire, ont été kidnappés en compagnie de leur chauffeur à proximité du restaurant Al-Sa’a, dans le quartier El-Mansour, dans l’ouest de la capitale.
«L’enlèvement a eu lieu à 100 mètres de la résidence de l’ambassadeur», nous confiait hier au téléphone un employé de l’ambassade. Les deux hommes avaient quitté le siège de l’ambassade pour se rendre à un déjeuner offert, comme chaque jeudi par M. Belaroussi dans sa résidence.
Les deux diplomates devaient être rejoints par trois autres collègues», a affirmé notre interlocuteur qui a assisté, impuissant, à la scène. «Belkadi était arrivé la veille à Bagdad et, immédiatement, Belaroussi a pris l’initiative de le familiariser avec les habitudes de notre petite communauté diplomatique», a-t-il ajouté.
«Nous étions loin mais nous avons aperçu la voiture de M. Belaroussi, une Land Cruiser de couleur blanche, s’immobiliser entre deux autres voitures. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’un accident, mais à notre grande stupeur, nous avons vu cinq hommes armés surgir des deux véhicules, les mettre en joue puis les emmener de force chacun dans une voiture», a-t-il précisé avant d’ajouter que les deux véhicules des ravisseurs sont partis dans deux directions différentes en quittant la rue El-Mansour.
«De l’endroit où nous nous trouvions, nous ne pouvions intervenir et nous n’étions même pas armés pour tenter au moins d’immobiliser les véhicules en tirant sur les pneus» a-t-il regretté. Immédiatement après l’enlèvement, des policiers irakiens en faction au niveau du carrefour très fréquenté d’El-Mansour ont été alertés par les deux diplomates témoins de la scène.
«Mais ils n’ont pas réagi, même pas en tentant de poursuivre l’un des deux véhicules des kidnappeurs» a-t-il déploré. Selon notre source, le personnel de la représentation diplomatique algérienne avait l’habitude d’emprunter la rue où a eu lieu le rapt, que ce soit à pied ou en voiture de service, avec l’emblème national bien en évidence posé sur le tableau de bord.
Autrefois quartier huppé sous le régime de Saddam Hussein, El-Mansour, quartier résidentiel et diplomatique, constitue avec la zone verte où se trouve le siège de l’ambassade américaine, les endroits les mieux gardés de la capitale irakienne.
Selon notre source, les forces américaines et irakiennes patrouillent en permanence, alors que sont installés aussi des barrages fixes de la police dans les carrefours névralgiques du quartier. Il est cependant quasiment impossible de venir perpétrer une attaque ou un enlèvement sans courir le risque de se heurter à ces forces dont le nombre a été renforcé ces dernières semaines, notamment depuis la recrudescence des attaques contre les représentations diplomatiques.
Notre source est catégorique en affirmant que les ravisseurs visaient spécialement le chargé d’affaires algérien. Les ravisseurs ont, selon toute vraisemblance, bénéficié de complicité car l’opération semblait être soigneusement préparée et minutieusement exécutée par des hommes bien entraînés.
«Au vu de leur manière d’agir, de la rapidité de l’acte, et de la façon avec laquelle ils ont embarqué les deux diplomates, les ravisseurs avaient l’air de savoir avec une précision policière comment procéder», a souligné notre source.
«Pourtant, nous n’avons jamais baissé la garde ou fait preuve de manque de vigilance. D’ailleurs, nous nous rendions à la résidence de l’ambassade en rang dispersé afin d’éviter d’être la cible d’une attaque collective», a fait remarquer notre source.
Qui en veut à l’Algérie ? Cet enlèvement qui a suscité la stupeur en Algérie et soulevé de nombreuses interrogations intervient dans un climat d’attaques répétées contre les représentants des corps diplomatiques. Récemment, le plus haut représentant du Bahreïn en Irak et l’ambassadeur du Pakistan dans ce pays avait été visés par des attaques.
Le premier avait été légèrement blessé, le second était sorti indemne alors que le 7 juillet, le chargé d’affaires égyptien Ihab Echarif, plus haut représentant de l’Egypte en Irak, avait été tué quelques jours après son enlèvement dans le même quartier.
Mais d’aucuns s’étonnent que l’on ait pu s’en prendre à des diplomates algériens, alors que l’Algérie, qui n’est pas impliquée dans le conflit irakien, jouit d’un grand respect de la part du peuple irakien, toutes confessions confondues.
Les relations historiques privilégiées entre l’Algérie et l’Irak, datant de la guerre de libération, et les positions algériennes contre l’occupation de l’Irak par les forces américaines ainsi que ses positions en faveur de la cause palestinienne faisaient des ressortissants algériens des personnes quasi intouchables et, de surcroît, ne représentant aucun intérêt pour les ravisseurs si ces derniers se trouveraient dans les rangs de la résistance.
Mais ce privilège ne semble pas avoir épargné les diplomates algériens qui assuraient une «présence symbolique» compte tenu de leur qualité d’attachés d’administration, notamment pour le suivi des besoins administratifs de la petite communauté algérienne encore présente en Irak, selon le ministère des Affaires étrangères qui a mis en place, dès jeudi, une cellule de crise.
Cet enlèvement intervient par ailleurs deux jours après les révélations d’un haut responsable de la défense irakienne qui a soutenu qu’Israël a organisé plusieurs attentats et enlèvements en Irak, sous le couvert de plusieurs groupes islamistes wahhabites et salafistes.
Plusieurs agents du Mossad auraient ainsi perpétré des attentats à la bombe contre des cibles civiles et des ambassades, dont l’assassinat récent de l’ambassadeur égyptien. «Des agents du Mossad se sont infiltrés dans le pays, durant le gouvernement d’Iyad Allaoui, en utilisant l’ancien ministre de la Défense Hazem Shaalan et l’ancien ministre de l’Intérieur Fallah Nagib», a-t-il indiqué et dont les propos ont été publiés par plusieurs médias internationaux.
«Ils ont aussi placé des baâthistes dans les services de renseignements irakiens, de sécurité et à des postes financiers», a-t-il poursuivi. Ce rapt intervient aussi au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU a ouvert un débat, jeudi, sur la situation au Proche-Orient, à la demande de la Ligue arabe, à l’instigation de l’Algérie, pour l’adoption d’une résolution exigeant le démantèlement du mur de séparation érigé par Israël en Cisjordanie.
M. Z.