Le Mujao annonce l’exécution du diplomate algérien Tahar Touati : La tyrannie au Sahel

Le Mujao annonce l’exécution du diplomate algérien Tahar Touati : La tyrannie au Sahel

El Watan, 3 septembre 2012

Le Mujao aurait mis à exécution sa menace en assassinant le vice-consul algérien, Tahar Touati. Selon son communiqué, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), cité par le site mauritanien, Sahara Media Agency, a annoncé, samedi soir, avoir exécuté le vice-consul d’Algérie à Gao, Tahar Touati, cinq mois après leur enlèvement avec d’autres fonctionnaires du consulat dont le consul à Gao au nord du Mali.

Jusqu’à hier soir, l’information n’est pas été confirmée officiellement. La mise à mort de l’otage algérien aurait été décidée en guise de «représailles» contre la position des autorités algériennes, a indiqué le communiqué qui porte la signature Abou Al Walid Sahraoui qui menacerait de «perpétrer des attentats sur le sol algérien». Difficile de vérifier la véracité de l’information. Le ministère des Affaires étrangères, jusqu’à hier soir, n’était pas en mesure de la confirmer ou de l’infirmer. «L’information fait actuellement l’objet de vérifications nécessaires pour s’assurer de son authentification», a indiqué le ministère, dans un communiqué, qui s’est dit surpris.

«Le communiqué annonçant l’exécution du fonctionnaire consulaire algérien ne peut par conséquent que susciter la surprise et justifier les démarches engagées en vue de confirmer la véracité de l’information diffusée samedi en fin de journée», a précisé le ministère de Affaires étrangères. Ce dernier a indiqué aux familles des fonctionnaires consulaires retenus en otages reçues par le secrétaire général du ministère, samedi matin, que «les contacts avec les ravisseurs n’étaient pas rompus». Alger est dans l’expectative. Relayée par les agences de presse et des sites spécialisés dans l’information sécuritaire, l’information faisant état de l’exécution du vice-consul algérien n’était pas encore confirmée. Un cafouillage médiatique entoure l’information. Selon le correspondant de l’agence américaine Associated Press à Bamako, qui cite le porte-parole du Mujao, Omar Ould Hamaha, le vice-consul algérien aurait été exécuté. «Le diplomate avait été exécuté. Il s’agissait de donner une leçon à l’Algérie», a déclaré le chef terroriste à AP.

Le site mauritanien Sahara Media Agency, qui avait donné en premier l’information samedi soir, a affirmé que le communiqué du Mujao a été remis à leur correspondant à Tombouctou samedi vers 18h. Son rédacteur en chef, Sidi Mohamed Younes, a indiqué au journal électronique, DNA, que «l’organisation, qui est basée à Gao, a remis à notre correspondant un communiqué d’une page rédigé en arabe. Auparavant, nous avions eu juste l’information faisant état de l’exécution de l’otage. Nous n’avons pas d’autres détails pour le moment sur cette exécution et attendons un document vidéo que nous pourrions diffuser sur notre site». Si l’information de la mise à mort du vice-consul venait à être confirmée, il resterait entre les mains des terroristes du Mujao trois autres otages algériens, dont le consul.

Le sort incertain des autres otages

Le Mujao, une organisation terroriste qui est apparue abruptement dans le sillage de la dégradation de la situation sécuritaire dans la région du Sahel, avait au départ exigé des autorités algériennes de payer une rançon de 15 millions d’euros pour obtenir la libération des sept otages. L’organisation terroriste avait libéré trois fonctionnaires retenant le consul et ses trois collaborateurs.
Entre-temps, les forces spéciales de l’armée algérienne avaient arrêté à Ghardaïa un des chefs d’AQMI, Abou Ishak El Soufi. Ainsi, le Mujao change d’attitude en abandonnant la rançon et aurait proposé aux autorités algériennes l’élargissement des terroristes en échange de la libération des diplomates. Alger aurait refusé ce chantage d’où l’ultimatum lancé par le groupe terroriste menaçant l’exécution des otages dans le cas où le gouvernement algérien ne se plie pas à leur revendication.

L’évolution dramatique de l’affaire des otages met Alger dans une situation difficile et le sort des trois otages encore entre les mains des terroristes demeure incertain. Opposées à toute forme de paiement de rançon ou d’élargissement des terroristes arrêtés pour obtenir la libération des diplomates, les autorités algériennes vont-elles revoir leur position ? Poussé par les puissances occidentales à participer à une éventuelle intervention militaire dans le Sahel, Alger refuse toute implication militaire en sol étranger, alors que des groupes extrémistes religieux s’emparent et contrôlent une bonne partie du nord du Mali. L’urgence de sauver la vie des trois diplomates encore en vie obligerait-elle Alger à revoir sa doctrine ? Pas si simple. L’Algérie dispose-t-elle d’une manœuvre pouvant éviter un sort tragique aux trois diplomates algériens encore entre les mains des ravisseurs ?

