France: Le gouvernement sort l’arme de la déchéance de la nationalité

Révision constitutionnelle en France

Le gouvernement sort l’arme de la déchéance de la nationalité

El Watan, 24 décembre 2015

Tout terroriste binational se verra retirer sa nationalité française et expulsé, après avoir été jugé et avoir purgé sa peine.Une loi constitutionnelle sera discutée par le Parlement en février prochain.

Jusqu’à présent en France depuis déjà les années 1930, les Français nés à l’étranger pouvaient voir prononcer la déchéance de leur nationalité française pour des cas graves. Une loi rarement appliquée. Depuis 2012, six déchéances ont été prononcées. Désormais, si le Parlement vote la disposition en février prochain, la mesure pourrait s’appliquer à tout Français jouissant d’une autre nationalité, même s’il est né en France selon le droit du sol.

Une mesure très «symbolique», comme l’a souligné le Premier ministre, Manuel Valls, pour répondre au choc de l’opinion publique après la violence des attentats de 2015, ceux de novembre et ceux de janvier contre Charlie Hebdo. Si cette arme juridique n’empêchera pas les terroristes d’entrer en action et de se faire sauter, «c’est une sanction lourde que la nation est légitimement en droit d’infliger à celui qui l’a trahie au plus haut point», a dit M. Valls.

Cette clause figure dans le «projet de loi constitutionnelle de protection de la nation», présenté hier au Conseil des ministres. Le président de la République, François Hollande, et le Premier ministre, Manuel Valls, ont tranché mardi soir cette question qui, depuis des décennies, est au programme de l’extrême-droite, avant d’être reprise par la droite républicaine dans les années 2000, sans être jamais appliquée.

A gauche par contre, le point du vue opposé a toujours était ferme, même au sein du Parti socialiste au pouvoir. Il faut dire que le droit du sol est un marqueur datant de la Révolution française auquel la gauche est attaché. Le président Hollande avait annoncé cette mesure lors du Congrès de Versailles, quelques jours après les attentats du 13 novembre, dans une tactique politique vis-à-vis de la droite, créant déjà un malaise chez ses partisans.

Un projet constitutionnel en deux articles

Le projet constitutionnel contient deux articles. L’article 1er constitutionnalise l’état d’urgence dont le régime était jusqu’à présent seulement fixé par une loi ordinaire. «Cette constitutionnalisation (…) va permettre aux forces de l’ordre de disposer de moyens renouvelés pour prévenir les atteintes à l’ordre public. Des mesures de polices administratives nouvelles pourront être prises, comme des retenues administratives pendant les perquisitions ou comme des contrôles d’identité sans justifier de circonstances particulières.

Ces mesures ne pourront être privatives de liberté. Elles seront placées sous le plein contrôle du juge administratif.» L’article 2 du projet de loi permettra donc l’extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français. Une loi ordinaire interviendra ensuite «pour fixer les modalités d’application de ces dispositions, notamment la liste des crimes pouvant conduire, en cas de condamnation, à la déchéance de nationalité».

Par ailleurs, le gouvernement prévoit, dès le début 2016, de présenter à l’Assemblée nationale un projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, suite au danger terroriste actuel, et à la nouvelle définition constitutionnalisée de l’état d’urgence.

Hier derrière le pupitre du Premier ministre Manuel Valls qui expliquait les choix du gouvernement, le slogan «Menaces terroriste : protéger dans la durée», sous un fond bleu, avait tout de l’emballage-cadeau voulu rassurant en cette avant-veille de Noël. Pour le Premier ministre français, le nouvel arsenal juridique «sera limité aux personnes définitivement condamnées par la justice pour un crime contre la vie de la nation (…) En aucun cas les auteurs n’échapperont à la justice française, ce n’est qu’à l’expiration de leur peine» qu’ils pourront faire l’objet d’une mesure de déchéance, puis d’expulsion du territoire.

Christiane Taubira désavouée

Mardi à Alger, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale algérienne, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait indiqué que la disposition concernant la déchéance de la nationalité avait été écartée (lire notre précédente édition).

Elle avait suscité un tollé à droite qui menaçait de ne pas voter la loi constitutionnelle sans cet article. Hier, Mme Taubira a été désavouée par le duo exécutif.

Elle annonce cependant son maintien au gouvernement : «Ce qui est important, n’est pas ma présence ou non au sein du gouvernement, mais la capacité de faire face au danger auquel nous sommes confrontés. La parole première est celle du président de la République.» W. M.

Walid Mebarek