Guerre d’influence au Sahel

AREVA, LE GÉANT FRANÇAIS DU NUCLÉAIRE, RETOURNE AU NIGER

Guerre d’influence au Sahel

Par Ikram GHIOUA, L’Expression, 26 juillet 2011

Ce retour pourrait annoncer de nouveaux développements dans l’affaire des otages.

Neuf mois après avoir réduit la présence de son personnel expatrié au Niger suite à l’enlèvement de sept salariés d’Areva, la compagnie française spécialisée dans le nucléaire revient sur le site d’Arlit avec la ferme intention de le réinvestir. Dans un contexte mondial marqué par la guerre des monopoles énergétiques et une situation locale de fièvre pré-électorale, la France fait avancer un de ses piliers économiques vers la région du Sahel après l’avoir désertée en octobre dernier. Cette opération n’aurait jamais été mise en oeuvre sans l’aval de l’Elysée largement impliqué dans des opérations contre le régime d’El Gueddafi qui ont plongé la Libye dans le chaos. C’est plus qu’un défi lancé aux terroristes d’Al Qaîda. Ce retour, qui coïncide avec un immense trafic d’armes organisé par Aqmi et à son profit, doit certainement répondre à des considérations stratégiques et dont dépend l’avenir économique de la France.
Presque absente au Golfe, effacée en Asie et en Amérique latine, la France s’accroche au Sahel, en comptant sur ses réseaux installés au Maghreb.
Le retour des expatriés du géant nucléaire français qui étaient déjà ce week-end à Arlit, rapporté par l’AFP qui cite des sources d’Areva et nigériennes, pourrait annoncer de nouveaux développements dans l’affaire des otages.
«Il y a une dizaine d’expatriés qui sont arrivés avec le nouveau patron d’Areva, Luc Oursel», confie un agent d’Areva. Le nouveau patron, a quant à lui, selon le témoignage d’un élu local, passé la nuit de samedi à dimanche dans la cité minière d’Arlit. M. Oursel est venu accompagner et installer des expatriés; c’est la version consacrée. Cette visite, s’est-il félicité, relance la présence et marque le retour de la France dans la région. A la mi-septembre 2010, la France avait déserté les lieux après la recrudescence des rapts ciblant les ressortissants occidentaux en général et français en particulier. Pas moins de sept personnes ont été kidnappées dont cinq Français, un Togolais et un Malgache.
Les deux derniers et une Française seront par la suite libérés, cependant les quatre autres Français sont toujours entre les mains de la nébuleuse dans une région désertique au nord du Mali. Il est d’autant plus remarquable que le retour de la France au nord du Niger, intervient après les deux opérations militaires menées par la Mauritanie contre le réseau d’Al Qaîda dans cette région sahélienne et qui se sont soldés par la neutralisation d’une trentaine de terroristes. La France ne tardera pas à afficher sa satisfaction quant à ce résultat et ne manquera pas d’exprimer son soutien total à la Mauritanie et la lutte antiterroriste dans la bande du Sahel.
Ce retour s’inscrit également, après une visite en début juillet en France, du président Issoufou, qui avait confirmé à son homologue français avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des mines d’uranium exploitées par Areva ainsi que celle de ses expatriés au Niger. A ce propos, il souligne: «La zone d’Arlit est actuellement sécurisée, nous avons pris des dispositions pour cela». Areva a, de son côté, élaboré un nouveau plan de sécurité qui repose sur une contribution des forces de sécurité nigériennes. Mais est-il possible de faire face à une organisation terroriste désormais, plus armée et plus structurée avec les seuls moyens que possède l’un des pays les plus démunis de la planète? Officiellement, on se contente de contourner cette question et de dire que la réinstallation d’Areva à Arlit n’est qu’un juste retour des choses à la normale. Mais à quel prix et avec quelle garantie face à l’hégémonie chinoise et le «parrainage» américain dont l’ombre commence à planer sur la région?
Ni Pékin ni Washington ne sont prêts pour négocier à l’heure actuelle.