Le dialogue de sourds continue

Société civile-pouvoir

Le dialogue de sourds continue

El Watan, 29 mars 2013

A défaut de dialoguer, les autorités ont choisi la brutalité face au mouvement de protestation du Sud, comme l’ont démontré les troubles à Ghardaïa et l’emprisonnement de militants. Les chômeurs, dont l’organisation a été longuement mûrie, s’engagent dans un vrai bras de fer avec le pouvoir, tout en faisant attention au piège de la radicalisation.

Huit personnes dont le militant de La ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Kamel Eddine Fekhar ,ont été mises en prison, hier, par le procureur de la République auprès de tribunal de Ghardaïa pour «incitation aux rassemblements, jet de pierres sur les agents de la police et destruction de biens de l’Etat». Le juge d’instruction a également mis en prison le militant des droits de l’homme Kacem Soufghalem pour les mêmes chefs d’inculpation avec six autres jeunes.

Ils ont été arrêtés lors de violents affrontements que connaît la ville depuis mardi passé. Ceux qui ne passeront pas devant le juge d’instruction pour une audition comparaîtront devant la justice le 9 avril. Les notables exigent une commission d’enquête. «Nous refusons catégoriquement cette manipulation politique des manifestations des chômeurs et la tournure que prennent les évènements», affirme Guecem, l’un des notables. Il exigent également une enquête pour «que toute la vérité soit connue, notamment sur les dépassements de certains agents des services de sécurité qui seraient également à l’origine de ces évènements sanglants.»

Manœuvre

Le bureau de Ghardaïa de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme se demande «s’il n’y aurait pas eu complicité entre les services de la justice avec la police sur le sort des détenus». La Ligue avertit et met en garde contre tout «pourrissement de la situation», surtout si les détenus devaient être gardés plus longtemps. La Ligue affirme que l’état de santé des détenus relève de la responsabilité de la justice et de la police dans la mesure où ils sont en grève de la faim. Ces évènements rappellent ceux qui ont secoué la ville en 2004. «Les autorités tentent d’étouffer le mouvement du Sud à partir de Ghardaïa», ajoute le communiqué de la LADDH. Le FFS, qui estime que la région vit son «printemps du changement», affiche son soutien aux détenus et donne une autre explication : «C’est une manœuvre politique de l’Etat pour détourner ces marches pacifiques des chômeurs dans le Sud et les pousser à la violence.»

Le parti fait appel à la vigilance des citoyens et les appellent à faire preuve de plus de prudence. La Ligue dénonce par ailleurs la façon dont été traités les militants : «Ils ont été insultés parce qu’ils sont mozabites.» De violents affrontements entre des militants des droits de l’homme, des chômeurs et les agents de la police ont éclaté dans la matinée de mardi suite à une marche pacifique demandant l’annulation de Fête du tapis. Les manifestants ont presque atteint le siège de la wilaya et d’autres ont tenté d’assiéger le siège de la sûreté urbaine. Bilan : 40 policiers ont été évacués en urgence à l’hôpital et une trentaine de manifestants ont été plus blessés.

Aziz M.