Ces Algériens qui demandent la nationalité française

ALGERIE – FRANCE

Ces Algériens qui demandent la nationalité française

Le Quotidien d’Oran, 15 juin 2006

Un premier bilan d’étape du nouveau système de délivrance des visas fait dire au consul général de France à Alger que «c’est vraiment très encourageant».

« Exceptionnellement bonnes», répond le Consul général de France à Alger à propos de l’état actuel des relations algéro- françaises. Comparées aux années 70, où notre interlocuteur se trouvait déjà en Algérie, et après le coup de sirocco des derniers mois, aujourd’hui, les relations entre les deux pays sont jugées relativement détendues. D’où le caractère exceptionnel précisé par le diplomate français. Ceci étant dit, Francis Heude est de ceux qui estiment que le politique n’influe pas sur l’économique.

«Il y a un flux d’échanges tellement dense entre la France et l’Algérie qu’on ne peut le contenir par le politique». Ce qu’il qualifie «d’extrêmement encourageant pour aller de l’avant».

Fonctionnel depuis le 1er mai dernier, le nouveau système d’octroi des visas français semble donner des résultats satisfaisants. Le Consul général en fait un premier bilan d’étape. «C’est vraiment très encourageant, il n’y a plus de files d’attente devant le Consulat», a-t-il affirmé aux journalistes qu’il a conviés, hier, dans sa résidence d’El-Biar, à un sympathique déjeuner. Il tient à souligner que «la file d’attente a vraiment disparu et les personnes qu’on voit dehors sont celles qui accompagnent les demandeurs de visa». Pour rappel, le nouveau système consiste à constituer un dossier «classique» de demande de visa à partir d’un imprimé qu’on pourrait retirer d’Internet, l’envoyer par poste et attendre la réponse des services consulaires de France, à Alger. Dès réception d’une réponse positive, et pour retirer son visa, le demandeur doit appeler -et c’est-là la nouveauté- le 1579 pour avoir un rendez-vous qui lui est fixé selon sa convenance. En cas de besoin de renseignement au sujet de la constitution du dossier, il appelle le 1573.

Pour la précision, il note que la durée de la communication pour demander des renseignements est d’une minute, trente secondes et celle pour les rendez-vous est de deux minutes. Francis Heude tient à expliquer les performances de ses services dans le détail. Six semaines après le lancement de cette nouvelle démarche, le Consul général de France fait savoir que ses services ont reçu 12.000 appels pour des renseignements et 49.000 pour des rendez-vous. Aucun refus n’a été enregistré. Juste un inconvénient, les demandeurs de quelques villes de l’Ouest y compris Oran n’arrivent pas à joindre le Consulat français à Alger à partir des kiosques multiservices (KMS) en raison d’une défaillance technique dans leur système téléphonique. Le Consul général dit avoir été agréablement surpris de la disponibilité des responsables de l’Agence de régulation des postes et télécommunications (ARPT) à régler ce problème.

Il a cependant remarqué que «les rendez-vous, c’est quelque chose qui n’est pas très familière aux Algériens». Ce qui fait arriver certains d’entre eux à l’avance même avec des rendez-vous très précis. «S’ils arrivent à l’avance, on les fait entrer parce qu’on ne veut personne dans la rue et on refuse de donner cette impression détestable de les faire entrer au compte-gouttes». L’intégralité de la demande qui passe par la poste est ainsi traitée, sans cependant, aucune incidence sur sa quantité.

Et sans aucun rejet. Le Consul général en est convaincu. Il a rappelé au passage que la France a introduit une requête auprès de la Commission européenne lui demandant de lever l’instruction imposant une consultation des partenaires de l’espace Schengen avant tout octroi de visa aux ressortissants algériens. «La réponse sera donnée dans cinq ou six mois, peut-être…» dit-il.

