Imbroglio sahélien

Imbroglio sahélien

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 23 septembre 2010

La revendication de l’Aqmi de l’enlèvement survenu au nord du Niger n’évoque que les cinq otages français,les deux autres otages de nationalités africaines n’étant pas mentionnés. Il faut espérer que cette occultation est un signe qu’ils vont être rapidement libérés.

Mais en n’évoquant que les cinq otages français, l’Aqmi a choisi de ne mentionner que ceux qui ont une «valeur marchande» significative. Virtuellement, les djihadistes de l’Aqmi vont devenir plus riches. L’option la plus évidente pour l’Etat français, celle qui a été la plus utilisée dans la plupart des enlèvements qui se sont déroulés dans la région, est le paiement d’une rançon. Les autorités françaises, qui ont installé une base opérationnelle de 80 militaires à Niamey, au Niger, avec une mission de localisation des otages, n’ont pas de choix facile.

Le fait que la revendication de l’enlèvement n’ait eu lieu que cinq jours plus tard répondait à un objectif de sécurisation. Les otages sont, selon toute probabilité, dispersés entre plusieurs groupes. Une opération militaire destinée à les libérer comporte un risque très élevé pour la vie des otages. Les possibilités d’une opération militaire paraissent faibles : Paris pourrait n’avoir que la voie de la négociation – et donc du paiement de rançons – pour libérer les otages. Une éventuelle «explication» militaire n’interviendrait qu’après cette libération.

La France se retrouve dans la posture classique des Etats européens dont les citoyens enlevés servent, objectivement, de moyen pour lever des fonds pour les terroristes et leurs «médiateurs». Mais cet aspect des choses ne doit pas masquer l’état de débandade régionale face à l’évolution de la situation. Alors que l’Algérie ne communique guère sur ce qui se passe à ses portes, le président malien a choisi de polémiquer en accusant son voisin du nord de lui envoyer ses islamistes.

Le président malien ne manque pas de répartie. Sauf qu’il est difficile de ne pas constater un étonnant désintéressement pour ce qui se passe dans le nord de son pays. S’agit-il de laisser la situation pourrir afin de diluer les problèmes de fond (intégration, développement…) posés par les Touaregs au nord et de les mettre dans la case du terrorisme ?

La même question se pose au Niger. Il n’est pas fortuit que les responsables au niveau du pouvoir reprochent à l’entreprise française Areva, qui exploite les richesses en uranium au nord, d’avoir employé des Touaregs dans la sécurité. Là également, on choisit d’esquiver le fait que la question qui est posée est celle d’un partage plus équitable des ressources générées par l’exploitation de l’uranium.

De son côté, la Mauritanie, appuyée par Paris, mène une entreprise militaire en solo, qui inquiète l’opposition. La Coordination de l’opposition démocratique (COD) en Mauritanie a reproché au pouvoir en place d’engager le pays «dans une guerre illégitime, sans fondements légaux et dénuée de tout consensus national». Implicitement, l’opposition reproche au gouvernement mauritanien d’avoir préféré «coordonner» son action avec la France plutôt qu’avec les pays de la région. En toute logique, cette opposition considère que la Mauritanie n’a ni les moyens ni la vocation pour faire le «gendarme» dans la région.

En août 2009, une réunion à Tamanrasset des chefs d’état-major des pays de la région (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) avait laissé espérer une meilleure coordination. Un an plus tard, il faut bien constater qu’elle n’est pas là.