Autant d’interrogations que soulève ce bourbier sahélien qui devient un champ de bataille régionale dont les conséquences affecteront une bonne partie de l’Afrique. Pour nombre d’observateurs, le tragique conflit qui a embrasé pendant des années le Moyen-Orient est en train de se déplacer vers le Sahel. La coopération antiterroriste entre les pays directement concernés par cette dégradation sécuritaire dans le Sahel reste «dispersée» et butte sur des «désaccords». Les grandes puissances, les USA en première ligne, agissent dans la région pour que la situation ne leur échappe pas. L’objectif principal de l’Administration américaine, selon la spécialiste Laurence Aida Ammour, «reste celui de la sécurisation de ses ressources d’approvisionnement en hydrocarbures en Afrique du Nord et dans le golfe de Guinée et celui de s’assurer que le Sahara ne devienne une zone grise, sanctuaire permanent du terrorisme islamiste et du crime organisé». La dimension sécuritaire du conflit peut cacher une guerre autour du contrôle des richesses dont regorge la région.

 

La liste des diplomates algériens exécutés rallongée :

A peine 32 ans, Tahar Touati, vice-consul à Gao (Mali), venait juste de débuter sa carrière dans la diplomatie de son pays. Il n’ira pas au bout de sa mission fraîchement entamée en 2010 et brutalement interrompue, il y a cinq mois, le 5 avril dernier, suite au rapt du personnel diplomatique du consulat général d’Algérie à Gao, au Nord-Mali.

Son exécution, avant-hier – le meurtre est revendiqué par ses ravisseurs du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, branche présumée d’Al Qaîda – allonge ainsi la liste des martyrs de la diplomatie algérienne.

En juillet 2005, deux diplomates algériens en poste en Irak, le président de la mission diplomatique algérienne, Ali Belaroussi, et l’attaché diplomatique, Azzedine Belkadi ont été exécutés par les terroristes du groupe Zarkaoui, Al Qaîda en Irak. 48 heures après sa mort, Tahar Touati demeure un illustre inconnu.

Les autorités algériennes se complaisent dans une posture attentiste et réservée, en témoigne la teneur du communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères dans lequel celui-ci se dit «surpris» par l’exécution et va «vérifier» les informations sur la mort de son fonctionnaire.

Le site web du ministère ne publie ni la biographie de Tahar Touati, encore moins ses états de service.
Silence radio. Les seules informations disponibles essaiment, elles, la Toile : le jeune diplomate algérien, marié, serait natif de Djelfa. Diplômé de l’université d’Alger, faculté des sciences politiques et de l’information, Tahar Touati rejoindra, à l’issue d’un concours d’embauche, le corps diplomatique algérien en 2010 comme attaché.

Le 3 mai 1982, l’avion transportant le ministre des Affaires étrangères, himself, Mohammed Sedik Benyahia et 15 hauts cadres de la diplomatie algérienne, était abattu d’un tir de missile, au-dessus de la frontière irano-turque. A l’époque déjà, la réaction algérienne était molle. M. Az.

Hacen Ouali


De la rançon à la libération d’un dirigeant d’Al Qaîda au Maghreb islamique

Le Mujao a changé sa revendication au début du mois d’août

Le groupe terroriste, qui tente d’imposer sa loi dans la région du Sahel, n’a pas hésité à passer à l’acte après un ultimatum de huit jours, lancé le 26 août dernier.

La nouvelle est tragique. L’exécution du vice-consul d’Algérie à Gao au Nord du Mali, Tahar Touati, par les terroristes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a choqué l’opinion publique nationale qui nourrissait encore l’espoir de voir les négociations engagées par les autorités algériennes avec cette organisation aboutir à la libération des quatre diplomates en détention. Mais l’information relayée, depuis samedi dernier, par plusieurs sites internet et confirmée, hier encore, par une agence de presse mauritanienne en ligne (ANI), vient d’assommer tout un pays. Le groupe terroriste, qui tente d’imposer sa loi dans la région du Sahel, n’a pas hésité à passer à l’acte après un ultimatum de huit jours, lancé le 26 août dernier. Ce passage à l’acte pourrait mettre un terme aux négociations engagées par la partie algérienne pour la libération de nos diplomates, kidnappés le 5 avril dernier à Gao.

