Sarkozy caresse les Algériens dans le sens des visas

Sarkozy caresse les Algériens dans le sens des visas

Le ministre de l’Intérieur a rencontré le président Bouteflika, qui a démenti les rumeurs sur sa maladie.

Par José Garçon, Libération, 15 novembre 2006

La visite marathon de Nicolas Sarkozy, qui s’est achevée hier à Alger, aura été marquée par une vraie bonne nouvelle : la possibilité pour les Algériens d’obtenir plus rapidement des visas ­ quinze jours au lieu de plusieurs semaines, voire des mois ­ grâce à la suppression de la consultation européenne préalable à la délivrance dudit visa.
Image ternie. Le ministre de l’Intérieur et candidat en campagne comptait sur cela pour se peaufiner une stature d’homme d’Etat dans un pays où faire oublier son image ternie par la crise des banlieues peut avoir un impact sur une communauté émigrée au poids électoral non négligeable. Confirmant l’ouverture, en 2007, d’un nouveau consulat général à Oran, il a aussi pris l’engagement que les consulats français recevraient instruction pour «traiter immédiatement, le jour même» , les demandes urgentes de visas.

Le reste aura été un exercice compliqué ­ éviter de trop s’étendre sur les sujets qui fâchent, comme la repentance de la France pour son passé colonial ou un traité d’amitié moribond ­ mais bien huilé. Nicolas Sarkozy a ainsi alterné les gestes en direction des Algériens, en déposant une gerbe au monument des Martyrs de la guerre d’indépendance, et en direction des anciens de l’Algérie coloniale, en se recueillant au cimetière chrétien de Saint-Eugène. Pas un mot de trop cependant sur la «repentance» exigée avec insistance par Alger pour signer le fameux traité d’amitié. Et peu importe, au fond, puisque le ministre français et son homologue algérien, Yazid Zehrouni, ont indiqué d’une seule voix qu’il n’était «plus d’actualité» .

Hommage. Faute d’aller plus loin sur cet épineux sujet, le candidat déclaré à la présidentielle s’est rendu au monastère de Tibéhirine pour «rendre hommage» aux sept moines français enlevés et égorgés en 1996 dans des circonstances qui n’ont toujours pas été élucidées. Se déclarant «ému» , «bouleversé» , mais ne soufflant mot de l’instruction en cours à Paris à l’égard de laquelle la France fait la sourde oreille, Nicolas Sarkozy a ainsi cautionné de fait la thèse officielle d’Alger qui attribue ces assassinats aux groupes islamistes armés, en dépit des interrogations sur le rôle de ses services de sécurité.

Plaçant sa visite sous le sceau de «l’amitié» et de «l’apaisement», Nicolas Sarkozy aura enfin fourni l’occasion au président algérien de démentir les informations sur l’aggravation de son état de santé. «C’est vrai que j’étais très malade, mais aujourd’hui je vais beaucoup mieux, j’en suis sorti de manière absolument fabuleuse» , a-t-il dit à l’issue de trois heures d’entretien en lançant, agacé, aux journalistes : «Arrêtez de poser des questions sur ma santé.» C’est là une vraie première, Abdelaziz Bouteflika n’ayant jusqu’ici jamais évoqué publiquement sa maladie.

«Nauséabonds». La presse algérienne, elle, se partageait entre louanges et critiques acerbes envers Nicolas Sarkozy. Si l’officiel El Moudjahid se félicite pour les visas, l’influent El Watan estime que le ministre français «a reçu des autorités l’accueil chaleureux qu’il ne méritait pas […] ayant été brouté sur les pâturages nauséabonds de l’extrême droite lepéniste».