Sur l’ambiguité présumée de l’Algérie

SUR L’AMBIGUÏTE PRESUMEE DE L’ALGERIE

par M. Saadoune, Le Quotidien d’Oran, 26 septembre 2012

Dans le poker menteur qui se déroule au Sahel et notamment au Mali, la position de l’Algérie n’est pas la plus ambiguë et sa lisibilité n’est pas compliquée. Dans la presse française, cette ambiguïté présumée de l’Algérie est énoncée comme allant de soi. Quand on a des milliers de kilomètres de frontières communes avec des pays du Sahel dont les Etats sont déstabilisés et affaiblis, avoir une politique propre va de soi. Etre prudent et ne pas s’engager dans des aventures mal conçues et aux conséquences imprévisibles est dans l’ordre des choses. Seuls ceux qui pensent que l’Algérie ne doit pas avoir sa «propre» politique et doit nécessairement suivre des politiques décidées ailleurs y décèleront de l’ambiguïté.

Ce genre de «jugement» risque de prendre de l’ampleur dès lors que le choix de l’intervention militaire des forces de la Cédéao encouragé et soutenu par Paris commence à prendre corps. Dans le Monde, un officiel français anonyme se «désole» que l’Algérie adopte une «politique pouvant être assimilée dans la région à de la bienveillance envers le terrorisme !». Rien que ça ! Le même officiel explique que pour peu que l’Algérie se montre «constructive», le problème du Sahel serait résolu «rapidement» et «sans engagement de moyens militaires non africains». Même s’il n’a pas sa langue dans sa poche, cet officiel anonyme ne va pas vraiment au fond de sa pensée. Le vrai reproche décoché à l’Algérie porte sur le fait qu’elle n’accepte pas d’engager ses forces armées dans le nord du Mali. Il y a eu une phase où des louanges trop appuyées ont été adressées à l’armée algérienne – la «seule» disait-on en mesure de résoudre le problème – avant que cela ne tourne à la critique et à la dénonciation d’un «jeu trouble». Désormais on passe à l’accusation de «bienveillance» pour le terrorisme…

Les autorités algériennes continuent de privilégier une communication «zéro» sur leur politique au lieu de faire l’effort d’expliquer, même en off, leur démarche. On ne doit pas s’étonner que dans la presse française en général la thèse du «jeu trouble» de l’Algérie soit reprise de manière «unanime». Cela n’est pas le fruit d’une «directive» du pouvoir français ou de sa diplomatie. L’indépendance des journalistes ou des journaux n’est pas contestable dans ce domaine. Mais si les journaux français paraissent aller dans la même direction, il faut bien y voir l’effet d’un effort réussi d’information et de briefing mené par les responsables de ce pays. On ne saurait trop encourager les responsables algériens de revenir aux règles élémentaires de la communication qui consistent à briefer régulièrement les journalistes qui s’occupent des questions de politique étrangère. L’Algérie est contre une intervention militaire au nord du Mali, c’est une position qui se défend. Pas seulement au niveau du «principe».

L’ENTREPRISE DE RECONQUETE DU MALI QUE MENERAIT UNE ARMEE MALIENNE EN DECOMPOSITION AVEC DES COMMANDEMENTS EN CONFLIT ET UNE ARMEE DE LA CEDEAO DE 3.300 HOMMES – DONT LA MOBILISATION N’EST PAS VRAIMENT CERTAINE – EST, EN L’ETAT ACTUEL DES CHOSES, TECHNIQUEMENT ALEATOIRE. ON L’A DEJA DIT, REPRENDRE LES VILLES DU NORD DU MALI DES MAINS DES DJIHADISTES N’EST PAS LE PLUS DIFFICILE. IL S’AGIT ENSUITE DE LES TENIR ET DE SECURISER L’ENSEMBLE DE LA ZONE. L’ARMEE MALIENNE QUI N’EST PAS AU MIEUX DE SA FORME ET LA PETITE FORCE DE 3.300 HOMMES DE LA CEDEAO PEUVENT DIFFICILEMENT REPRENDRE DURABLEMENT EN MAIN UNE ZONE DE PLUS DE 800.000 KM2. IL FAUDRA DES FORCES AUTREMENT PLUS IMPORTANTES QUI RESTERONT SUR LE TERRAIN PENDANT UNE LONGUE DUREE. L’AMBIGUÏTE DE L’INTERVENTION MILITAIRE PROJETEE EST QU’ELLE EST PENSEE EN TERME DE «COUP DE POING» ET NON EN TANT QUE PROCESSUS. TOUTES CES DIFFICULTES «CONCRETES» JUSTIFIENT, AU-DELA DU PRINCIPE, LA DEFENSE DE LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION POLITIQUE ENTRE «MALIENS». CELA SUPPOSE UNE REMISE EN ORDRE A BAMAKO ET UN DIALOGUE SUR LA REFORME DE L’ETAT AVEC LES REPRESENTANTS DIVERS DE LA POPULATION AU NORD, Y COMPRIS LES REBELLES TARGUIS. L’OBJECTIF POLITIQUE EST BIEN D’ISOLER LES DJIHADISTES, CE QUI RENDRAIT LEUR TRAITEMENT PAR LES VOIES SECURITAIRES PLUS EFFICACE.