Interrogé sur la catégorie des demandeurs susceptibles de bénéficier d’un visa territorialement limité (VTL), le Consul général précise en premier, que ce genre de visas est délivré sur dérogation et conformément à une directive de l’espace Schengen exigeant l’une des trois raisons: humanitaire, d’intérêt national ou alors par respect à une convention internationale. Le recours à cette procédure est donc rare «parce qu’elle permet juste de faire face à des situations exceptionnelles». D’ailleurs, seules quelques centaines de VTL ont été délivrées au cours de l’année 2005 uniquement «parce que nous avons des liens avec l’Algérie qui sont extrêmement forts», affirme Heude. Il fait cependant, remarquer que certains Algériens aiment bien avoir un VTL «parce que ça fait chic d’avoir un visa en l’espace de dix jours sur un simple coup de téléphone de la secrétaire particulière». Remarque pertinente de Heude: «c’est un visa d’un mois avec une seule entrée alors qu’il suffit d’attendre dix autres jours de plus et avoir un visa d’une année». Mais là c’est le chic qui prend un coup.

A catégorie particulière, régime particulier, les étudiants, pour leur part, se font passer un test au niveau des centres culturels français en Algérie pour juger du niveau de leur connaissance de la langue française. Résultat: un étudiant admis sur deux. Ce qui signifie 50% de rejets de leurs demandes de visas par le Consulat. C’est une démarche systématisée et si on y recourt tardivement en Algérie c’est parce que, dit simplement le Consul général, «on a pensé que l’Algérie était un pays francophone mais ça ne l’est plus maintenant!» Pour toute demande de visa «fausse», les services consulaires recourent à la justice. «En cas de présentation de faux documents, le Consulat dépose plainte et le fraudeur est recueilli sur place par la police», dit le Consul général.

Nous apprenons au passage que les deux Algériens (dont une femme) employés par le Consulat de France à Alger accusés, l’année dernière, d’avoir délivré des visas illégalement, comparaîtront le 21 juin prochain devant le tribunal de Bir Mourad Raïs, à Alger.

La nationalité française est cet autre volet du dossier algéro- français qui a été «ouvert» au cours du déjeuner. C’est précisément la réintégration des Algériens nés avant l’Indépendance qui en a été le point nodal. «Il y a effectivement une disposition du code français de la nationalité qui le précise mais à condition que la personne réside en France», explique le Consul général. Jusqu’en 2004, le Consulat répondait systématiquement à ceux qui la revendiquent que «vous n’êtes pas éligible à la réintégration». Mais c’est par un arrêt que le Conseil d’Etat français leur a dénié cette compétence. C’est ainsi qu’ils ont été instruits de transmettre toute demande de réintégration à la direction de la population rattachée au Quai D’Orsay. «Nous avons reçu en 2005, 100.000 demandes de réintégration mais celles acceptées sont inférieures à 100, ce n’est rien du tout», dit Heude.

A ceux qui affirment que beaucoup d’Algériens ont bénéficié de cette réintégration, il répond: «il faut se garder des généralités et chaque dossier est un dossier différent». A propos des 5.000 Algériens qui retournent au pays, Heude indique «qu’on n’a pas d’élément mais il y a probablement des retraités, c’est fortement significatif». Pour ce qui est des Français d’origine algérienne, les services consulaires ont relevé qu’il s’agit notamment de cadres supérieurs «qui viennent tenter leur chance en Algérie». Pour le Consul général «ils pensent et peuvent ainsi faire fortune parce qu’en France ils réussissent plutôt une carrière professionnelle».

40 000 personnes sont inscrites aux deux consulats généraux en Algérie dont 90% sont d’origine algérienne. «Ce sont pour nous des personnes -relais de qualité au sein de notre communauté», estime le Consul général «ils sont vraiment les bienvenus». D’autant qu’avec ce que Heude qualifie de «tolérance des autorités algériennes en matière de nationalité, ils sortent du bois».

Ghania Oukazi