À Ghardaïa, la rentrée scolaire sous haute surveillance

À Ghardaïa, la rentrée scolaire sous haute surveillance

Hadjer Guenanfa, TSA, 6 septembre 2015

Dimanche 6 septembre, jour de rentrée scolaire. Il est 7h50. Les premiers groupes de lycéens mozabites du Ksar de Bounoura commencent à affluer vers le quartier arabe Sidi Aabaz où se situe le lycée mixte – le nom donné aux établissements fréquentés par les arabes et les mozabites – qui porte le nom du quartier.

La police est déployée en grand nombre à proximité de l’établissement scolaire. Les policiers sont également présents dans toutes les rues du quartier. « Avez-vous une autorisation ? Vous savez bien que c’est particulier à Ghardaïa. Vous ne pouvez pas parler comme ça avec les élèves », nous dit un policier.

Pour ce premier jour de rentrée, le wali de Ghardaïa a choisi de se rendre à Beni Yezguen, dans l’annexe du lycée Moufdi Zakaria (également mixte).

Le représentant de l’État ne vient pas seul : il est accompagné du commandant du secteur militaire, des responsables de la police, de la gendarmerie et du directeur de l’éducation de la wilaya. Après l’hymne national, le premier magistrat de la wilaya se réunit avec le personnel du lycée et les représentants des parents d’élèves.

On sera intransigeant !

« Jusqu’à quand le chef de la (quatrième) région militaire va-t-il rester ici ? Ce n’est pas une solution et il a d’autres chats à fouetter ! », lance-t-il à ses interlocuteurs. Au cours de son discours, l’homme appelle à éteindre les feux de la fitna, cite l’exemple de la Syrie et prévient : « J’ai reçu des instructions fermes ! On sera intransigeant ! ». « La rentrée scolaire ne se déroule pas dans de très bonnes conditions, reconnaît-il, mais elles sont acceptables ».

Le wali, nommé lors du dernier mouvement, sait que Sidi Aabaz et Moufdi Zakaria, deux établissement où arabes et mozabites se retrouvent dans les mêmes classes ont tendance à devenir une exception dans cette ville meurtrie par plus de deux ans de violence.

« Nos enfants sont devenus soit peureux, soit agressifs. En rentrant à la maison, ils viennent se plaindre d’une agression ou nous dire qu’ils ont frappé quelqu’un ! », résume Ahmed, père d’un collégien à Ghardaïa.

Cette année, Ahmed a inscrit son fils dans une école privée. Il pense ainsi avoir réglé au moins une partie du problème. « Au lieu de ramener autant de gendarmes, ils auraient dû ramener des psychologues », estime Hamou, un ami de la famille.

Hamou est père d’une fillette de sept ans et d’un garçon de dix ans. « Mes enfants sont devenus nerveux et se disputent souvent entre eux », explique-t-il. Récemment, Hamou a quitté son ancienne maison située entre les deux quartiers sensibles Baba Ouldjema et Mermed. Il s’est installé à El Ghaba, une grande palmeraie appartenant à des Mozabites, où il se sent « plus à l’aise ».

Un couteau de cuisine dans un cartable

Ici, dit, ses enfants sont loin des images de maisons et de commerces incendiés et des très nombreux policiers ou gendarmes déployés depuis les derniers évènements. Les violences enregistrées à Ghardaïa durant plus de deux ans, avec leur lot de morts et de blessés, ont marqué de nombreux enfants.

« Nous avons retrouvé dans le cartable d’une fillette au primaire un couteau de cuisine. Quand on a cherché à savoir pourquoi elle avait un tel objet, nous avons découvert qu’elle avait peur de son enseignant (qui appartenait à une autre communauté) », raconte un représentant des parents d’élèves. Selon un membre de la Fédération des parents d’élèves, des collégiens ont déserté l’école à Berriane et Guerrara l’année dernière.

Il espère que cette année scolaire se déroulera différemment. Durant toute la journée du samedi 5 septembre, des responsables de l’académie ont tenu des réunions avec les représentants des parents d’élèves pour préparer la rentrée scolaire. Aucun détail ne doit être omis. À Ghardaïa, on a mis l’accent sur le problème des enseignants.

Quelques établissements « mixtes »

Durant l’année scolaire 2013-2014, des enseignants (arabes) avaient fait grève durant quatre mois. Pour se justifier, certains évoquaient des raisons de sécurité tout en refusant d’être escortés. « Nous avons terminé l’année scolaire avec des bénévoles. L’année suivante, nous avons fait appel à des contractuels et nous avons obtenu de très bons résultats ! », explique le représentants des parents d’élèves.

Cette année, les parents ont demandé le maintien de ces enseignants qui étaient venus de plusieurs régions notamment de Kabylie pour pallier l’absence de ceux qui étaient en charge de ces classes.

Pour éviter les tensions, une sorte de répartition des établissements scolaires a été faite entre les deux communautés. Au chef-lieu de Ghardaïa, trois établissements seulement dont le lycée Moufdi Zakaria à Ben Yzgen, accueille à la fois des Mozabites et des Arabes dans les mêmes classes. « Le ministère de l’Éducation voulait bien revenir vers la ‘’mixité’’ dans les établissements mais nous avons refusé. Les enfants vont passer leur temps à se bagarrer au lieu de s’occuper de leurs études », explique le représentant des parents d’élèves.