L’ARRESTATION DE TERRORISTES À GHARDAÏA

Des négociations qui ont pourtant bien démarré avec la libération, en juillet, de trois des sept diplomates enlevés. On s’attendait alors, du côté algérien, à la libération de tous les otages, même si les ravisseurs avaient déjà fixé les conditions : le paiement d’une rançon de 15 millions d’euros pour la libération des sept diplomates. La donne a changé, toutefois, au début du mois d’août. Les services de sécurité ont frappé fort en arrêtant trois dangereux terroristes lors d’un barrage à Ghardaïa (600 km au sud d’Alger). Parmi eux, un dirigeant d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), Necib Tayeb, alias Abderrahmane Abou Ishak Essoufi. L’annonce de cette information a amené l’organisation terroriste à apporter des changements concernant sa revendication. Elle pose alors sur la table des négociations une nouvelle réclamation, en l’occurrence la libération des trois terroristes en question. Une demande inacceptable pour les autorités algériennes qui ont toujours affiché une attitude hostile à ce genre de marchandage. Les responsables du Mujao le savent. Ils ont pensé à une autre stratégie pour faire fléchir la position algérienne.

C’est ainsi qu’ils ont lancé un ultimatum aux autorités algériennes pour répondre favorablement à leurs revendications contre la remise en liberté des otages qu’ils détiennent. Dans une vidéo rendue publique dimanche 26 août, les ravisseurs, par la voix d’un otage algérien, Tahar Touati, ont donné un ultimatum de cinq jours aux autorités pour remettre «en liberté des membres d’AQMI». Dans cet enregistrement, l’otage en question a lancé un appel au peuple algérien afin qu’il «agisse pour lui sauver la vie». L’ultimatum a été prolongé de 48 heures. Samedi dernier, les ravisseurs ont exécuté le premier otage. Et ils justifient leur acte par le refus des négociateurs algériens «d’aller au bout des négociations et de conclure un accord avec eux». «L’exécution du diplomate algérien est intervenue après l’expiration de l’ultimatum fixé au gouvernement algérien. Les négociateurs algériens ont renoncé à conclure un accord pour libérer les otages à la dernière minute», avance le Mujao. Les négociations risquent ainsi d’être rompues définitivement, ce qui mettrait en danger la vie des trois autres otages qui sont toujours entre les mains des terroristes.
Madjid Makedhi


Quel sera le sort des trois autres otages ?

L’annonce de l’exécution, samedi dernier, du vice-consul de l’Algérie à Gao (nord du Mali) par les terroristes du Mujao installe le doute sur le sort de ses trois collègues, encore en détention, car cet acte barbare risque de stopper net les négociations entre les autorités algériennes et l’organisation terroriste.

Une telle éventualité ne sera, certainement pas, du goût des responsables du Mujao qui vont, sans nul doute, recourir à d’autres formes de pression pour amener le gouvernement algérien à revenir sur ses principes et accepter la libération des trois terroristes arrêtés, le 15 août dernier, à Ghardaïa ainsi que le versement d’une rançon. Ils (les responsables du Mujao) n’hésiteront pas à lancer un ultimatum en menaçant de tuer d’autres otages, en cas de refus des autorités algériennes de satisfaire leurs demandes. Ce sont les familles de ces trois otages qui souffriront pendant ce temps-là. Il y a quelques jours, rappelons-le, la famille de Guessas Mourad a préféré s’adresser, via une lettre ouverte, aux plus hautes autorités de l’Etat.

Elle a lancé un véritable appel de détresse. Originaire de Tazmalt (wilaya de Béjaïa), la famille fait part de sa douleur et exhorte les ravisseurs à libérer les otages. «Nous prions ce mouvement de libérer notre fils et ses compagnons qui ne sont que des fonctionnaires», avait lancé l’épouse de Guessas Mourad. «Sous le choc depuis son enlèvement, nous ne perdons toutefois pas espoir qu’il soit libéré, afin de retrouver enfin sa fille de trente-six mois et toute sa famille qui n’arrive pas à trouver le sommeil depuis plus de quatre mois», ajoute-t-elle. Cette dernière appelle également les plus hautes autorités du pays à redoubler d’efforts pour faire libérer indemnes son mari et ses compagnons. «Nous lançons un appel au président de la République à œuvrer pour la libération de ses compatriotes en captivité depuis avril dernier», conclut-elle.

Madjid Makedhi


Le dialogue dans l’impasse

Un Afghanistan à nos frontières ?

Pour l’heure, l’Algérie soutient mordicus la «solution politique» pour éviter le chaos malien. Mais un dialogue est-il possible avec des groupes islamistes extrêmement belliqueux ?

