L’ANP envoie des troupes au Mali et assiste une opération militaire en Mauritanie

Lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue au Sahel

L’ANP envoie des troupes au Mali et assiste une opération militaire en Mauritanie

El Watan, 21 décembre 2011

L’Algérie a longtemps hésité à combattre le terrorisme au-delà de ses frontières ou encore à prêter main-forte à son voisin du Sud en raison justement de l’existence de collusions d’intérêt entre certains responsables maliens et des chefs de groupes terroristes en activité dans la région.

Les responsables du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc), structure militaire basée à Tamanrasset ayant pour feuille de route de coordonner la lutte antiterroriste dans la région du Sahel entre les armées algérienne, mauritanienne, malienne et nigérienne, ont visiblement décidé de passer à la phase active de leur stratégie. A en croire une source militaire malienne, l’état-major de l’Armée nationale populaire (EM-ANP) a envoyé, depuis peu, un groupe d’experts en matière de lutte contre le terrorisme dans le nord du Mali avec pour mission d’épauler l’armée malienne dans la traque des cellules du groupe terroriste Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) qui sévit depuis des années dans la région. «Des militaires algériens séjournent actuellement dans le nord du Mali pour apporter assistance à l’armée malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité», a confié, hier, à l’AFP, un haut gradé de l’armée malienne sous couvert de l’anonymat. Celui-ci n’a toutefois pas souhaité préciser le nombre de militaires algériens présents sur le sol malien, ni donner de détails sur la durée de leur mission.

Le haut gradé malien n’a également pas voulu préciser la nature de l’assistance que l’ANP apporte à l’armée malienne. Une source diplomatique à Bamako a néanmoins précisé au même canal qu’il s’agit d’une équipe d’instructeurs d’au moins 15 éléments parmi lesquels figurent des officiers. Ceux-ci seraient en route vers Tessalit, localité située près de la frontière algérienne. Du côté d’Alger, c’était hier le silence radio. Le ministère des Affaires étrangères et celui de la Défense ont préféré, en effet, ne pas réagir à l’information. Au-delà, le fait de voir des militaires algériens prendre la direction de Tombouctou ou de Kidal n’a aujourd’hui rien de surprenant dans la mesure où les leaders des pays du champ (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) ont convenu, depuis une année au moins, du principe de mener des opérations conjointes à chaque fois que la situation l’exige. Le Mali, pays qui était considéré ces dernières années comme le ventre mou de la lutte antiterroriste au Sahel, a même autorisé récemment ses partenaires à poursuivre les terroristes sur son territoire.

Preuve en est, Nouakchott et l’armée du Front Polisario ont mené le 8 décembre dernier une opération conjointe, appuyée au point de vue logistique par l’ANP, dans le sud-est de la Mauritanie qui s’est soldée par la neutralisation de trafiquants liés à l’enlèvement le 23 octobre dernier, dans le camp de réfugiés sahraoui de Rabouni (Tindouf), de trois humanitaires occidentaux. L’Algérie, affirme une source au fait du dossier, a longtemps hésité à combattre le terrorisme au-delà de ses frontières ou encore à prêter main-forte à son voisin du Sud en raison justement de l’existence de collusions d’intérêts entre certains responsables maliens et des chefs de groupes terroristes en activité dans la région. En plus de servir à coordonner la lutte contre le terrorisme, la création du Cémoc en 2010 aura en ce sens permis de définir les «règles du jeu» de la coopération sécuritaire au Sahel.

Des règles qui veulent, par exemple, que les rançons ne soient plus versées aux preneurs d’otages et que les interventions directes étrangères soient totalement exclues. C’est, apparaît-il, à ces conditions que l’Algérie a accepté de se lancer dans la guerre contre le terrorisme dans la sous-région. Le terrain montre néanmoins que les principes arrêtés par le Cémoc seront difficiles à faire respecter dans la mesure où la stratégie de lutte antiterroriste arrêtée par les pays du champ est souvent parasitée par des acteurs extrarégionaux. Une chose est sûre, la décision d’Alger d’envoyer des troupes au Mali correspond certainement à son souci pressant de circonscrire très vite la menace qui s’est amplifiée avec le conflit libyen et la montée en puissance du trafic de cannabis marocain et de diverses autres drogues provenant d’Amérique latine via l’Afrique subsaharienne.
Zine Cherfaoui