Coups de froid

Coups de froid

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 29 avril 2007

Entre Alger et Washington, si ce n’est pas la « crise », c’est au moins un sérieux froid. S’il y avait un doute sur le fait que la « lune de miel » a bien pris fin, les commentaires d’officiels algériens sur l’attitude américaine au sujet de la question du Sahara Occidental viennent de le lever. Il n’est pas habituel, en effet, d’entendre un diplomate algérien s’en prendre aux Etats-Unis – ainsi qu’à la France et à l’Espagne – en leur reprochant de « vouloir violer la légalité internationale ». Il existe actuellement un vrai forcing diplomatique de ces trois Etats pour faire avaliser le plan d’autonomie marocain et en faire une base de discussion privilégiée, voire unique, dans les négociations que le Polisario et le Maroc doivent mener.

Pour la France, la cause était entendue depuis longtemps. L’Espagne, même si elle s’en défend, s’est alignée sur la position de Paris. C’est au tour de Washington de le faire. La question du Sahara Occidental devient un élément de plus dans le refroidissement entre l’Algérie et les Etats-Unis.

Ce n’est pas un grand secret, les Américains considèrent que le Maroc est un vieil allié dont il faut préserver la stabilité. Mais la question du Sahara Occidental ne faisant pas partie de leurs priorités, ils avaient veillé, au cours de ces dernières années, à maintenir une certaine équidistance entre les différentes parties. On peut même dire que souvent la tendance générale tendait à coller à la légalité internationale.

Leur soutien au Plan Baker II, rejeté par le Maroc, avait suscité chez le personnel politique, et davantage dans la presse marocaine, des commentaires aigres, parfois virulents, sur la personne de l’ancien secrétaire d’Etat et sur les « appétits pétroliers » américains en Algérie.

Si aujourd’hui Washington constitue avec Paris et Madrid un « bloc occidental » favorable aux thèses marocaines, cela est difficilement séparable des autres points de friction avec Alger.

La «lune de miel» avec l’administration Bush s’est très largement fondée sur une coopération sécuritaire tous azimuts et sur une libéralisation du secteur des hydrocarbures. Même s’ils s’en défendent, les Américains n’ont guère apprécié l’aventure sans lendemain de la loi sur les hydrocarbures et le retour à la gestion classique d’une exploitation des gisements avec une participation majoritaire de l’entreprise nationale Sonatrach. Dans le domaine sécuritaire, le refus de l’Algérie d’accueillir des bases américaines sur son territoire et d’être partie prenante de l’Africom est un autre sujet de friction.

On a choisi en définitive de jouer à l’apaisement après l’incident diplomatique né de la mise en garde de l’ambassade américaine au sujet d’attentats en des lieux précis d’Alger, au nom des « obligations légales » de l’administration américaine à l’égard des citoyens américains. Mais pour beaucoup d’observateurs, l’alerte n’était ni une erreur professionnelle ni une mise en oeuvre d’une « obligation légale », mais bien un signe de défiance à l’égard d’Alger.

La question est de savoir si la diplomatie algérienne n’a pas trop présumé, au cours de cette dernière décennie, d’une « amitié » qui ne s’abreuvait en fait que du pétrole et du sécuritaire.