Lahouari Mohamedi, expulsé avant que la justice statue

Lahouari Mohamedi, expulsé avant que la justice statue

L’avocat de cet Algérien, mêlé contre son gré à la «filière chétchène», s’élève contre les arrêtés de Sarkozy.

Par Jacqueline Coignard, Libération, 23 février 2007

«N icolas Sarkozy prend des arrêtés illégaux, et il les fait exécuter avant qu’aucun juge n’ait pu les examiner» : Me Sébastien Bono ne décolère pas. Ce matin, il doit se présenter devant le juge administratif, statuant en référé sur un arrêté d’expulsion. Mais son client, Lahouari Mahamedi, est déjà entre les mains de la sécurité militaire algérienne après avoir été embarqué hier à Roissy.
Squat. Lahouari Mahamedi a été «aspiré dans une spirale judiciaire d’une affaire trop grande pour lui», explique son avocat. L’affaire dite de la «filière tchétchène». Cet Algérien de 35 ans, marié à une Française et père de trois enfants, avait prêté le squat qu’il occupait à La Courneuve à un compatriote, en décembre 2002, alors qu’il séjournait en famille à Oran. Mais ledit compatriote s’est révélé être Merouane Benhamed, le «chimiste» d’un groupe préparant des attentats en France.
A Oran, en regardant les informations télévisées, Lahouari Mahamedi assiste à la perquisition médiatique de son domicile de la cité des 4 000. Il rentre en France et se présente spontanément à la police. Mais finit par écoper de six ans de prison pour «participation à une organisation de malfaiteur en vue d’une entreprise terroriste», en juin 2006. «Sans aucune interdiction de territoire français, contrairement à tous les autres prévenus», souligne Me Bono, qui y voit le signe d’un embarras du tribunal à le déclarer coupable.
Le juge d’application des peines lui a accordé des permissions de sortie, puis le bénéfice d’une libération conditionnelle. A chaque fois, le parquet a fait appel. A chaque fois, les magistrats ont confirmé, compte tenu de la bonne conduite de ce détenu qui a appris à lire et à écrire en prison, qui a présenté de bonnes garanties d’insertion : un travail et un domicile (chez ses beaux-parents qui logent sa famille, au Kremlin-Bicêtre). Il devait donc sortir, le 8 février.
Justifié. C’est à ce moment-là qu’est tombé l’arrêté d’expulsion «en urgence absolue» du ministre de l’Intérieur, ainsi justifié : «en raison de l’ensemble de son comportement, l’expulsion de Lahouari Mahamedi constitue une nécessité impérieuse pour la sécurité de l’Etat et la sécurité publique». «Quel comportement ?» interroge Me Bono. L’avocat relève que le juge d’application des peines de Paris qui suit les condamnés en matière de terrorisme se louait, au contraire, du comportement de son client. En lui accordant une libération conditionnelle, le magistrat soulignait que Mahamedi «avait compris la nécessité d’être méfiant au regard de ses fréquentations».
Me Bono résume : le tribunal ne l’a pas condamné à une interdiction de territoire, la cour d’appel lui a accordé une libération conditionnelle, et on l’expulse sans même attendre l’avis du tribunal administratif sur la légalité de l’arrêté du ministère.