Négocier ou intervenir ? Face à ce dilemme, l’Algérie assiste passivement à l’effondrement du Mali, naguère modèle africain de démocratie et de tolérance. Depuis le 27 juin dernier, les islamistes d’Ançar Eddine, les boutefeux du Mujao et les sanguinaires d’AQMI se sont ligués pour y imposer leur modèle de société, versant dans la barbarie et la bêtise. L’Algérie, médiateur traditionnel et historique sur le conflit touareg au Mali et partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme, a comme été assommée par le soleil brûlant du désert, laissant place à la Cédéao menée par le Burkina Faso de trouver un dénouement heureux à la crise. Si les médiateurs africains ne réussissent pas à désamorcer la bombe – leur plan d’action traîne en longueur –, le Mali, avec lequel nous partageons des frontières longues de 1000 km, risque de devenir une plaque tournante du djihadisme islamiste dans lequel règnent Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), composé essentiellement d’anciens membres du GSPC algérien, le Mujao qui prétend être un groupe dissident d’Al Qaîda fondé par des ressortissants d’Afrique de l’Ouest ainsi qu’Ançar Eddine composé d’islamistes maliens exerçant de multiples exactions et brimades sur les populations.

Le pays est aussi cerné par les islamistes shebab somaliens à l’Est et Boko Haram au Sud. Pour l’heure, l’Algérie soutient mordicus la «solution politique» pour éviter le chaos malien. Mais un dialogue est-il possible avec des groupes islamistes extrêmement belliqueux ? Le seul groupe avec lequel il serait peut-être envisageable de discuter serait Ançar Eddine. Mais ses rapports avec El Qaîda au Maghreb sont ambigus. Le président burkinabé, médiateur de la Cédéao, insiste pour qu’il se démarque d’AQMI avant de poursuivre les négociations.
Par ailleurs, une solution au conflit nécessiterait, selon plusieurs spécialistes, une collaboration étroite entre l’Algérie et le Maroc, chose qui semble difficile à obtenir. Si la «solution politique» peut mener à l’échec, une intervention étrangère ouvrirait la boîte de Pandore. L’armée malienne étant démembrée et démunie, le Nord-Mali ne pourra être libéré qu’avec le concours de la Cédéao et des forces coalisées.

Une intervention militaire étrangère

Et l’Algérie dans tout ça ? Sa participation à une intervention militaire au Mali verrait l’Armée nationale et populaire embourbée dans une guerre à laquelle la population algérienne est fortement opposée. Si, au contraire, notre pays s’oppose à l’offensive, la défaite serait alors certaine.
«Si les négociations échouent à cause du refus des radicaux islamistes de renoncer à l’imposition de la charia et leur rejet d’une présence de l’armée dans les régions nord, alors s’impose une offensive de l’armée avec les troupes de la Cédéao et surtout un soutien et appui de l’Algérie. Sous peine d’essuyer une défaite cuisante, ce cas de figure obligerait les groupes à revenir à la table de négociations», a expliqué Modibo Goita, dans un entretien au journal El Watan. Une offensive militaire sans la participation de l’Algérie pourrait aboutir, d’après lui, à une impasse sur le terrain, les affrontements militaires déborderaient les frontières maliennes et prendraient la forme d’actes sporadiques de violence et d’actes terroristes visant principalement les intérêts des pays occidentaux et des Etats impliqués dans l’intervention.

Devant la gravité de la situation, le Mali pourrait, a-t-il pronostiqué, rechercher des alliances contre-nature, voire accepter l’installation de bases étrangères si son existence venait à être menacée.
Le gouvernement malien semble, pour l’instant, aux abonnés absents, peinant à émerger après le coup d’Etat militaire contre le président Amadou Toumani Touré.
Pendant ce temps, après avoir pris le contrôle des régions de Kidal, puis de Gao et de Tombouctou, les islamistes ont fêté hier la prise de la ville de Douentza. L’islam en noir et blanc qu’ils ont imposé dans ces régions ressemble à celui d’un autre pays mis à genoux par ceux qui ont une vision particulière de la religion : l’Afghanistan.

Amel Blidi


Le MUJAO : Mouvement islamiste ou sous-traitant terroriste

A l’origine des mouvements «islamistes», c’était Al Qaîda, soutenue et assistée essentiellement par les USA à travers leur service de renseignements, la CIA, et l’Arabie Saoudite, dans son soutien armé des moudjahidine afghans contre le régime communiste protégé par l’ex-URSS (27 décembre 1979-15 février 1989).

