Mali: L’intervention étrangère se met en place

Le Mali veut «5 bataillons» pour le contrôle des villes du Nord

L’intervention étrangère se met en place

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 8 septembre 2012

Le Mali rejette tout déploiement de «forces militaires combattantes» étrangères sur son territoire, rapporte l’AFP en citant une lettre datée du 1er septembre 2012 envoyée par le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, à la Cédéao.

Curieusement, la lecture de la lettre du président malien, qui a été mise en ligne par plusieurs médias, va totalement à l’encontre de cette assertion puisqu’elle demande dans un chapitre intitulé «restauration de l’intégrité territoriale du Mali» des «soutiens et appuis aériens (appui renseignements, appui direct des troupes engagées, destruction des bases logistiques situées en profondeur…) et «cinq (05) bataillons à partir de la ligne de front, à engager graduellement dans le contrôle des villes reconquises».

Un bataillon faisant, selon les armées, entre 500 et 1.000 hommes, on serait plus ou moins dans le chiffre de 3.300 soldats annoncé par la Cédéao. Certes, la lettre dispose bien que dans l’aide demandée à la Cédéao, «le déploiement d’unité de police constituée ou de forces militaires combattantes est sans objet». Mais cela n’enlève rien au fait que «5 bataillons» sont sollicités pour être engagés «graduellement» dans le «contrôle des villes reconquises».

UN APPEL CONTESTE

Cette apparente contradiction n’est en fait que le produit d’un arrangement interne avec le Mali, le président ayant été obligé de composer avec la junte qui ne veut pas d’une présence militaire à Bamako qui affaiblirait sa position. Un compromis semble s’être dessiné sur le fait, les bataillons à déployer ne le seront qu’au Nord, sur la «ligne de front», à près de 700 km de Bamako.

Pour dire clairement les choses, l’intervention étrangère est sollicitée à condition qu’elle se passe au Nord, dans les zones conquises par les djihadistes islamistes.

Leur présence au Sud où les putschistes conservent leur influence et bloquent un retour à la normale est indésirable. Le discours de la Cédéao sur la nécessité de remettre de l’ordre à Bamako passe donc à la trappe alors que cela était présenté comme un préalable avant toute opération de reconquête du Nord.

A l’évidence, le président par intérim malien a été contraint de tenir compte du rapport de force à Bamako et de réorienter la priorité vers le Nord. Au regard de la «multiplication des activités criminelles et terroristes dans le nord du pays et des risques sécuritaires qu’elles font peser également sur toute la sous-région dans l’immédiat et sur le monde entier à terme, l’urgence d’une action concertée et coordonnée du Mali, de la Cédéao et de la communauté internationale n’est plus à démontrer».

Des informations indiquent que le chef de putschistes, le capitaine Sanogo, après avoir été contesté, a opéré un revirement en faisant savoir qu’il refusait la venue de cinq bataillons pour sécuriser les villes du Nord après qu’elles eurent été arrachées des mains des djihadistes. «Nous ne voulons pas de soldats de la Cédéao sur notre sol», a déclaré, sur RFI, un des porte-parole du capitaine, Bakary Mariko, qui insiste surtout sur le déblocage d’armes achetées par le régime d’Amadou Toumani Touré, et qui sont retenues, depuis fin juillet, par des pays de la Cédéao, notamment la Guinée et le Sénégal.

6.000 HOMMES !

Alors que la lettre du président malien fait des vagues chez les militaires à Bamako, Paris a réagi rapidement en annonçant, jeudi, la tenue d’une conférence sur le Sahel le 26 septembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Une soixantaine de chefs d’Etat sont conviés à cette conférence et le président français, François Hollande, a indiqué qu’il serait présent. En tout cas, des informations persistantes font état de la présence au Niger de militaires européens pour entraîner des soldats nigériens, maliens, mauritaniens. Le chiffre des djihadistes qui était jusque-là de quelques centaines d’hommes est subitement gonflé par certains médias qui évoquent des recrutements massifs qui auraient porté les effectifs à 6.000 hommes. Des drones effectueraient des survols dans le nord du Mali. Les éléments de l’intervention se mettent en place alors que les djihadistes du Mujao étendent leur influence au Sud et narguent les autorités maliennes. Certains analystes affirment que la chute, sans combat, de la ville de Douentza, entre les mains du Mujao a accéléré l’envoi de la lettre du président malien. La ville serait tout simplement tombée à la suite du ralliement, contre de l’argent, au Mujao du commandant de la troupe qui défendait la ville. Le Mujao a-t-il reçu des armes via le Burkina comme l’a affirmé Jeune Afrique qui cite des informations des services français ? Le ministre burkinabé de la Communication s’en est indigné : «Il faut éviter de se faire insulter. Il ne faut pas croire à n’importe quoi». Mais dans le chaos du Sahel, on peut justement faire croire n’importe quoi…