Son leader Oussama Ben Laden, représentant du prince Turki Al Fayçal, alors chef des services de renseignements saoudiens, avait pour mission de ventiler les sommes allouées à la résistance afghane.
Un de ses lieutenants, un certain Abdullah Azzam, ancien professeur à l’université de Djeddah, en Arabie Saoudite, s’installa à Peshawar en 1984, près de la frontière afghane, pour fonder «Maktab Al Khadamat» qui fait fonction de bureau de recrutement, chargé de recevoir et d’organiser le flux des volontaires arabes voulant participer à la guerre contre le régime communiste. Dans son livre Défendre la terre des musulmans est le plus important devoir de chacun, Abdullah Azzam écrivait que l’Afghanistan n’était qu’un début :
«Ce devoir ne prendra pas fin avec la victoire en Afghanistan ; le jihad restera une obligation individuelle jusqu’à ce que toutes les autres terres, jadis musulmanes, nous reviennent afin que l’islam règne de nouveau. Nous attendent, ainsi, la Palestine, Boukhara, le Liban, le Tchad, l’Erythrée, la Somalie, les Philippines, la Birmanie, le Sud-Yémen, Tachkent et l’Andalousie. Cette guerre afghane avait fait des émules en Algérie, telles que le MIA, le GIA et le GSPC… et Al Qaîda des petits : Al Qaîda au Yémen, Al Qaîda au Maghreb… Certains observateurs des événements arabes, au vu des agitations dans l’espace sahélien, prédisaient l’apparition d’Al Qaîda du Sahel ou de l’Afrique subsaharienne. On a eu un mystérieux Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).

D’aucuns ont remarqué que les opérations terroristes menées par ce sinistre groupe ne ciblaient que l’Algérie : attaques contre des unités de la Gendarmerie nationale à Tamanrasset et à Ouargla, enlèvement d’étrangers à Tindouf, attaque et enlèvement des diplomates algériens à Gao (Mali), exigeant des rançons pour leur libération, et la toute dernière menace dont, curieusement, la presse marocaine a fait état : l’enlèvement planifié de l’héritière de la dynastie des Kennedy, Kerry, au moment de sa visite dans les camps de réfugiés sahraouis.

En l’absence d’une fetwa justifiant la mise à prix d’innocents pour leur libération par des organisations qui se prévalent de l’islam et de leur assassinat, il est légitime de s’interroger sur l’impact recherché ou le but non déclaré de tels agissements méprisables. A qui profite le crime ou le discrédit éventuel de l’Algérie ? Donnerait-il argument à une intervention étrangère ? Qui a intérêt à s’attaquer aux camps de réfugiés sahraouis à Tindouf ? Qui a intérêt à semer la peur et le doute au sein des ONG occidentales, donnant ainsi raison à l’abandon de leurs missions humanitaires et à leurs soutiens à la cause sahraouie à travers leurs témoignages ?
N’est-ce pas le Premier ministre marocain qui a déclaré formelle la réunion des ministres maghrébins des Affaires étrangères tenue à Alger pour traiter des questions de sécurité, tant que les frontières entre l’Algérie et son pays restent fermées ? La sécurité à nos frontières ouest serait-elle tributaire du trafic de carburant et du vol de cheptel avec la complicité des services marocains ? Durant les années 1990, le groupe terroriste qui sévissait à Béchar trouvait refuge au Maroc. Sollicité pour interdire l’utilisation de son territoire par les GIA, le roi Hassen II, protégé par cette éternelle Minurso, répondit : «A chacun son Polisario.»

Réponse qui a au moins le mérite de la clarté. Ces attentats cités plus haut ne seraient-ils pas la continuation de cette guerre sournoise par Mujao interposé ? Invité à identifier le Mujao, le professeur à l’Ecole de maintien de la paix de Bamako, Modibo Goïta, répond sur les colonnes d’El Watan : «Le Mujao a émergé comme groupe terroriste, en 2012, par sa prise d’otages dans le Sahara (…) Il opère à travers un vaste réseau ayant des ramifications et des connexions avec le milieu du trafic de drogue, d’armes et des kidnappings et disposerait de solides complicités dans les milieux politique et militaire de certains Etats de la région…»

En tout état de cause, AQMI, le Mujao et les trafiquants s’inscrivent dans le terrorisme international ou dans le crime transfrontalier. Seule la lutte concertée entre les pays du champ et la Cédéao pour ce qu’elle peut apporter en matière opérationnelle serait à même de nettoyer les espaces frontaliers, d’autant plus que les différends sur le plan de la stratégie globale semblent s’aplanir.

Mohamed Khalfaoui. Ancien officier de l’ANP